Catégories
Alcool

MALADIE ALCOOLIQUE DU FOIE : CE QU’IL FAUT SAVOIR

Lorsque l’on observe les principales complications de la consommation excessive d’alcool (consommation chronique), le foie est l’organe qui est parmi les plus touchés. La maladie alcoolique du foie représente l’une des 1e cause de mortalité liée à l’alcool. Il semble donc intéressant de s’en préoccuper, d’autant plus que, même si tous les principaux termes se rapportant à la maladie alcoolique du foie sont connus, leur signification l’est moins.

Le premier point important est que la maladie alcoolique du foie correspond à un continuum de pathologies du foie, avec un spectre très large, allant globalement du moins grave au plus grave. Nous verrons aujourd’hui les principales étapes de l’évolution de la maladie alcoolique du foie afin de poser « le décors ». 

La maladie alcoolique du foie commence de la stéatose pour évoluer jusqu’au carcinome hépatocellulaire qui est le cancer primitif du foie. Pour information, le cancer secondaire du foie correspond à la présence de métastases. Le schéma emprunté à une publication scientifique montre l’évolution progressive entre un foie normal et la survenue d’un cancer primitif du foie sur cirrhose.

LA STEATOSE correspond à l’accumulation de vacuoles de graisse dans les cellules hépatique : c’est le « foie gras ». Pour faire du foie gras d’oie ou de canard, les éleveurs créent cette pathologie par gavage. En effet, un déséquilibre alimentaire peut amener à des lésions qui sont comparables à celles provoquées par l’alcool.

Cette stéatose est très fréquente chez les gros consommateurs d’alcool, et est quasi constante lorsqu’il existe des perturbations du bilan hépatique (transaminases et/ou gGT augmentées). Il s’agit d’une maladie asymptomatique et donc, le plus souvent, inconnu du patient.

Votre médecin peut toutefois être alerté par la taille augmentée du foie qui est constante, des anomalies biologiques ou les résultats d’une échographie du foie. Ce dernier examen qui est très simple à réaliser permettre d’affirmer le diagnostic devant des signes typiques : le foie est décrit comme « brillant » ou « hyperéchogène » (ce qui veut dire la même chose mais dans une qualification « échographique »).

Bonne nouvelle : c’est une pathologie réversible, c’est-à-dire que le foie va retrouver son aspect normal en cas d’arrêt d’alcool, dans la mesure bien sûr ou cette stéatose est uniquement liée à l’alcool. 

Du coup, la stéatose a longtemps été considérée comme un problème bénin et, encore maintenant, certains radiologues ayant diagnostiqué une stéatose disent aux patients : « l’examen est normal ». Or, ainsi que le montre la figure, la stéatose peut évoluer vers une forme plus grave. On considère qu’au bout de 10 ans, 10 % des stéatoses deviennent des cirrhoses.

La STÉATOHÉPATITE correspond à une sorte d’hépatite aigüe liée à l’alcool ; Il s’agit d’une maladie potentiellement très grave, qui justifiera un article dans le blog rien que pour elle.

LA FIBROSE correspond à une évolution de la maladie alcoolique du foie. La fibrose est un tissu cicatriciel qui est semblable à celui qui apparaît sur la peau après une coupure profonde. C’est un tissu de réparation survenant après une agression, mais qui n’a pas de fonction biologique. Cela signifie que dans le foie, de l’espace est occupé par du tissu qui ne sert à rien, contrairement aux cellules du foie qui ont de nombreuses fonctions : digestion, épuration de toxiques, fabrication de protéines, production d’énergie, etc… 

Si la fibrose progresse, elle va progressivement prendre une forme annulaire et former de petits nodules de quelques millimètres de diamètres. La présence de ces petits nodules permet de caractériser la cirrhose. 

LA CIRRHOSE est une maladie qui peut rester asymptomatique pendant plusieurs années, ce qui peut être la cause de retard diagnostique. Comme on le voit aisément sur la figure, l’architecture du foie est très perturbée et on comprend aisément que la cirrhose soit une maladie qui va spontanément vers l’aggravation. 

Schématiquement, dans les cirrhoses peu sévères, le foie a une taille normale voire est augmenté de volume. Plus la taille du foie va diminuer et plus la cirrhose va devenir sévère. Cela s’explique aisément par le fait qu’il y alors moins de tissu fonctionnel et donc que le foie a de plus en plus de mal à assurer ses fonctions. Cela peut conduire à une insuffisance hépatique. Les fonctions hépatiques sont alors ralenties, ce qui se traduit par des troubles du métabolisme des protéines, des glucides et des lipides.

Comme le foie est un organe régulateur de nombreuses fonctions corporelles, avec un foie qui travaille moins bien on peut avoir, entre autres : des troubles cardio-circulatoire, des troubles respiratoires, des troubles neurologiques, une fonction rénale moins efficace.

Dans certains cas, le traitement de choix est la transplantation hépatique qui permet au receveur de récupérer une fonction hépatique normale.  

Enfin, le dernier stade de la maladie alcoolique du foie correspond à l’apparition d’un cancer « primitif » du foie qui survient le plus souvent dans un foie cirrhotique. C’est l’une des raisons pour lesquelles il est indispensable d’avoir un suivi régulier, semestriel, avec un hépatologue lorsque l’on a une cirrhose. Cela est vrai, même si on est en pleine forme et sans aucun symptôme.

Voici un résumé sur le spectre de la maladie alcoolique du foie. Cela correspond à des pathologies variées sur lesquelles nous reviendrons. En effet, il existe des facteurs de risques que nous pouvons contrôler, notamment notre consommation d’alcool. Un message positif :  

L’ARRET DE L’ALCOOL, QUEL QUE SOIT LE STADE DE LA MALADIE ALCOOLIQUE DU FOIE, Y COMPRIS EN CAS DE NODULE TUMORAL, EST TOUJOURS RENTABLE. 

De plus, tant que le stade de cirrhose n’est pas atteint, l’arrêt de l’alcool peut permettre une guérison TOTALE des lésions hépatiques. 

Catégories
Alcool

AGE ET ALCOOL, QUAND Y’A UN OS…

Est ce qu’il faut faire plus attention à sa consommation d’alcool quand on vieillit, et pourquoi ?

Il est bien démontré que la consommation excessive d’alcool est responsable de nombreux effets secondaires, en particulier de la survenue ou de l’aggravation d’au moins 60 maladies. Toutefois, tout le monde n’est pas touché de la même façon car il existe une grande variabilité individuelle quant à la sensibilité à ce produit. Parmi les facteurs de fragilité, nous avons déjà évoqué le sur-risque féminin.

Qu’en est-il du facteur âge ? Faut-il faire plus attention à sa consommation d’alcool quand on vieillit, et pourquoi ?

Pour commencer, il faut insister sur le fait qu’il existe dans les pays occidentaux une augmentation de consommation d’alcool chez les personnes les plus âgées, en particulier en ce qui concerne le binge drinking. Cette augmentation est visible dans la tranche d’âge 50-64 ans, mais aussi chez les 65 ans et plus. Ces observations sont confirmées par le fait que le nombre de personnes abstinentes après 50 ans diminue au fil du temps.

Ces données sont inquiétantes dans la mesure où une consommation excessive d’alcool est un contributeur majeur de mortalité, chez les sujets les plus âgés tout particulièrement. Toutefois, la mortalité ne représente qu’une partie de la problématique.  En effet, en cas de maladie grave (et c’est incontestablement le cas de l’alcool), il est important de considérer les années de vie « perdues » hors décès, c’est-à-dire les années pendant lesquelles la maladie ou un handicap altèrent très profondément la qualité de vie.

Il existe un critère mesurant cela, qui correspond au nombre cumulé d’années perdues en raison d’une mauvaise santé, d’un handicap ou d’une mort précoce : l’acronyme anglais est le « DALY ». 

L’alcool, et cela n’étonnera personne, est une cause majeure d’années de vie perdues selon la définition donnée précédemment, et les seniors ne sont pas épargnés : sur-risque de complications médicales graves, de fatigue chronique, de traumatismes et d’handicaps. L’âge avancé est un facteur de risque d’effets toxiques de l’alcool. 

POURQUOI SOMMES-NOUS PLUS SENSIBLES A L’ALCOOL EN VIEILLISSANT ? 

