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Janvier Sobre, Dry January : est-ce mauvais signe si on n’a pas su en profiter ou si c’était difficile ? Comment faire ?

Commencer chaque année par un mois de janvier sobre (ou dry January) est une habitude intéressante, car cela s’accompagne de messages qui alertent la population sur les risques liés à l’alcool. Ce janvier sobre donne aussi envie à beaucoup de personnes de commencer une démarche de réduction de consommation, parfois même d’arrêt. Toutefois, ce janvier sobre peut aussi générer du stress chez ceux qui consomment trop et qui ne sont pas parvenues à se lancer. La question que l’on peut se poser dans ces conditions est la suivante : est-ce mauvais signe si on n’a pas su profiter de janvier sobre ?

Le but de ce blog est de donner des éléments de réponses à cette question.

Pour cela, il faut s’interroger sur ce qui permet de commencer une démarche alcool.

Tout d’abord, il faut que ce soit le bon moment. 

Cette chronologie favorable est parfois indépendante du patient. Les freins possibles peuvent correspondre à des problèmes d’environnement familial ou social. 

Des périodes difficiles à gérer peuvent capter notre énergie, notre détermination. Par exemple, quelques jours de vacances pendant lesquels la tentation sera forte, ou une période de rush professionnel pendant laquelle il est vraiment difficile de baisser sa consommation. Pour d’autres encore, janvier peut être un mois pendant lequel tombent des anniversaires douloureux. En d’autres termes, il est tout à possible que le mois de janvier ne soit pas trop propice à une démarche alcool.

D’autre part, il faut parfois pour se lancer ressentir un « déclic ».

Ce fameux déclic est difficile à décrire et encore plus à le partager (malheureusement). De plus, il ne se commande pas et n’arrive pas sur mesure. Toutefois, pour les patients qui le ressentent cela signifie généralement que « c’est le bon moment » et la démarche va pouvoir s’enchainer assez naturellement. À contrario, on comprend aisément que se lancer quand on ne pense pas que c’est le bon moment peut être complexe et il est possible que les chances de réussite ne soient pas optimales.

Pour les patients qui sont accompagnés par un soignant, il est aussi nécessaire que cette rencontre soit empreinte de confiance mutuelle et de compréhension. Parfois, la relation n’est pas satisfaisante, sans que ni le patient ni soignant puisse être tenu responsable. Tout simplement, le ressenti, des mots prononcés troublent la relation et font douter le patient. D’autre part, les soignants adoptent des pratiques thérapeutiques qui peuvent ne pas convenir à un patient spécifique. Celui-ci sera plus à l’aise avec d’autres modalités de soin. Cela n’est pas grave s’il est possible de le repérer et d’en tirer des enseignements. 

Il a été démontré que les soignants obtiennent leurs meilleurs résultats avec des méthodes thérapeutiques avec lesquelles ils sont à l’aise. Globalement, celles dont ils ont l’habitude et qu’ils maitrisent correctement.

Il est évident que c’est la même chose pour les patients qui vont voir leurs efforts couronnés de succès si la technique de soin utilisée est celle qui leur convient le mieux. C’est pourquoi il est essentiel que les patients participent à l’élaboration de leur projet de soin afin de mieux y adhérer. D’ailleurs, il a été montré que les patients atteignent beaucoup plus les objectifs qu’ils se fixent eux-mêmes que ceux qui sont proposés par d’autres.

Beaucoup d’autres points pourraient être discutés pour expliquer pourquoi il peut être difficile de réussir son janvier sobre et pourquoi ne pas avoir avancé ne signe pas une défaite.

Malgré tout, il est très intéressant de réfléchir (sans stress ni culpabilité) au concept du janvier sobre et d’en tirer des enseignements, y compris pour ceux qui ne sont pas lancés. Le principal enseignement est probablement celui-ci : ça veut toujours le coup d’essayer

Premièrement, parce qu’en l’absence d’essai, il n’y a aucune chance de réussir. Ainsi que nous le rappelle cette citation : « Dans la vie, le seul combat qui est perdu d’avance, c’est celui que l’on ne mène pas ».

