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COMMENT LIMITER LE RISQUE DE SURVENUE D’UNE CIRRHOSE ?

Un quart des décès liés à une consommation excessive d’alcool est provoqué par la maladie alcoolique du foie (MAF). Nous avons vu dans un blog précédent que cette MAF avaient plusieurs formes évolutives dont la plus sévère était la cirrhose. Nous allons nous concentrer sur cette dernière entité qui est tout-à-fait particulière.

La cirrhose est le dernier stade de toute maladie hépatique (maladie du foie) chronique.  La cirrhose correspond à l’accumulation de petites formations nodulaires (petites boules de quelques mm de diamètre). Entre parenthèse, les nodules de cirrhose ne se développent que dans le foie et donc il n’est pas nécessaire de parler de cirrhose « du foie ».

DÉVELOPPEMENT DE LA CIRRHOSE ALCOOLIQUE

Un premier point important est que nous ne sommes pas égaux face au risque de cirrhose. En effet, si près de 90 % des patients buveurs excessifs ont une atteinte hépatique modérée (foie gras et augmentation des taux de gGT), seule une minorité de ces consommateurs aura une cirrhose : entre 10 et 20 %. 

Cela peut être lié au patrimoine génétique, puisque des gènes favorisant la survenue de cirrhose et d’autres limitant ce risque, ont été mis en évidence. D’autre part, il est possible que d’autres facteurs de risque en plus de l’alcool doivent s’ajouter pour développer une cirrhose.

EFFET DOSE-DÉPENDANT DE LA CONSOMMATION D’ALCOOL

La question qui taraude volontiers les consommateurs est celle-ci : à partir de quand peut-on considérer que l’on est à risque de faire une cirrhose ? Cette question des doses fait l’objet de beaucoup de polémiques et repose sur des résultats qui ne sont pas toujours homogènes, mais voici quelques renseignements qui font globalement consensus.

1°) Tout d’abord les risques sont dose-dépendant : plus on boit, plus on a de risque d’avoir un jour une cirrhose.

2°) Le risque commence quand ? 

Il est bien démontré que la survenue de la cirrhose chez les femmes augmente avec une quantité consommée d’au moins 1,5 verre par jour. Chez l’homme, le risque commence à au moins 2 verres par jour.  C’est pourquoi, concernant spécifiquement le risque de cirrhose liée à l’alcool, il est recommandé de ne pas dépasser 14 verres par semaine chez la femme et 21 par semaine chez l’homme. Attention, le risque de cirrhose grimpe vite. Par exemple une étude a montré qu’autour de 6 verres / jour, le risque de développer une cirrhose était multiplié par 12, par rapport aux non-consommateurs.

3°) Pour quelle durée ? 

Outre la dose dont nous venons de parler, la durée de la consommation compte aussi. Les durées à fort risque commencent à 15 ans chez les hommes et 10 ans chez les femmes. Cela explique que la cirrhose pour survenir chez des personnes relativement jeunes, surtout s’il existe d’autres facteurs de risque.

MODALITÉS DE CONSOMMATION

Indépendamment des quantités bues et des durées de consommation, d’autres facteurs peuvent jouer. Ainsi, la consommation de vin est associée à un risque inférieur de développer une cirrhose par rapport à d’autres types d’alcool. Cela ne veut évidemment pas dire que le vin n’est pas toxique, simplement qu’il semble moins hépato-toxique que d’autres boissons alcoolisées (c’est-à-dire que le vin semble être moins toxique pour le foie que d’autres boissons alcoolisées).

Surtout, il est plus mauvais de consommer de l’alcool en dehors de repas. A quantités consommées équivalentes, il y a moins de risque de survenue de cirrhose si l’alcool est consommé durant les repas.

Autre point important, la consommation quotidienne apparait plus délétère que l’usage occasionnel d’alcool. Attention, ces résultats sont surtout clairs chez les hommes et ne signifient pas que des consommations explosives (type binge drinking) ne sont pas toxiques. Toutefois, cela étaye la recommandation faite par Santé Publique France d’avoir si possible 2 jours sans consommation chaque semaine.

AUTRES FACTEURS DE RISQUE

1) Tabac

Même si nous parlons de cirrhose liée à l’alcool, il existe d’autres facteurs qui vont participer à l’augmentation du risque de développer cette maladie.