Tout d’abord, parce que l’alcool est métabolisé (c’est-à-dire dégradé) plus lentement à mesure que l’on vieillit. On considère par exemple, que le foie, qui est le principal organe du métabolisme de l’alcool, commence à vieillir significativement dès l’âge de 45 – 50 ans.   

De plus, le corps qui vieillit contient moins d’eau, ce qui modifie la diffusion de l’alcool dans les organes et les tissus. Comme l’alcool se disperse moins dans l’organisme, cela se traduit par des ALCOOLÉMIES PLUS ÉLEVÉES pour des consommations équivalentes. Cela veut dire que pour une même quantité d’alcool consommée, la concentration d’alcool dans le sang va être plus élevée et est donc plus toxique.

Donc, à partir d’un certain âge (impossible de déterminer une limite nette, mais très probablement dès la quatrième décennie), pour une même consommation d’alcool, il y a plus d’alcool circulant dans le corps et pendant plus longtemps.

Comme si cela ne suffisait pas, les médicaments sont contre-indiqués avec la consommation d’alcool alors même que les traitements médicamenteux sont plus fréquemment prescrits aux âges avancés. 

Tous ces facteurs augmentent bien sûr le risque de complications chez les sujets d’âge mûr. 

Parmi tous les effets négatifs possibles, nous parlerons aujourd’hui des complications osseuses.

Lorsque l’on vieillit, la résistance de notre squelette diminue lentement en raison de la survenue d’une ostéoporose. Il s’agit d’une maladie diffuse du squelette qui correspond à une diminution de la densité osseuse et à des altérations de la microarchitecture de nos os. Les os deviennent plus fragiles et se cassent plus facilement. Bien sûr, les os qui supportent le plus de charge et de contraintes sont les plus à risque : notamment le col du fémur. 

Essayez de deviner quel facteur de risque majeur d’ostéoporose justifierait d’être systématiquement dépisté et pour lequel il faudrait probablement intensifier la prévention ?

C’est bien sûr la consommation excessive d’alcool. L’alcool est un facteur aggravant formellement démontré et serait la cause de 20 à 30 % des ostéoporoses masculines. La ménopause favorise l’ostéoporose et les femmes doivent donc être encore plus vigilantes à leur consommation d’alcool après la ménopause. 

Par ailleurs, La consommation d’alcool favorise les troubles de l’équilibre et les chutes chez les seniors. Donc, nous voyons que l’alcool est moins bien épuré avec l’âge et qu’il persiste plus longtemps dans le corps. Il favorise la fragilité osseuse et les chutes. 

Pour l’ensemble de ces raisons, le risque de fracture est beaucoup plus élevé chez ses seniors qui consomment. 

Malheureusement, la chaine des complications ne s’arrête pas là. 

En effet, la consolidation d’une fracture dépend de la vitalité osseuse et la microcirculation sanguine. Or cette dernière est altérée par l’alcool et la consommation de tabac. Il faut aussi, si une chirurgie a été nécessaire, que les tissus mous autour de l’intervention puissent cicatriser rapidement et que la cicatrice ne s’infecte pas. 

Or, là encore, il est démontré de façon incontestable que la consommation d’alcool ralenti les cicatrisations et augmente les risques infectieux locaux (autour de la cicatrice) ou généraux (par exemple une septicémie ou une pneumonie).

Enfin, la consommation chronique d’alcool augmente après chirurgie la durée de séjour en Unité de Soin Intensif et donc tous les risques liés à ce type d’hospitalisation très « lourde ».

CONCLUSION

Donc, pour conclure, l’alcool est un facteur de risque de fragilité osseuse, de chute et de fracture. Ceci est surtout vrai chez les seniors. De plus, en cas de fracture, les capacités de guérison sont diminuées avec des risques importants de complications pendant le traitement et de séquelles plus fréquentes. Comme toujours avec l’alcool, a plupart de ces risques sont augmentés par le tabagisme.

Catégories
Alcool

FRENCH PARADOX : L’ALCOOL EST-IL VRAIMENT UN PROTECTEUR VASCULAIRE ?

Quel était ce nouveau « paradoxe français » pointé du doigt par des scientifiques Anglo-Saxons ? En effet, il a quelques décennies est apparu un nouveau concept, nommé le « French Paradox ». 

Certains chercheurs se sont aperçus que les français avaient un taux de mortalité cardio-vasculaires moins important que les américains, alors qu’ils n’avaient pas moins de risques vasculaires. Ils n’étaient pas plus sportifs, ils n’étaient pas moins hypertendus, ils n’avaient pas moins de diabète, ni de surpoids. Même nos taux de cholestérol (en imaginant qu’il s’agisse d’un marqueur intéressant de risque vasculaire) n’étaient pas plus élevés.

Comment, dans ces conditions, expliquer que les français mourraient moins de complications cardio-vasculaires ?

L’idée qui s’est initialement imposée était que notre consommation de vin avait un effet de protection vasculaire qui expliquait notre bonne santé cardio-vasculaire. Il y a eu alors de nombreuses études pour tenter de savoir si c’était l’alcool lui-même ou le vin de façon spécifique qui permettait d’expliquer ce bon résultat. Les viticulteurs californiens se sont pris à rêver : ils voulaient que figure sur les bouteilles une mention de l’effet protecteur vasculaire du vin. Le produit de leur vigne serait quasiment devenu un médicament naturel. 

Dans un second temps, cet enthousiasme a été tempéré. 

La protection vasculaire a été rapportée au régime dit crétois : c’est-à-dire riche en huile d’olive, avec une consommation importante de poisson, et de fruits et légumes. Qu’est devenu l’effet bénéfique du vin dans tout ça ?

Il persiste dans de nombreux travaux, même si ces résultats restent contestés. Récemment, une étude à l’échelle mondiale a amené des résultats confirmant qu’une consommation modeste d’alcool par jour (aux alentours de 1 à 2 verres) avait un effet positif sur la mortalité cardiaque. Ces résultats ne tiennent pas compte du type d’alcool consommé et l’effet noté se semble pas uniquement associé au vin. 

Il faut donc insister sur le fait que cet effet « bénéfique », s’il existe, ne survient que pour des consommations très modestes. Au-dessus d’une quantité très faible, l’alcool est un produit qui non seulement n’est pas un protecteur vasculaire, mais au contraire un produit qui favorise la survenue de maladies vasculairesEt cette partie du message passe souvent inaperçue.

Voici quelques données complémentaires permettant de mieux comprendre cet effet:

Les atteintes coronaires

Les artères coronaires sont les artères qui permettent d’irriguer le muscle cardiaque. Quand elles se bouchent, même partiellement, il y a moins de sang et donc d’oxygène qui arrive au cœur. Ce défaut d’oxygène peut est responsable de douleurs cardiaques lorsque l’on fait des efforts. A un stade supplémentaire, il peut survenir une nécrose d’une portion du muscle cardiaque : c’est l’infarctus du myocarde. Devant ces maladies, on pense d’emblée à l’effet toxique du tabac. Mais en fait, l’alcool est un facteur de risque majeur, auquel on ne pense pas forcément.

Les accidents vasculaires cérébraux (AVC)

Là encore, la survenue d’un AVC est volontiers associée à une consommation de tabac, ce qui n’est bien sûr n’est jamais faux, mais qui pourrait être incomplet. Regardons ce que nous dit la littérature scientifique. 

Il est clairement démontré que la consommation d’alcool augmente à la fois le risque de saignement vasculaire dans le cerveau (AVC dit « hémorragique ») mais aussi de thrombose vasculaire (vaisseau bouché = thrombose vasculaire = AVC « ischémique »). Les risques augmentent pour ces deux problèmes à partir de consommations de respectivement 1 verre/jour pour le premier type et de 4 verres/jour pour le second. 

Des résultats provenant de 26 études qui ont évalué les facteurs de risques potentiels d’AVC permettent d’aller plus loin. Dans la plupart de ces études, il y avait 2 facteurs de risques qui étaient mis en lumière : une infection juste avant l’épisode et une consommation excessive d’alcool

Les limites des consommations d’alcool à risque étaient la suivante :

  • Plus de 4 verres dans les dernières 24 h précédent l’accident vasculaire
  • Plus de 15 verres dans la semaine précédent l’épisode vasculaire 

Devant ces résultats, la société américaine s’occupant de ces accidents vasculaires cérébraux a proposé aux personnes qui ont déjà fait un épisode de pas boire plus de 2 verres / jour chez l’homme et pas plus d’1 verre / jour chez la femme pour ne pas rechuter. 

