Il existe une relation complexe entre l’alcool et la sexualité. Certains effets positifs sont ressentis et parfois même recherchés. Les effets négatifs sont malheureusement bien plus nombreux et souvent méconnus. D’autre part, l’impact de la consommation d’alcool va différer en fonction de la quantité consommée et du mode de consommation qui peut être ponctuel (aigu) ou chronique.
Consommation ponctuelle d’alcool
La consommation occasionnelle d’alcool est souvent présente lors des rencontres et des premières relations sexuelles avec un(e) partenaire. L’effet désinhibiteur de l’alcool aide certaines personnes à surmonter les difficultés à aller vers l’autre et entreprendre une démarche de séduction. C’est vrai à tout âge mais tout particulièrement chez les adolescents et les adultes jeunes. Cet effet désinhibiteur peut difficilement de ne pas être considéré comme un effet positif.
De plus, l’alcool a la réputation d’avoir un effet aphrodisiaque et de favoriser la sexualité. Cependant, cela ne reflète pas la réalité. En effet, des études particulièrement intéressantes ont été menées chez des volontaires (sans consommation excessive d’alcool). Les participants jeunes et en bonne santé buvaient des boissons avec ou sans alcool, visualisaient ensuite des images pornographiques avec une évaluation objective de l’excitation sexuelle. Tout l’intérêt de cette étude est que certains volontaires croyaient consommer une boisson alcoolisée et ne recevaient qu’un cocktail sucré, tandis que d’autres buvaient un cocktail annoncé sans alcool alors qu’il s’agissait d’une boisson alcoolisée.
Les résultats de ces travaux montrent que les participants qui pensaient avoir bu de l’alcool déclaraient être plus excité (plus d’excitation subjective c’est à dire ressentie) alors même que la consommation d’alcool avait diminué l’excitation objective (mesurée par des capteurs de pressions génitaux). Ainsi, l’anticipation de la consommation et la perception subjective des effets de l’alcool sont plutôt positives alors qu’en réalité l’effet objectif sur l’excitation est négatif.
En résumé, l’alcool peut favoriser la rencontre et le désir, mais diminue de façon objective l’excitation. Quand on parle d’excitation, il s’agit de l’érection chez l’homme et la lubrification vaginale chez la femme.
Shakespeare a illustré cette discordance entre le mythe et la réalité des effets de l’alcool dans sa pièce MacBeth (Acte 2, scène 3) presque 400 ans avant les études que nous avons citées dans le paragraphe précédent : « it provokes the desire but it takes away the performance ».
Bien résumé !
Dernière précision d’importance, l’impact négatif de l’alcool est dose-dépendant. En effet, la sexualité est d’autant plus altérée que la quantité d’alcool consommée est importante.
La consommation chronique alcool est aussi très toxique sur la sexualité puisqu’elle se complique d’une baisse du désir sexuel, d’une diminution de l’excitation (érection, lubrification vaginale) et d’une difficulté à atteindre l’orgasme. Ces complications concernent les hommes comme les femmes et ont été mise en évidence par de nombreuses études faites dans différents pays.
Même si les troubles de l’érection sont plus souvent étudiés dans ces études, c’est bien sûr en tenant compte de l’ensemble des dysfonctions provoquées par l’alcool que l’on peut comprendre les difficultés sexuelles survenant chez des consommateurs excessifs.
Une toxicité multifactorielle
Les facteurs à l’origine de la toxicité de l’alcool sur la sexualité sont multiples. Des problèmes psychologiques et relationnels sont souvent présents mais aussi des mécanismes physiologiques : principalement des troubles vasculaires, neurologiques et hormonaux.
Les prises en charge sont donc complexes, mais s’inscrivent complètement dans la vision intégrative actuelle de l’approche diagnostique et thérapeutique en sexologie. Dans le schéma ci-dessous, on voit clairement que la sexologie s’intéresse à toutes les dimensions impliquées dans la fonction sexuelle : les facteurs biologiques, le milieu socio-culturel, les habiletés relationnelles, psychologiques.

Associée à l’approche sexologique, une démarche alcoologique doit être associée. C’est pourquoi le dépistage systématique d’une consommation excessive d’alcool est essentielle. Cela peut se faire rapidement à l’aide de 2 questions :
1) À quelle fréquence consommez-vous des boissons alcoolisées ? (en suggérant des fréquences éventuellement pour obtenir des réponses précises : par exemple, « tous les jours », « 2 à 3 fois / semaine », « 1 à 2 fois par mois »)
2) Quelle quantité d’alcool consommez-vous les jours où vous buvez de l’alcool ? (En suggérant aussi, si nécessaire, un nombre de verres ou de bouteilles)
Si la quantité vous semble importante, n’hésitez pas à adresser la personne qui consulte à un service ou un confrère spécialisé. Lorsque cela est difficile ou que les délais sont importants, vous pouvez aussi conseiller des outils de e-médecine ainsi que cela a été rappelé par la MILDECA (Mission Interministérielle de Lutte contre les Drogues et les Conduites Addictives). L’outil actuellement le plus avancé en France est l’application MyDéfi. MyDéfi aide les consommateurs d’alcool à réduire leur consommation de manière autonome grâce à un coaching discret et anonyme qui s’ajuste à leurs progrès au quotidien. Les utilisateurs constituent un agenda de consommation, recoivent des messages d’information et des conseils sur mesure adaptés à leurs consommations et leur évolution.
Pourquoi parler de cette problématique maintenant ? Parce que le mois de janvier est dédié à la diminution, voire l’arrêt de toute consommation de boissons alcoolisées (vous avez probablement entendu parler de dry january, janvier sec ou de janvier sobre). Plusieurs groupes se mobilisent actuellement en France pour informer le public sur les normes de consommations proposées par Santé Publique France (2 verres par jour maximum et des jours sans alcool chaque semaine) et pour motiver des changements de comportement. Vous pouvez par exemple visiter le site de « Janvier Sobre » pour vous renseigner sur leur action et les messages dispensés. https://janviersobre.fr
Pour conclure, la consommation aigüe et surtout la consommation chronique d’alcool sont de grandes causes de dysfonctions sexuelles. Le repérage est indispensable car la diminution, voire l’arrêt de la consommation d’alcool est une étape essentielle pour espérer l’amélioration des symptômes sexuels.
Enfin, l’application MyDéfi peut apporter une aide alcoologique aux consommateurs excessifs qui ne sont pas suivis par des soignants spécialisés.