La maladie alcoolique est classiquement décrite comme une maladie chronique, récidivante dont le traitement est l’abstinence. Or, après le sevrage alcoolique, certains patients rapportent une attraction pour des aliments au goût très sucré. Ils en sont d’autant plus étonnés qu’ils n’avaient pas de telles envies pour les produits sucrés auparavant. Par exemple, un homme de 45 ans déclarait 2 mois après avoir stoppé l’alcool, qu’il avait toujours un paquet de bonbons dans sa voiture, alors qu’il n’en mangeait pas auparavant.
Plusieurs études ont montré que l’ingestion de produits très sucrés provoquait des réactions neurochimiques dans le cerveau tout à fait comparable à ce qui est observé après la consommation d’une drogue. D’autre part, lors d’expériences menées chez le rat, il est apparu que le sucre générait chez ces rongeurs un besoin plus puissant que la cocaïne. Il n’est donc pas incohérent de penser qu’il pourrait exister un lien entre ces deux types de produits, qui tous les deux empruntent le circuit de la récompense dans le cerveau.
D’ailleurs, les personnes ayant une dépendance à l’alcool ou à une autre drogue ont plus d’attrait pour les produits très sucrés que les personnes non dépendantes.
À l’inverse, il semble aussi que les personnes qui ont des consommations importantes de sucre et de produits sucrés sont plus à risque de souffrir d’un mésusage de substances psychoactives (c’est-à-dire l’alcool, le tabac ou toute autre drogue illégale).
Notez bien qu’il s’agit d’études sur de nombreux patients et que cela n’est pas vrai pour tout le monde. Il s’agit toutefois, c’est une information intéressante à connaître.
Après le sevrage, il pourrait y avoir donc un transfert de « dépendance » entre l’alcool et l’alimentation, en particulier les aliments sucrés. Ceci expliquerait la survenue de certains troubles du comportement alimentaire chez certains personnes. Lors du sevrage d’un produit, des épisodes de pertes de contrôle alimentaire peuvent survenir, parfois sous la forme de « binge-eating » (voir l’article binge-drinking). Pour d’autres, la nourriture peut être utilisée comme « substitution » ou pour réguler l’humeur, les émotions ou le stress.
Donc un transfert de l’alcool vers la nourriture semble possible, mais la fréquence de ce phénomène reste mal connue. Des médecins allemands ont montré que chez les patients qui avaient stoppé ou diminué leur consommation d’alcool, près de 80 % augmentaient leur consommation de tabac, de café, de chocolat ou de produits sucrés. Cela ne nous informe pas spécifiquement sur la consommation de produits sucrés car leurs prises sont évaluées sans faire la diffférencier de plusieurs autres substances, dont le café.
Une autre étude amène plus d’éléments de réponse. Cette étude a été effectuée chez des malades hospitalisés 6 semaines pour faire un sevrage alcool et une « post-cure » afin de consolider ce sevrage. Ces patients avaient un accès libre aux produits sucrés grâce aux provisions que leur famille leur amenait et à la possibilité d’acheter au point presse de l’hôpital divers gourmandises. Divers paramètres concernant une appétence pour les produits sucrés ont été mesurés à plusieurs reprises et les résultats sont particulièrement intéressants.
1°) Il apparaît que le craving pour l’alcool diminue tout au long de l’hospitalisation. A l’opposé, le craving pour les produits sucrés (gateaux, barres chocolatées, sodas, etc…) augmente pendant la même période.
« Le craving est un terme importé des États-Unis, venant du verbe « to crave » qui signifie « avoir terriblement besoin », « avoir très envie », « être avide de ». Le craving convoque donc le désir, la pulsion, le besoin, l’envie, toujours doublé d’un caractère irrépressible et irrésistible. »
https://www.maad-digital.fr/en-bref/le-craving-symptome-de-laddiction
2°) Les deux courbes se croisent comme s’il y avait un transfert d’envie de l’alcool vers le sucre. Nous ne parlons pas de dépendance car l’existence d’une dépendance au sucre chez l’homme reste contestée (même si on vraiment l’impression que certaines personnes en souffrent.
3°) Par ailleurs, chez les malades qui ont une augmentation de leurs envies de sucre, il y a une constitution de réserve de produits sucrés dans les chambres que l’on ne trouve pas chez les patients qui n’ont pas d’augmentation d’envie.
4°) Enfin, ce sont ces malades qui ont des envies de sucre et qui font des réserves qui prennent du poids à l’issue de l’hospitalisation ; les autres patients ayant un poids stable voire une perte pondérale.
Est-ce que cette nouvelle appétence au sucre survient de façon rare après un sevrage alcoolique ?
Non, elle a été observée chez 40 % des patients. Il s’agit donc d’un effet secondaire qui est très fréquent.
Ainsi, les patients qui font des sevrages alcool doivent savoir qu’il s’agit d’un effet possible. Ils peuvent ressentir le besoin de manger divers produits très riches en sucre. Il y a alors le risque de se constituer un petit garde-manger dans lequel il sera facile de piocher à toute heure de la journée. C’est dans ces cas particuliers, mais pas si rares, qu’il peut y avoir une prise de poids après arrêt de l’alcool.
Il faut préciser que dans la grande majorité des cas, il s’agit d’un transfert d’envie qui est transitoire et que donc, les patients ne sont pas condamnés à augmenter leur consommation de produits sucrés au long cours. Généralement, ces envies s’effondrent après quelque mois.
Les résultats de cette étude sont-ils surprenants ? Non, pour deux principales raisons.
- Tout d’abord, il a été possible d’obtenir des résultats comparables chez des rats. Ceci confirme bien que le transfert de craving d’un produit psycho-actif (ici l’alcool) vers le sucre en général est une réalité et non une bizarrerie liée à des patients très atypiques
- Deuxièmement, ce transfert de craving est bien connu chez les personnes qui arrêtent de fumer et qui souvent compensent l’absence de tabac par bonbons et gâteaux.
Pour conclure.
Si vous consommez trop d’alcool et que vous arrêtez de boire, vous pouvez ressenti des envies très fortes de produits sucrés. C’est très fréquent et généralement transitoire. Donc, soyez rassurés. Mais restez quand même vigilant afin de ne pas prendre de mauvaises habitudes qui pourraient, au long cours, nuire à votre santé.
Repérer les envies de sucré permet aussi d’essayer d’autres « procédés auto-calmants » (prendre le temps d’aller faire un tour, respirer lentement et profondément, parler à un ami , faire quelque chose d’agréable). L’envie de sucré peut être en quelque sorte un « signal » du besoin de réconfort, d’apaisement ou même du besoin de se défouler. Et si, il y a consommation de sucré, le faire en conscience, lentement donnera plus rapidement lieu à une satisfaction.
Le sucre, c’est sympa, mais en quantité contrôlée.