Les troubles de l’érection chez les hommes 

L’érection est un mécanisme vasculaire et donc, elle est aussi perturbée par une consommation excessive d’alcool. Les mécanismes et les recommandations sont donc les mêmes que pour les maladies cardio- et neuro-vasculaire.

Hypertension artérielle

La consommation excessive d’alcool augmente les 2 chiffres de la tension artérielle, celui du haut (la tension artérielle systolique) et celui du bas (tension artérielle diastolique) : par exemple 135/85, que l’on exprime d’ailleurs volontiers par 13/8,5. 

Il s’agit d’une complication particulièrement importante, car l’HTA est l’une des premières causes de mortalité dans les pays développés. Chaque augmentation du chiffre de la tension artérielle (du haut ou du bas) augmente le risque de maladie lié à cette HTA (incluant malheureusement le risque de décès). 

Comme pour les autres effets vasculaires, l’effet toxique de l’alcool est dose-dépendant : plus consommation d’alcool augmente et plus les chiffres tensionnels augmentent et donc plus les risques de complications augmentent.

Il faut insister sur le fait que l’ensemble de ces effets est réversible avec l’arrêt de l’alcool. En d’autres termes, c’est toujours rentable d’agir !

Chez les jeunes

Les atteintes vasculaires touchent plutôt les sujets d’âge moyen ou les séniors. Toutefois, l’augmentation du binge drinking (qui est une consommation importante d’alcool dans un temps court) va amener la survenue de nouveaux risques chez les sujets jeunes. Ainsi, cela peut provoquer l’apparition de calcifications des artères coronaires des sujets jeunes, ce qui est un marqueur d’atteinte vasculaire chronique. De plus, ces consommations peuvent provoquer la survenue d’AVC chez des sujets jeunes, ce qui est normalement très inhabituel. D’ailleurs, chez les moins de 40 ans, 1 accident ischémique sur 5 est lié à l’alcool, ce qui est loin d’être négligeable.

POUR RÉSUMER

Une consommation d’alcool très modérée d’alcool pourrait avoir un effet bénéfique sur le risque de maladies vasculaires (c’est le french paradox). Toutefois, cet effet n’est observé que pour des consommations très basses et cela ne permet pas de conclure que l’alcool est un « protecteur vasculaire ». 

En effet, dès que les consommations augmentent, elles se traduisent par une AUGMENTATION du risque de maladies cardiovasculaires, neurovasculaires, d’HTA et de troubles de l’érection.

Ces risques sont dose-dépendant et diminuent, voire peuvent disparaître en cas d’arrêt d’alcool. Cette réversibilité doit être un encouragement à changer rapidement de comportement chez ceux qui consomment trop. 

Catégories
Alcool

LES LOISIRS DOIVENT ÊTRE UNE PRIORITÉ !!

La période très particulière que nous traversons, avec tout d’abord un confinement puis plusieurs couvre-feux, a été très difficile pour l’ensemble de la population. 

Certains d’entre nous semblent avoir encore plus souffert de cette situation : ce sont en particulier les personnes seules, celles qui avaient des troubles psychiatriques et les personnes dépendantes à une substance. En effet, durant les 12-13 derniers mois, de nombreux patients addicts ont augmenté leur consommation, voire ont rechuté s’ils étaient abstinents.

Lorsque l’on interroge ces patients sur les causes de ce sursaut de consommation ou de rechute, l’un des mots qui revient le plus souvent est l’ennui. Bien sûr, la situation actuelle est très particulière mais l’ennui est un facteur de consommation majeur qui mérite d’être discuté en détail. 

1°) L’ennui comme facteur de risque de consommation

En consultation, l’ennui ou une sensation de vide, est fréquemment décrit par les patients comme facteur de consommation. C’est vrai pour l’alcool, mais c’est aussi démontré pour d’autres dépendances, comme par exemple le jeu pathologique. Pour « passer le temps », des personnes jouent et rapidement ne « voient plus le temps passer ». De la même façon, l’ennui peut favoriser l’utilisation excessive des réseaux sociaux ou les achats compulsifs sur internet.

L’alcool est volontiers utilisé comme stratégie anti-ennui car il permet de « remplir des vides » dans la journée. Pour ceux qui ne travaillent pas, où pendant les jours de repos, faire durer l’apéritif peut aider à passer le temps. De même, les après-midis peuvent être longues et les rythmer par la consommation d’une bière de temps à autre aide à les remplir. Cette stratégie devient rapidement dangereuse avec le risque d’être secondairement dépassé par sa consommation.

Une sensation de vide peut s’emparer de nous, après le travail, si nous n’avons pas d’autre activité à faire au retour à la maison qu’à attendre le repas du soir. D’un point de vue addictologique, ce sont quelques heures potentiellement dangereuses pendant lesquelles on s’ennuie mais sans avoir non plus envie d’être actif.

Il est essentiel pour les patients de trouver des activités alternatives à la prise d’alcool ou à d’autres dépendances pendant ces moments à risque. C’est pourquoi, une place importante dans les consultations d’addictologie est dédiée à l’occupation du temps libre, aux loisirs, à la découverte de nouvelles activités.

2°) L’ennui est aussi un facteur important de rechute

Un deuxième point à discuter est l’ennui qui est généré par l’arrêt de la consommation. Parmi les critères de dépendance à l’alcool, il y en a un qui se rapporte à notre propos : « beaucoup de temps est consacré à la fourniture en produit psychoactif, à la consommation de ce produit et au temps nécessaire pour récupérer de cette consommation ».

Si on additionne ces trois temps (se fournir, consommer et le temps de récupération), cela peut rapidement faire plusieurs heures par jour. Par exemple, 1 heure et demi d’apéritif midi et soir et une petite sieste d’une heure pour récupérer et nous sommes déjà à 4 heures consacrées par jour à l’alcool. 

Or, lorsque les patients arrêtent de boire, ils vont retrouver beaucoup de temps de libre et il va falloir remplir ce temps, ce qui n’est pas toujours facile. En effet, décider de faire des activités quand on n’y est plus habitué, demande de faire de gros efforts et surtout d’avoir de l’imagination. 

Que faire ? Où ? Comment ? Avec qui ? Il s’agit de questions difficiles à résoudre. Cela est évidemment encore plus vrai dans la période que nous traversons, mais c’était déjà très difficile avant. Beaucoup de patients nouvellement abstinents se plaignent de s’ennuyer, de ne pas savoir quoi faire. En fait, il y a de très nombreuses activités qui pourraient les intéresser, mais il faut qu’elles soient disponibles près de chez soi. Parfois, il faut aussi pouvoir se les payer, ce qui peut être un facteur limitant.

Dans de nombreux services d’addictologie, on demande aux patients hospitalisés de penser à ce qu’ils aimeraient avoir comme loisir après leur hospitalisation. Ce n’est pas une question en l’air, mais un véritable exercice auquel il faut réfléchir. Lorsque l’on arrête l’alcool, il faut prévoir des activités alternatives qui vont remplir le temps laissé libre.

3°) Quelles activités alternatives ?

Comment faut-il y réfléchir ? le meilleur moyen de répondre à cette question est de montrer, à partir d’un contre-exemple, ce qui ne faut pas faire. Lors d’un groupe de parole, un patient à qui nous avions demandé s’il avait des activités de loisirs nous a répondu : « je n’ai que des loisirs, je suis à la retraite ».

Nous lui avons demander de détailler. Il nous a répondu : 

« Le matin, je m’occupe de ma belle-mère n’est plus autonome et ensuite de mon chien qui est malade depuis quelques temps». 

Très bien, et l’après-midi ?

« Je donne des cours d’informatiques gratuitement à des jeunes en difficultés ».

Et le soir ?

« Je m’occupe de la maison, ma femme est fatiguée ».

Cherchez l’erreur !

