Le sevrage alcoolique est un des outils de prise en charge possible chez certains patients ayant un problème d’alcool. Dans ce cas, un traitement médicamenteux par benzodiazépine peut être proposé. Nombreux sont ceux qui se questionnent quant à la pertinence de ces médicaments et de leurs éventuels effets négatifs. Ce questionnement est tout à fait justifié et mérite une courte mise au point sous forme de 4 questions réponses.
1°) QUELS SONT LES OBJECTIFS DU SEVRAGE ?
L’objectif du sevrage est, pour le consommateur, l’arrêt de l’alcool pour entrer dans un processus d’abstinence.
Pour le soignant, l’objectif est d’assurer cet arrêt dans de bonnes conditions de confort et de sécurité.
Les « bonnes conditions de confort » sont essentielles car elles vont rendre l’arrêt de l’alcool moins difficile. En effet, les premiers jours sont parfois compliqués pour certains patients. De plus, cela permettra de faire du sevrage une expérience positive et valorisante = je m’en sors bien, ce n’est pas trop difficile et je sens bien que je vais dans la bonne direction.
Les bonnes conditions de sécurité signifient que la prise en charge doit permettre de limiter les signes de sevrages (voir tableau 1) et surtout d’éviter la survenue d’un syndrome de sevrage sévère (voir tableau 2).
C’est en s’appuyant sur ces objectifs fondamentaux que les modalités thérapeutiques sont mises en œuvre.
TABLEAU 1 : SIGNES DE SEVRAGES
Troubles subjectifs | Anxiété, agitation, irritabilité, insomnies, cauchemars |
Troubles neurovégétatifs | Sueurs, tremblements, tachycardie, hypertension artérielle |
Troubles digestifs | Anorexie, nausées, vomissements |
TABLEAU 2 : SIGNES DE SEVRAGE SÉVÈRES
Confusion, c’est à dire troubles de concentration, mémoire, et/ou jugement |
Hyperthermie (température augmentée) |
Hallucinations |
Delirium tremens |
Convulsions |
2°) QUEL EST L’INTÉRÊT DE LA PRESCRIPTION DE BENZODIAZEPINES ?
La prescription de benzodiazépine a pour objectif d’éviter (ou de maintenir à un niveau très bas) les signes de sevrage.
Il est très important d’insister sur le fait que des signes de sevrage peuvent survenir, même s’il n’y a pas d’arrêt total d’alcool. En effet, en cas de forte consommation, une diminution importante sans arrêt total peut se compliquer de signes de sevrage.
La prescription de benzodiazépines évite aussi le risque d’évolution vers un sevrage sévère lorsqu’il y a déjà quelques symptômes. Entre parenthèse, il y a une scène de delirium tremens très impressionnante, jouée par Yves Montand dans le film « Le cercle Rouge » (le reste du film est aussi très bien…).
D’ailleurs, depuis la généralisation de la prescription de benzodiazépine comme traitement préventif lors des sevrages hospitaliers, il n’y a quasiment plus de delirium tremens dans les unités d’addictologies, ce qui démontre leur grande efficacité.
Les benzodiazépines choisies sont celles qui ont une ½ vie longue, c’est à dire celles dont l’absorption ne s’accompagne pas de taux très élevés dans le sang suivis peu après par des taux très bas (ce qui est très inconfortable pour le patient et difficile à gérer pour le médecin).
3°) QUELS SONT LES RISQUES DES BENZODIAZEPINES ?
Les benzodiazépines sont des médicaments potentiellement addictogènes. On comprend donc dans ces conditions celles et ceux qui ont peur d’abandonner une drogue pour développer une dépendance à une autre. Pour être exhaustif, il faut aussi dire aussi qu’il est plus long et plus difficile de se « débarrasser » d’une dépendance aux benzodiazépines que d’une dépendance à l’alcool.
De plus, les benzodiazépines consommées au long cours pourraient avoir une toxicité cérébrale. Là aussi, il est donc sain de s’en méfier.
Toutefois, ces deux effets secondaires ne vont survenir qu’en cas de prescription prolongée. Or, pour un sevrage, les sociétés savantes préconisent une durée de traitement autour de 7 jours. Si cela est respecté, il n’y a aucun risque de développer une dépendance ou une toxicité cérébrale. La prescription de benzodiazépines ne sera maintenue au-delà du délai de 7 jours que s’il existe une indication psychiatrique, par exemple un trouble anxieux. Cependant le traitement au long court des troubles anxieux ne doit pas reposer sur les benzodiazépines.
Enfin, il faut parler d’un troisième risque qui est l’association d’une benzodiazépine à l’alcool. On note parfois chez certaines personnes qui re-consomment de l’alcool après sevrage la prise concomitante de benzodiazépine (qui devrait pourtant être stoppée). Cette association peut donner des troubles de la vigilance et favoriser tous types d’accidents.
Ces trois problèmes potentiels ne surviennent jamais lorsque le traitement est stoppé dans les 7 jours ainsi que recommandé.
4°) COMMENT GÉRER AU MIEUX LES DOSES DE BENZODIAZEPINES ?
Tout d’abord, il faut préciser qu’un traitement par benzodiazépines n’est pas toujours indiqué. En l’absence de tout signe de dépendance physique et sous réverse d’une surveillance étroite, l’arrêt de l’alcool peut se faire sans médicament. Les consommateurs qui arrêtent seuls le savent bien.
Toutefois, il faut toujours être vigilant et le moindre symptôme justifie la prescription de benzodiazépine.
Il s’agit généralement de doses qui sont rapidement régressive pour arriver à l’arrêt vers le 7e jour. Bien sûr, les adaptations de posologie ne doivent se faire qu’avec une surveillance médicale.
On peut osciller entre le sous-dosage (qui se traduit par des signes de manque) et le sur-dosage (qui se traduit par une somnolence). Cette période de sevrage accompagnée par des benzodiazépines n’est pas le bon moment pour des activités à risque telles que bricoler sur le toit ou conduire sa voiture.
Pour être complet, il faut préciser que d’autres traitements sont volontiers proposés au moment du sevrage, telles les vitamines B1, voire B1 + B6. Ces traitements peuvent être très importants chez certains patients mais ils ne remplacent pas les benzodiazépines car ils ne préviennent pas les signes de sevrage et le delirium tremens.
EN CONCLUSION, les BENZODIAZEPINES sont souvent très utiles pour aider au sevrage alcoolique. Leur prescription peut même être indispensable dans certains. Elles ne présentent pas de risque (sauf un peu de somnolence) si leur prescription suit les recommandations officielles, c’est-à-dire sont limitées à une courte période.