Le premier de ces facteurs est le tabagisme. Nous évoquons la co-toxicité du tabac à chaque fois que nous parlons d’alcool, mais il est important d’insister encore sur ce point. En effet, il n’est pas spontanément évident qu’une substance inhalée, qui va rester dans les bronches et les poumons, agresse le foie. Pourtant, il est formellement démontré que le tabac augmente la production de fibrose hépatique (c’est-à-dire de multiples petites cicatrices intra-hépatiques). Pour information, le tabac augmente aussi la production de fibrose dans d’autres organes : les reins, le cœur, le pancréas. Dans une étude faite au sur plus de 1 million de personnes suivies pendant 6 ans, fumer 1 paquet / jour multipliait le risque de survenue de cirrhose par presque 4 par rapport aux non-fumeurs. Vous voyez qu’il ne s’agit pas là d’un risque négligeable.

2) Surpoids

Un autre facteur de risque important est l’existence d’un surpoids. Il s’agit d’un facteur de risque en soi de développer une cirrhose (en dehors donc de toute consommation d’alcool), et donc, cela n’est pas étonnant qu’il augmente le risque de développer une cirrhose alcoolique. La définition du surpoids est la suivante : il y a surpoids lorsque l’index de masse corporel est supérieur ou égal à 25 chez les femmes et supérieur ou égal à 27 chez les hommes.

Pour calculer l’index de masse corporel (IMC), il faut diviser le poids par la taille au carré, soit 

IMC = P/T2

Exemple : Si je suis une femme, que je pèse 62 kg et que je mesure 1m66, pour calculer mon IMC, je divise 62 par 1,66 x 1,66 ce qui donne un résultat d’IMC à 22,5. C’est inférieur à 25, donc pas de surpoids (ouf !). 

3) Diabète

Le diabète de type 2 est aussi un facteur de risque d’évolution vers la cirrhose, mais son rôle délétère pourrait être lié au surpoids qui lui est souvent associé. De toute façon, il est toujours indispensable de travailler à l’équilibre de son diabète, car cela évite de nombreuses complications possibles (incluant les maladies du foie).

4) Autres facteurs

Bien sûr, toutes les autres causes de maladies hépatiques vont favoriser l’évolution vers une cirrhose ; par exemple une infection par le virus de l’hépatite B, de l’hépatite C, le VIH, l’hémochromatose (maladie de surcharge en fer), etc… A voir avec votre hépatologue préféré.

Enfin, il y a un facteur de risque qui est classiquement cité, que l’on ne voit jamais en pratique habituelle, mais qui a un côté exotique pour ne pas dire sympathique : c’est la consommation d’alcools de fabrication artisanale. Cela évoque le dessin animé « Bernard et Bianca » et la fabrication d’alcool frelaté dans le Bayou (nostalgie de Walt Disney). 

En revanche, la consommation de café aurait un effet protecteur hépatique, à partir d’une consommation de 4 tasses quotidiennes.

IMPLICATIONS

Dans une réunion scientifique, après une présentation sur ce thème, un médecin a fait la remarque suivante : « mais on ne peut tout de même pas tout interdire aux patients !». Il avait tout à fait raison. 

Toutefois, on peut adopter une autre façon de raisonner. Ces données offrent au contraire aux patients de nombreuses opportunités pour travailler dans différentes directions. Bien sûr, il n’est pas possible de tout faire en même temps, mais il est possible de choisir, à un moment particulier, l’objectif qui paraît le plus accessible.

Celui-ci peut être picoré dans le tableau suivant qui résume les données présentées : 

  • Essayer de consommer 2 verres / j ou moins chez la femme et 3 verres / j ou moins chez l’homme
  • Avoir un ou deux jours sans alcool dans la semaine
  • Boire pendant les repas plutôt qu’en dehors de ceux-ci
  • Arrêter (ou effondrer si l’arrêt n’est pas encore possible) sa consommation de tabac
  • Surveiller ses habitudes alimentaires et son poids
  • En cas de diabète de type 2, suivre le traitement de façon très rigoureuse
  • Consulter au moindre doute pour une prise en charge possible des facteurs de risque associés
  • Continuer à consommer 4 tasses de café / j (mais en évitant le sucre)
  • Conserver un bon moral car c’est toujours un plus pour la santé

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