Nous voyons souvent ce genre de personnalité dans les consultations d’addictologie. Ce sont des personnes qui ont des tâches très lourdes à accomplir au quotidien, qui sont souvent généreuses, tournées vers les autres mais qui se négligent. Le meilleur moyen pour elles d’obtenir une petite récompense est donc de consommer un peu (ou beaucoup) d’alcool, ou de jouer en ligne ou d’aller gratter des tickets (rarement gagnant comme on peut s’en douter) au tabac du coin.

Pour limiter les risques de dépendance ou pour pouvoir s’en débarrasser, il est important d’avoir des loisirs, voire des passions qui nous procurent de la « récompense ». Nous parlons ici de récompense en sens neurobiologique du terme, c’est-à-dire qui entrent en compétition avec les « récompenses » amenées par des addictions. C’est essentiel de mettre en concurrence la récompense alcool et la récompense liée à des activités que l’on aime faire. Il faut rechercher du plaisir, et ne pas penser à la performance. 

Il est bien, si possible, d’avoir des activités de groupe. C’est entraînant et cela permet de faire des rencontres sociales. Il faut évidemment choisir des activités sans relation avec l’alcool, sans troisième mi-temps ni fêtes régulières. Que nous disent les patients ? Un atelier peinture ; du jardinage ; un groupe de marche ; des balades ; du jogging ; des mandalas ; des sorties ornithologiques ; de la lecture ; etc.

Vous avez un choix quasi-illimité. Bons loisirs… 

Catégories
Alcool

Vous reprendrez bien un petit sucre ?

La maladie alcoolique est classiquement décrite comme une maladie chronique, récidivante dont le traitement est l’abstinence. Or, après le sevrage alcoolique, certains patients rapportent une attraction pour des aliments au goût très sucré. Ils en sont d’autant plus étonnés qu’ils n’avaient pas de telles envies pour les produits sucrés auparavant. Par exemple, un homme de 45 ans déclarait 2 mois après avoir stoppé l’alcool, qu’il avait toujours un paquet de bonbons dans sa voiture, alors qu’il n’en mangeait pas auparavant.

Plusieurs études ont montré que l’ingestion de produits très sucrés provoquait des réactions neurochimiques dans le cerveau tout à fait comparable à ce qui est observé après la consommation d’une drogue. D’autre part, lors d’expériences menées chez le rat, il est apparu que le sucre générait chez ces rongeurs un besoin plus puissant que la cocaïne. Il n’est donc pas incohérent de penser qu’il pourrait exister un lien entre ces deux types de produits, qui tous les deux empruntent le circuit de la récompense dans le cerveau.

D’ailleurs, les personnes ayant une dépendance à l’alcool ou à une autre drogue ont plus d’attrait pour les produits très sucrés que les personnes non dépendantes.

À l’inverse, il semble aussi que les personnes qui ont des consommations importantes de sucre et de produits sucrés sont plus à risque de souffrir d’un mésusage de substances psychoactives (c’est-à-dire l’alcool, le tabac ou toute autre drogue illégale). 

Notez bien qu’il s’agit d’études sur de nombreux patients et que cela n’est pas vrai pour tout le monde. Il s’agit toutefois, c’est une information intéressante à connaître.

Après le sevrage, il pourrait y avoir donc un transfert de « dépendance » entre l’alcool et l’alimentation, en particulier les aliments sucrés. Ceci expliquerait la survenue de certains troubles du comportement alimentaire chez certains personnes. Lors du sevrage d’un produit, des épisodes de pertes de contrôle alimentaire peuvent survenir, parfois sous la forme de « binge-eating » (voir l’article binge-drinking). Pour d’autres, la nourriture peut être utilisée comme « substitution » ou pour réguler l’humeur, les émotions ou le stress.

Donc un transfert de l’alcool vers la nourriture semble possible, mais la fréquence de ce phénomène reste mal connue. Des médecins allemands ont montré que chez les patients qui avaient stoppé ou diminué leur consommation d’alcool, près de 80 % augmentaient  leur consommation de tabac, de café, de chocolat ou de produits sucrés. Cela ne nous informe pas spécifiquement sur la consommation de produits sucrés car leurs prises sont évaluées sans faire la diffférencier de plusieurs autres substances, dont le café. 

Une autre étude amène plus d’éléments de réponse. Cette étude a été effectuée chez des malades hospitalisés 6 semaines pour faire un sevrage alcool et une « post-cure » afin de consolider ce sevrage. Ces patients avaient un accès libre aux produits sucrés grâce aux provisions que leur famille leur amenait et à la possibilité d’acheter au point presse de l’hôpital divers gourmandises. Divers paramètres concernant une appétence pour les produits sucrés ont été mesurés à plusieurs reprises et les résultats sont particulièrement intéressants.

1°) Il apparaît que le craving pour l’alcool diminue tout au long de l’hospitalisation. A l’opposé, le craving pour les produits sucrés (gateaux, barres chocolatées, sodas, etc…) augmente pendant la même période. 

« Le craving est un terme importé des États-Unis, venant du verbe « to crave » qui signifie « avoir terriblement besoin », « avoir très envie », « être avide de ». Le craving convoque donc le désir, la pulsion, le besoin, l’envie, toujours doublé d’un caractère irrépressible et irrésistible. »

https://www.maad-digital.fr/en-bref/le-craving-symptome-de-laddiction

2°) Les deux courbes se croisent comme s’il y avait un transfert d’envie de l’alcool vers le sucre. Nous ne parlons pas de dépendance car l’existence d’une dépendance au sucre chez l’homme reste contestée (même si on vraiment l’impression que certaines personnes en souffrent. 

3°) Par ailleurs, chez les malades qui ont une augmentation de leurs envies de sucre, il y a une constitution de réserve de produits sucrés dans les chambres que l’on ne trouve pas chez les patients qui n’ont pas d’augmentation d’envie.

4°) Enfin, ce sont ces malades qui ont des envies de sucre et qui font des réserves qui prennent du poids à l’issue de l’hospitalisation ; les autres patients ayant un poids stable voire une perte pondérale.  

Est-ce que cette nouvelle appétence au sucre survient de façon rare après un sevrage alcoolique ? 

Non, elle a été observée chez 40 % des patients. Il s’agit donc d’un effet secondaire qui est très fréquent. 

Ainsi, les patients qui font des sevrages alcool doivent savoir qu’il s’agit d’un effet possible. Ils peuvent ressentir le besoin de manger divers produits très riches en sucre. Il y a alors le risque de se constituer un petit garde-manger dans lequel il sera facile de piocher à toute heure de la journée. C’est dans ces cas particuliers, mais pas si rares, qu’il peut y avoir une prise de poids après arrêt de l’alcool.  

Il faut préciser que dans la grande majorité des cas, il s’agit d’un transfert d’envie qui est transitoire et que donc, les patients ne sont pas condamnés à augmenter leur consommation de produits sucrés au long cours. Généralement, ces envies s’effondrent après quelque mois.

Les résultats de cette étude sont-ils surprenants ? Non, pour deux principales raisons.

  • Tout d’abord, il a été possible d’obtenir des résultats comparables chez des rats. Ceci confirme bien que le transfert de craving d’un produit psycho-actif (ici l’alcool) vers le sucre en général est une réalité et non une bizarrerie liée à des patients très atypiques
  • Deuxièmement, ce transfert de craving est bien connu chez les personnes qui arrêtent de fumer et qui souvent compensent l’absence de tabac par bonbons et gâteaux.

Pour conclure.

Si vous consommez trop d’alcool et que vous arrêtez de boire, vous pouvez ressenti des envies très fortes de produits sucrés. C’est très fréquent et généralement transitoire. Donc, soyez rassurés. Mais restez quand même vigilant afin de ne pas prendre de mauvaises habitudes qui pourraient, au long cours, nuire à votre santé.

Repérer les envies de sucré permet aussi d’essayer d’autres « procédés auto-calmants » (prendre le temps d’aller faire un tour, respirer lentement et profondément, parler à un ami , faire quelque chose d’agréable). L’envie de sucré peut être en quelque sorte un « signal » du besoin de réconfort, d’apaisement ou même du besoin de se défouler. Et si, il y a consommation de sucré, le faire en conscience, lentement donnera plus rapidement lieu à une satisfaction. 

Le sucre, c’est sympa, mais en quantité contrôlée.  

Catégories
Alcool Femmes Traitements

Binge Drinking au féminin: facteurs de risque et pistes pour une meilleure prise en charge

Nous avons déjà évoqué un mode de consommation particulier qui est le binge drinking. Classiquement, il est admis que le binge drinking touche plus les hommes que les femmes. Le résumé de toutes les études faites dans différents pays du monde, montrent qu’il existe toujours beaucoup moins de binge drinking chez les femmes que chez les hommes, et cela se vérifie pour toutes les tranches d’âge. Pour autant, la fréquence binge drinking chez les femmes augmente progressivement et rejoint celle les hommes. De plus, le risque potentiel de complications sévères justifie que l’on s’intéresse spécifiquement au binge drinking au féminin.

Dans ce texte, nous souhaitons insister sur certaines spécificités féminines du binge drinking pour deux principales raisons. Tout d’abord parce qu’il existe une fragilité métabolique des femmes face à l’alcool qui se traduit donc par un risque plus élevé de complications en cas de binge drinking. Deuxièmement, parce qu’il existe des facteurs favorisants spécifiques qui ont été étudiés chez les femmes et qu’il faut connaître car ils sont accessibles à certains traitements.

Dans un blog précédent, nous avions souligné les différences de définitions concernant le binge drinking, en particulier féminin. Sans revenir sur ce débat complexe, nous pourrions admettre que cela concerne les femmes qui consomment au moins 6 verres en une occasion, sur une durée de 2 heures maximum. Toutefois, si vous ne consommez « que » 5 verres, voire 4 dans le même intervalle de temps, ce qui suit pourrait aussi vous concerner. 

La première question que nous pouvons nous poser est la suivante : existe-t-il des facteurs de risque de développement du binge drinking chez les femmes ? Le corolaire à cette question est : comment utiliser ces facteurs de risque pour améliorer la prise en charge des femmes ? 

FACTEURS DE RISQUE DE DÉVELOPPER DES ÉPISODES DE BINGE DRINKING À L’ÂGE ADULTE

Les premiers facteurs de risque correspondent au début de la consommation d’alcool

  • Début précoce de l’alcool

Un début précoce de la consommation, pendant l’adolescence augmente le risque d’avoir des épisodes de bring drinking à l’âge adulte. La définition d’un début précoce à l’adolescence est variable dans les études disponibles, mais correspond à une consommation régulière à un âge compris entre 14 et 17 ans. Un début précoce est un facteur de risque chez les hommes, mais il est encore plus important chez les femmes.

  • L’existence de binge drinking pendant l’adolescence

Ces expériences représentent clairement une forme d’initiation qui se répétera ensuite à l’âge adulte. 

  • Maltraitance pendant l’enfance

Ce terme peut réunir des réalités très différentes, allant de la négligence aux violences physiques ou  sexuelles. Les antécédents de maltraitance favorisent la survenue de différentes complications à l’âge adulte, incluant des troubles psychologiques et addictifs. 

Les jeunes filles sont plus à risque de violences sexuelles, les jeunes garçons sont plus à risque de violences physiques. 

Chez les femmes, le fait d’avoir été négligées pendant l’enfance est un facteur de risque important de binge drinking (qu’il y ait eu ou pas d’autres types d’abus). 

L’existence d’abus sexuel dans l’enfance favorise le binge drinking, particulièrement chez les femmes.

Il existe aussi des facteurs de risque psychologiques et comportementaux. 

  • Certains traits psychologiques

Certains traits de personnalité favorisent la dépendance à l’alcool. Il s’agit en particulier de l’impulsivité, de la recherche de sensations fortes et de prises de risque. Ces traits de personnalité sont plus fréquemment présents chez les hommes (les « casse-cous » toujours prêts à essayer des choses dangereuses), mais ils favorisent aussi le binge drinking chez les femmes qui ont ces traits de caractère.

  • L’anxiété et la dépression

Ces deux troubles psychologiques qui favorisent les mésusages d’alcool sont plus fréquent chez les femmes que chez les hommes. C’est pourquoi, il est particulièrement importants de les dépister en cas de binge drinking au féminin.

  • Le tabagisme

Chez les jeunes, il y a une association claire entre le tabagisme et l’existence de binge drinking. Chez les adultes, le tabagisme augmente le risque d’avoir du binge drinking, surtout chez les femmes. Dans une étude faite à Hong Kong, le tabagisme multipliait le risque de binge drinking chez l’homme par 3,7 et par 12,3 chez les femmes, ce qui est vraiment plus important.

Nous ne parlerons pas aujourd’hui des conséquences sur la santé physique et mentale du binge drinking , mais celui-ci est potentiellement très toxique et doit donc être éliminé autant que possible. C’est encore plus vrai chez les femmes car les épisodes de binge drinking sont plus toxiques pour elles. 

Les facteurs de risque d’avoir des épisodes à répétition de binge drinking donnent des pistes supplémentaires pour modifier son comportement. En effet, outre le traitement spécifiquement alcoologique de ces épisodes, il est très important de travailler sur les facteurs de risque.

En pratique, quelles sont les pistes de réflexion ? 

Tout d’abord : savoir repérer ces facteurs de risque. 

Ai-je commencé à consommer de façon régulière ou importante lorsque j’étais encore adolescente ? 

Est-ce que je recherchais déjà l’ivresse ?

Ai-je vécu à plusieurs reprises des épisodes de « biture express », avec éventuellement des épisodes de trous noirs ? 

Est-ce que j’aime prendre des risques ? 

Est ce que je recherche des sensations particulièrement intenses ? 

Certains membres de ma famille (parmi mes parents, mes grands-parents) ont-ils eu des problèmes d’alcool ? 

Si vous répondez oui à au moins une de ces questions, vous devez vous considérer comme fragile et à risque de perdre le contrôle et d’avoir des épisodes de binge drinking. 

Cela est important dans une optique de prévention : vous êtes à risque de développer des épisodes de binge drinking, voire une dépendance à l’alcool. 

Interrogez-vous donc sur votre consommation actuelle et au moindre doute demandez conseil.

Les autres facteurs de risque que nous avons cités sont très important aussi à identifier car ils peuvent justifier d’un traitement en association à démarche alcoologique.

Les troubles anxieux, une dépression doivent être traités. 

De même, il existe des stratégies de soin permettant de soulager la douleur d’un antécédent traumatique. Il y a probablement des intervenants spécialisés autour de chez vous. 

Enfin, un dernier, mais très important conseil : il faut tout faire pour ne pas fumer, car le tabac appelle l’alcool et favorise les rechutes après les sevrages. 

Catégories
Alcool

La confiance en soi

Les questions que l’on se pose face aux addictions sont souvent les mêmes que face à d’autres difficultés dans la vie, notamment : 

  1. Pourquoi ai-je ce problème ?
  2. Pourquoi je n’y arrive pas à m’en sortir ?
  3. Pourquoi les autres y parviennent mieux que moi ?
  4. Comment pourrais-je faire pour le résoudre ?

1°) Pourquoi ai-je ce problème ?

Concernant la première question, il n’y a parfois pas de réponse unique. Nous avons déjà parlé de l’impact de la génétique et de l’environnement. Mais il existe d’autres facteurs favorisants la survenue d’une dépendance : l’âge de début de la prise de produits ; certains traits de personnalité ; l’existence de troubles psychiatriques associés (par exemple l’anxiété, la dépression) ; les épreuves que nous vivons et bien d’autres facteurs individuels.

Ces facteurs concourent au développement de certains réseaux qui fonctionnent « trop bien » dans notre cerveau, c’est-à-dire qui réagissent de façon trop importante à différents produits, dont l’alcool.

2°) Pourquoi je n’y arrive pas à m’en sortir ?

La deuxième question devrait être formulée d’une autre façon. Elle devrait plutôt être : pourquoi je ne suis pas parvenu à m’en sortir « JUSQU’ICI». Ce n’est pas la même chose. En effet, ce qui est dit ici, c’est comment puis-je trouver des moyens, des techniques qui me permettent de m’en sortir, alors que la première version signifie : pourquoi suis-je condamné à ne pas m’en sortir. C’est totalement différent

Bien sûr, il faut du temps, parfois des années pour arrêter un produit ou pour réussir à en réguler la consommation. C’est pourquoi le fait de ne pas y être parvenu jusqu’ à présent ne signifie que cela est impossible, simplement que ça n’a pas encore été réalisé.

Il est indispensable de conserver l’espoir et l’envie d’y parvenir. Ce n’est bien souvent qu’une affaire de temps. Il faut un moment propice (qui se traduit parfois par un déclic) et les outils adaptés (soignants, groupes de pairs, blogs, etc…).

3°) À la question « pourquoi les autres y arrivent mieux que moi ? », la réponse est claire. Ils ont autant de difficultés. Chacun fait face comme il peut. Et celui qui semble y parvenir assez facilement en est peut-être à plusieurs années d’effort. Par ailleurs, vous pouvez rencontrer quelqu’un qui a réussi à stopper l’alcool assez facilement, mais qui ne parvient pas à arrêter de fumer alors qu’il souffre déjà de troubles respiratoires. Ne soyons donc pas toujours convaincu que les autres y arrivent mieux que nous, la plupart du temps, c’est faux.

4°) Comment pourrais-je faire pour le résoudre ?

La question la plus importante est plutôt : « comment puis-je faire pour avancer ». Il s’agit d’une question centrale qui a été largement étudiée par plusieurs équipes et la réponse la plus fréquemment rapportée est la suivante : il faut avoir confiance en soi. C’est généralement ce qui fait la différence entre ceux qui obtiennent des bons résultats et les autres.

LA CONFIANCE EN SOI EST ESSENTIELLE :

Pour se lancer. Commencer une démarche addictologique paraît souvent très dur : c’est faire face à une montagne qui semble vraiment difficile à gravir. Il est indispensable d’avoir confiance en soi pour oser commencer. On voit là une différence générale entre un esprit français et un esprit américain. Ces derniers se disent : si d’autres l’ont fait, je vais y arriver. Notre tendance habituelle est plutôt de douter de nous. Pour se lancer, pensons au fameux « yes, we can ! ».

Lorsque la décision d’avancer a été prise, il y a encore de nombreuses difficultés à vaincre. C’est dur d’arrêter l’alcool, il y a des envies, des moments de doute. Si on repense à la montagne, on est tenté de se demander si on n’en a pas choisi une bien trop haute ou difficile. Les questions qu’il faut se poser alors sont les suivantes : Ai-je déjà réussi des choses difficiles ? Combien de fois me suis-je trouvé devant des difficultés que j’ai réussi à vaincre ? 

Il vous faut chercher dans vos souvenirs d’études, de pratiques sportives, de travail. Avec le recul, cela paraît souvent assez simple, mais sur le moment, c’était très compliqué et cela vous paraissait insurmontable. Apprendre le code et passer le permis de conduire. Tout le monde dira que c’est assez simple, mais quand on y était, cela nous paraissait vraiment très compliqué. 

Nous avons tous des exemples de ce type en tête et il faut se les remémorer et se souvenir des efforts que nous avons su faire alors. On s’est dit : c’est vraiment dur, mais je vais y arriver car les autres l’ont déjà fait.

C’est en regardant ce qu’on a réussi que l’on arrive à augmenter sa confiance en soi.

La rechute. Une troisième situation qui se présente régulièrement est une rechute, ou du moins un dérapage. Beaucoup de patients sont désespérés par ces épisodes et se disent : je suis condamné à ne pas réussir. 

Mais avez-vous toujours tout réussi au premier essai ? Ce serait étonnant. Nous avançons tous en tâtonnant, en multipliant les réussites et les échecs.

Un basketteur a livré un jour ses statistiques. Il les a résumées de la façon suivante : « j’ai raté 9000 tirs dans ma carrière, j’ai perdu presque 300 matchs. 26 fois on m’a fait confiance pour prendre le tir la victoire et j’ai raté ».

Vu sous cet angle, cela ne semble pas très bon. En fait, il s’agit de Mickael Jordan, un des plus grands basketteurs de l’histoire. Il concluait ainsi : « j’ai échoué encore et encore et encore dans ma vie. Et c’est pourquoi j’ai réussi ».

Inutile de parler après Mickael Jordan !!

Pour résumer sous la forme d’un petit tableau :

Pour se lancerJe suis capable de le faire
Pour tenir quand c’est difficileJ’ai déjà réussi des choses aussi difficiles
Pour continuer lorsqu’il y a un dérapage ou une rechuteJe n’ai pas toujours réussi du premier coup, mais je suis capable de rebondir
Catégories
Alcool

Parlons du tabac et particulièrement du tabagisme associé à une consommation excessive d’alcool ou à l’alcoolo-dépendance. Que pouvez-vous faire si vous êtes concerné ?

L’objectif de cet article est de parler du tabagisme, et plus particulièrement du tabagisme associé à la consommation excessive d’alcool. Il n’est pas possible de réfléchir au problème d’alcool sans avoir en tête le tabac. 

L’un des premiers arguments vient d’une étude américaine effectuée dans les années 80. Des chercheurs ont observé les causes de mortalité de patients alcoolo-dépendants neuf ans après un sevrage alcool. Ces auteurs ont montré un nombre important de décès chez les patients qui reconsommaient régulièrement de l’alcool. Mais plus important, la première cause de mortalité chez ces patients était le tabagisme. Dans cette étude concernant des malades alcoolo-dépendants, le tabac tuait plus que l’alcool !

Cette étude a été très importante, car à l’époque, les patients étaient suivis dans des unités différentes pour les problèmes d’alcool, de tabac ou de drogue. L’Addictologie et l’organisation de l’accompagnement au sein d’unités d’Addictologie telles qu’on les connait aujourd’hui n’existaient pas encore.  Ainsi, il était habituel de dire aux patients : « l’urgence pour votre foie est d’arrêter l’alcool ; pour le tabac vous verrez plus tard ». C’était une très mauvaise réponse, et nous savons maintenant que l’approche thérapeutique doit être globale, choisie en collaboration avec les patients en fonction de leurs demandes et besoins.

Pourquoi faut-il s’intéresser au tabac ? 

Si l’alcool est la deuxième cause de mortalité évitable, c’est parce que le tabac est la première cause de mortalité évitable. Il ne faut pas l’oublier, d’autant que la consommation de tabac est particulièrement fréquente chez les malades alcoolo-dépendants. En effet, 80 à 90 % des patients hospitalisés pour sevrage alcoolique fument, alors que le tabagisme dans la population générale est plutôt aux alentours de 30 %.

Donc, ne serait-ce qu’en raison de la plus grande fréquence du tabagisme, les malades d’alcool ont presque 3 fois plus de risque de faire des complications liées au tabac que les personnes qui n’ont pas de maladie d’alcool.

Par ailleurs, lorsque l’on additionne la consommation d’alcool et de tabac, les risques d’effets secondaires et de survenue de maladies ne s’additionnent pas mais se multiplient. En d’autres termes, cela signifie que l’association de l’alcool et du tabac a une toxicité beaucoup plus importante que la simple somme des toxicités de chacun de ces produits consommés séparément. Comme il s’agit d’un point très important, mais long à décrire, nous pourrons le développer plus précisément dans un autre texte, si certains d’entre vous sont intéressés.

Les risques d’une consommation mixte alcool et tabac sont doses-dépendants. Cela signifie que les risques augmentent donc avec les quantités doses consommées. Cela signifie que si l’on ne se sent pas capable d’arrêter de fumer immédiatement, il faut dans un premier essayer de diminuer sa consommation. C’est le même message que pour les consommations excessives d’alcool.

Pour ces deux produits : le moins, c’est le mieux. 

Comment faire ? Par exemple en évitant les « cigarettes-reflexes » que l’on fume simplement parce qu’elles sont disponibles. Bien sûr, lorsqu’il y a en permanence un cendrier sur la table, un paquet de cigarettes sorti avec un briquet à côté, cela stimule l’envie d’en allumer une. Il est arrivé à tous les fumeurs de penser : « pourquoi ai-je allumé cette cigarette, je n’en avais pas vraiment envie ». A l’opposé, lorsque l’on est occupé, sans paquet de cigarettes à portée de main, il est plus facile de moins fumer. 

De plus, si certaines cigarettes sont agréables, d’autres ne le sont nettement moins et il est donc possible de ne pas les allumer. C’est très rentable parce que cela représente un nombre important de cigarettes chaque jour. 

Pour vous aider, vous pouvez aussi utiliser la technique des 5 minutes. En quoi cela consiste ? Lorsque vous avez envie de fumer une cigarette, regardez votre montre ou mettez en route le minuteur de votre portable pour une durée de 5 minutes. Et l’allumez pas de cigarette avant la fin de ces 5 minutes. A la place, trouvez une occupation, et vous verrez que l’envie de fumer va parfois vous quitter. Cela vous permettra de rester une demi-heure ou peut-être une heure de plus sans fumer. C’est en accumulant ces petits efforts qu’il est possible de diminuer sa consommation. 

De plus, il existe pour le tabac une substitution nicotinique qui peut être une aide très précieuse. L’objectif de cette substitution est d’apporter de la nicotine en quantité suffisamment importante pour saturer les récepteurs nicotiniques du cerveau, c’est-à-dire les sites de fixation de la nicotine. 

Lorsque ces récepteurs sont suffisamment saturés, la nicotine provenant de la cigarette ne trouve plus de récepteur libre, ou très peu, et cela se traduit par une absence d’effet de cette nicotine amenée par la cigarette. Il n’y a donc quasiment plus de plaisir. Il ne reste que le goût de la cigarette qui est plutôt mauvais, même pour les fumeurs actifs, et une irritation de la gorge. 

Comme la nicotine est la molécule qui génère la dépendance au tabac, la substitution nicotinique permet donc d’éviter le manque et « tue » le plaisir de fumer. 

C’est pourquoi, les tabacologues considèrent qu’il faut augmenter la substitution nicotinique tant que les patients ont des envies de fumer. Une fois ces envies disparues, il est beaucoup plus facile de jouer sur les habitudes, les automatismes et les mauvais réflexes (cela reste quand même un gros travail).

Il existe plusieurs moyens d’être substitué en nicotine : principalement les patches, les gommes, les pastilles et la cigarette électronique (e-cigarette). Pour être complet, il existe aussi un médicament qui va se fixer aussi sur les récepteurs nicotiniques, la Varénicline. Là encore, la prise de ce traitement va se traduire par une disparition du « plaisir » de fumer, et le sevrage va donc être possible avec peu d’impression de manque. Nous nous permettons de citer ce traitement parce qu’il est actuellement le seul disponible avec ce mode de fonctionnement et que cette information ne correspond donc pas à de la publicité préférentielle.

Enfin, il faut insister sur le fait qu’il est tout à fait possible de faire un sevrage mixte alcool et tabac. D’ailleurs de nombreux patients le réclament, et contrairement à l’idée que l’on pourrait avoir, les freins viennent plutôt de soignants qui n’en ont pas l’habitude.

Pourtant, il est souvent plus facile d’arrêter les deux produits, car l’un appelle l’autre : plus d’envie de fumer lorsque l’on boit un verre d’alcool et plus d’envie de boire lorsque l’on fume. Du coup, la double abstinence offre plus de sécurité et diminue le risque de rechute pour chacun des deux produits. 

Cependant n’oubliez pas que si l’on ne se sent pas capable d’arrêter de fumer immédiatement, il est toujours possible d’essayer de diminuer sa consommation. C’est toujours mieux pour votre santé.

Catégories
Alcool

GÉNÉTIQUE ET ALCOOL: EST CE DU GÈNE OU DE L’ENVIRONNEMENT ?

Il existe fréquemment des « concentrations  familiales » de consommation de produits psychoactifs, ce que l’on nomme parfois des généalogies à risque. Ainsi, des patients disent volontiers en consultation : « chez nous, on boit de père en fils ». 

Il est intéressant de savoir à quoi cela peut correspondre. Existe-t-il réellement d’une prédisposition génétique à la consommation d’alcool, ou s’agit-il simplement d’un mimétisme familial et/ou culturel. En d’autres termes, le comportement de ces patients est-il favorisé par l’environnement ou dicté par le patrimoine génétique.  

De nombreuses études génétiques ont été réalisées, en particulier concernant l’alcool, et il nous a semblé intéressant d’en rapporter quelques résultats. Tout d’abord, il est essentiel de préciser que ces études (et donc leurs résultats) ne concernent pas la consommation d’alcool en elle-même, mais le risque de DÉPENDANCE à l’alcool.

Trois résultats importants méritent d’être discutés

PREMIER RESULTAT : LE RISQUE DE DEPENDANCE AUGMENTE CHEZ LES FILS DE PERES DEPENDANTS

Pour avoir une idée de l’amplitude de ce risque, voici quelques chiffres :

Chez les hommes n’ayant pas de dépendance à l’alcool, la descendance masculine a 2 à 5 % de risque de développer une dépendance à l’alcool (selon les études).

Chez les hommes ayant une dépendance à l’alcool, la descendance masculine a 10 à 25 % de risque de développer une dépendance à l’alcool (selon les études).

Pour résumer simplement ces données, on dit généralement que le risque de dépendance chez un homme est MULTIPLIÉ PAR 5 si son père a été dépendant, par rapport à un père que ne l’aurait pas été. Pour les puristes des statistiques, il s’agit d’un abus de langage, mais cela a l’intérêt d’être clair et facile à comprendre. 

Les résultats chez les femmes sont moins importants, l’impact de la dépendance chez les parents semblant moins important que pour les hommes.

DEUXIEME RESULTAT : C’EST LA GENETIQUE ET NON L’ENVIRONNEMENT

Les résultats précédents ne démontrent pas une origine génétique, puisque le développement de la dépendance pourrait aussi être la résultante d’un mimétisme inconscient chez les enfants, en particulier les garçons qui imiteraient les habitudes de leurs pères. 

Pour faire la différence entre ces facteurs de risque génétiques ou liés à l’environnement, différents cas de figure ont été évalués. Des études effectuées chez des enfants adoptés permettent de comparer la survenue de dépendance chez des personnes en fonction du statut de dépendance ou non à l’alcool de leurs parents génétiques et adoptifs.

Par exemple, des enfants nés de parents dépendants à l’alcool mais adoptés et élevés dans une famille sans dépendance ont été comparés à des d’enfants nés de parents sans dépendance mais adoptés et élevés dans une famille avec dépendance à l’alcool.

Les résultats sont tout-à-fait clairs : c’est la dépendance des parents génétiques qui pèse le plus dans le risque de développer une dépendance plus tard. Il faut à nouveau d’insister sur le fait que cela ne concerne que la dépendance et non l’ensemble des consommations d’alcool, et donc une minorité de consommateur. Vous savez maintenant que la toxicité de l’alcool est dose-dépendante (relié donc aux quantités d’alcool consommées) et que des personnes non dépendantes peuvent développer des maladies graves liées à l’alcool. Ainsi, il a été montré dans une étude scientifique que la moitié des malades avec une cirrhose (du foie) grave ne répondaient pas à la définition de la dépendance.https://mydefi.life/2020/08/09/pas-de-dependance-a-lalcool-pas-de-probleme/

Pour revenir à la dépendance, l’influence des parents adoptifs va surtout avoir un retentissement sur l’âge de début de consommation d’alcool. Les premières consommations surviendront plus jeune s’il y a des habitudes de consommation chez ces parents adoptifs.         

De plus, ce risque n’explique pas seul l’évolution vers une dépendance. Celle-ci sera aussi influencée par des facteurs associés tels l’environnement culturel, les relations et amis, ainsi que type de produit psycho-actifs ou drogue habituellement consommé (cannabis, ou autres produits)

D’autre part, cette part génétique correspond à un risque accru et non pas à un élément définitivement inscrit en nous, comme la taille ou la couleur des yeux.  

TROISIEME RESULTAT : CE N’EST PAS UNE FATALITE

Le terme « génétique » évoque de prime abord des caractères définitivement fixés, comme la couleur des yeux, la forme des oreilles, la taille, etc… Mais la génétique conditionne aussi notre équipement en récepteurs cérébraux, en synthèse de neuro-médiateurs ou d’enzymes. Et c’est de cela dont il est question lorsque nous parlons de génétique et d’alcool. Cela signifie que le circuit de la récompense situé dans notre cerveau va être plus ou moins « réactif » selon son équipement biologique qui est lui déterminé par notre patrimoine génétique.

Nous pouvons donc avoir un équipement neuro-biologique à faible ou à plus fort risque de développer une dépendance à l’alcool. MAIS, cela ne signifie pas que certains d’entre nous sont CONDAMNÉS à devenir dépendant.

Tout n’est donc pas joué avec nos gènes et nous avons tous la possibilité de nous battre contre le risque de dépendance. 

Par contre c’est intéressant d’avoir une idée de notre risque génétique, en observant le comportement de nos parents et grands-parents. Une personne qui aurait plusieurs cas de dépendance à l’alcool dans ses ascendants (et frères et sœurs) est probablement à sur-risque de développer une dépendance à l’alcool. Dans ce cas, il faut consommer avec modération et être très vigilant sur une éventuelle perte de contrôle de sa consommation. De plus, en sachant que l’on est à risque, il ne faut pas hésiter à demander de l’aide.

On voit que le risque génétique n’est plus dans ce cas une fatalité, mais au contraire un indicateur important s’inscrivant dans une optique de prévention.

De même, si vous avez développé une dépendance à l’alcool, il est important de savoir que votre descendance peut avoir un risque augmenté de dépendance. En les informant, vous leur permettez de diminuer ce risque. L’idéal est probablement de faire donner cette information par un addictologue, qui prendra le temps d’expliquer ce risque, mais aussi de dédramatiser cette annonce.

En conclusion, et pour répondre à question posée dans le titre, il existe un risque génétique clair de développer une dépendance à l’alcool. Il faut insister sur le fait qu’un risque lié à l’environnement peut coexister et s’associer au risque génétique.

Comme expliquer plus haut, il ne s’agit pas d’une fatalité. Au contraire, connaître ce risque génétique peut permettre permet d’adapter son comportement et de réduire ainsi la probabilité de développer une dépendance. 

Catégories
Alcool

MIEUX CONNAITRE LE BINGE DRINKING ET COMMENT S’EN PROTÉGER

Il n’y a pas si longtemps, on évoquait en France les consommations de type « anglo-saxonne » ou d’Europe du nord. Il s’agissait de personnes qui ne consommaient que peu, voire pas d’alcool en semaine, mais qui le week-end venu, buvaient de très grosses quantités. 

Lorsque l’on voyageait, en Amérique du nord ou en Angleterre, on avait la surprise (à l’époque c’était surprenant pour un français) de voir des jeunes gens ivres, tituber en hurlant dans les rues, alors que leur comportement était très policé le reste de la semaine. Dans certains pays du nord, des tournées de bus et cars étaient régulièrement organisées pour permettre à ces jeunes gens de rentrer chez eux sans prendre leur véhicule.

Ce mode de consommation s’est depuis développé en France, et il est souvent désigné sous le terme de « binge drinking ». Ce terme décrit des consommations excessives, « explosives », survenant dans une durée de temps limitée.

DÉFINITION

Comme souvent en alcoologie, il est très difficile de se reposer sur des normes quantitatives bien définies et faisant l’unanimité. Des limites différentes sont proposées par des groupes de recherche et des sociétés savantes. La Société Française d’Alcoologie a choisi d’adopter des limites qui sont aussi celles de l’Institut Américain sur l’Abus d’Alcool et l’Alcoolisme ce qui donne une grande légitimité à cette définition.

La limite proposée est donc la suivante : le binge drinking est défini chez l’homme et la femme par des consommation supérieures ou égales à respectivement 7 verres et 6 verres d’alcool, et cela pendant un intervalle de moins de 2 heures. 

Pour information, on définit aussi des épisodes de binge drinking à « haute intensité » ou « extrêmes » qui correspondent à des doses 2 à 3 fois importantes que celles citées plus haut, pendant le même intervalle de temps. Il s’agit de véritables « bitures express » ayant généralement cours chez les adolescents et parfois sous forme de concours. Il existe d’ailleurs de nouvelles applications de défi de consommation excessive, ce qui est une incitation particulièrement toxique.

POURQUOI IL EST IMPORTANT DE PARLER DE CE TYPE DE CONSOMMATION ?

C’est important d’en parler en particulier à cause de la durée de temps très courte qui caractérise ce type de consommation. Cela signifie que les consommateurs ont des taux d’alcool circulants qui peuvent être très élevés avec un risque de toxicité particulièrement important.

Cette toxicité peut se manifester par des complications à court terme. On pense naturellement aux risques d’accident de la voie publique qui sont une grande cause de mortalité chez les adultes jeunes. Il existe aussi des risques d’agression et les consommateurs se mettent dans un état de vulnérabilité favorisant des relations sexuelles non-consenties, voire des violences sexuelles. De plus, ces consommations survenant volontiers chez les jeunes, les épisodes de binge drinking peuvent favoriser de moins bons résultats scolaires et universitaires.

Il faut aussi citer d’autres risques, moins connus mais tout aussi préoccupants. Parmi ceux-ci, il y a des risques cardio-vasculaires. En effet, les épisodes d’alcoolisation massive peuvent provoquer des troubles du rythme cardiaque voire même un arrêt cardiaque. Ces morts subites liées à l’alcool restent peu connues mais vont survenir d’autant plus volontiers chez des personnes ne consommant pas régulièrement et donc n’ayant pas développé de tolérance à l’alcool. D’autres organes peuvent être touchés, tel que le foie. Par exemple, l’hépatite alcoolique aiguë survient principalement chez des personnes qui associent des consommations massives et un déficit alimentaire.

Le cerveau est aussi un organe très sensible au binge drinking, avec des risques de toxicité cérébrale et à terme de troubles des fonctions supérieures : mémoire, concentration, apprentissage. L’existence des trous noirs le lendemain de consommations excessives est un bon signe de consommation excessive potentiellement toxique pour le cerveau et doit alerter le consommateur. Il ne s’agit que de quelques exemples permettant d’illustrer les risques possibles du binge drinking, sans volonté d’être exhaustif. 

Enfin, il faut signaler que les épisodes répétés de binge drinking augmentent le risque de développer à distance une dépendance à l’alcool.

QUE PEUT-ON PROPOSER EN PRATIQUE ?

Bine entendu, l’idéal c’est de boire des quantités d’alcool modérées, voire pour les patients dépendants de rester abstinent. Toutefois, il peut survenir des occasions, où le contexte et l’ambiance peuvent inciter à consommer de façon importante.

1°) Dans ces situations, il faut se souvenir, qu’à consommation équivalente, la toxicité est moindre si on l’étale dans le temps. On laisse le temps à l’organisme de métaboliser une partie de ce que l’on boit et cela permet d’avoir des taux d’alcool circulant dans le corps moins important. Pour mémoire, il faut au moins 1 heure pour éliminer un verre d’alcool. 

2°) Deuxième conseil : il faut s’alimenter. Manger des aliments gras ou sucrés permet de diminuer l’absorption de l’alcool. Il y aura donc moins d’alcool circulant dans le sang et donc moins de toxicité potentielle.

Il ne faut pas oublier que l’alcool est un produit très calorique. Un épisode de binge drinking amène rapidement plus de 500 Kcal. Donc une consommation excessive dans un intervalle de temps court va correspondre à l’apport calorique d’un repas ce qui est un repas moyen de beaucoup de gens. L’alcool peut donc couper la faim, ce qui risque donc d’augmenter sa toxicité.

3°) Attention à l’association d’alcool aux boissons pétillantes : ces dernières favorisent l’absorption de l’alcool. Donc attention aux mélanges alcool-soda et des vins pétillants à jeûn.

4°) Ne pas croire que sous prétexte que l’on ne boira pas le lendemain et le surlendemain, cela va nettoyer ce qui s’est passé et que du coup, le bilan toxique sera nul. Quand on a des consommations importantes en un délai court, cela se traduit par un risque de toxicité important. Bien sûr, cela reste toujours intéressant d’avoir des jours sans alcool, mais si le mal est fait, cela ne l’effacera pas. 

5°) Enfin, est-il encore nécessaire de dire que l’alcool n’est pas une bonne boisson hydratante, et qu’il faut donc toujours intercaler des verres d’eau entre des boissons alcoolisées. C’est important pour s’hydrater et c’est un bon moyen de limiter son envie de boire.

Voilà quelques conseils simples qui peuvent aider à passer sans dommage la plus risquée des soirées.