Deuxièmement, car se mettre en condition réelle de diminution ou d’arrêt d’alcool permet de mieux auto-diagnostiquer son problème et de mieux évaluer ses difficultés à avancer.  

Troisièmement, parce qu’il est normal de faire des erreurs pour progresser et qu’il est rare d’y arriver du premier coup. Nous aimons répéter aux patients que les champions olympiques qui lancent le poids ou qui sautent en longueur et en hauteur ont droit à plusieurs essais. Pourquoi les patients n’y auraient pas droit aussi ? 

Quatrièmement, car il n’y a rien à perdre à se lancer. En effet, une tentative qui n’a pas abouti ne présage pas du résultat des tentatives futures.

En conclusion, si vous n’avez pas pris le train de janvier sobre : essayer de comprendre ce qu’il vous a manqué. Que faut-il pour que des conditions plus favorables soient réunies ? Les freins qui vous ont empêchés d’avancer sont-ils si puissants que ça ? Quand surviendra votre prochaine « fenêtre de lancement » ? En d’autres termes, quand réussirez-vous à rendre le contexte favorable à votre démarche ? 

Si vous ne trouvez pas de réponse satisfaisante : alors stoppez la réflexion et rentrez dans l’action. Préparez-vous pour un Mars sobre ou un Avril sobre, pourquoi pas ? Ne donnez pas trop la parole à votre intelligence qui trouve toujours d’excellentes excuses pour vous permettre de ne pas progresser. Tout cela est résumé dans la citation suivante qui s’adapte particulièrement bien aux problèmes d’addiction : « Notre esprit sait très bien où nous devons aller, mais notre intelligence fait tout pour nous en empêcher ».

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UNE INFORMATION MUSCLÉE, ou l’impact de la consommation excessive d’alcool sur les muscles et les bénéfices de la sobriété.

Cet article du blog a pour objectif de donner des informations sur une complication de la consommation chronique d’alcool qui a la particularité d’être l’une des plus fréquente et pourtant la moins souvent diagnostiquée. 

L’alcool est un produit largement toxique pour le corps, avec plus de 60 maladies provoquées ou aggravées. Ce nombre augmente d’ailleurs progressivement car de nouvelles pathologies secondaires à l’alcool sont suspectées de temps à autre (par exemple en cancérologie, nous en reparlerons un jour).

La toxicité osseuse de l’alcool est largement documentée, de même que sa toxicité vis-à-vis des nerfs périphériques, surtout les nerfs des membres inférieurs qui sont les plus longs du corps et donc les plus fragiles. Les muscles représentent, avec les os et les nerfs, la troisième composante majeure de notre système de locomotion. Notre système de locomotion est ce qui permet le mouvement. Alors, l’alcool a-t-il un effet sur les muscles ?

L’alcool a-t-il un impact négatif sur les muscles ?

La réponse est oui et le problème est particulièrement important. Les muscles squelettiques sont ceux qui sont utilisés pour tous nos mouvements. Or on considère que l’atteinte des muscles squelettiques est très fréquente chez les malades d’alcool. Cette « myopathie » touche en effet 40 à 60 % des consommateurs chroniques. Pour comparaison, c’est 5 fois plus fréquent que la cirrhose qui est une maladie dont tout le monde a entendu parler. La myopathie alcoolique est, de loin, la plus fréquente de toutes les myopathies connues.

Une autre donnée est impressionnante : des biopsies musculaires ont été faites chez des malades d’alcool sans diagnostic de myopathie : dans près de la moitié des cas, il existait des anomalies de la structure musculaire. Donc l’atteinte des muscles une maladie très fréquente à laquelle il faudrait penser beaucoup plus souvent.

QUELLES SONT LES SIGNES DE CETTE MYOPATHIE ?

La forme la moins fréquente est la myopathie aigüe qui survient après un épisode de consommation importante, de type binge drinking par exemple. Les symptômes associent une faiblesse, une sensibilité musculaire, voire des douleurs. Les muscles touchés sont les muscles dits « proximaux », c’est-à-dire ceux qui sont proches du tronc : fessiers, cuisses, épaules. Cette myopathie n’est généralement pas diagnostiquée, car le lien n’est pas fait entre la consommation excessive d’alcool et les douleurs musculaires. Les symptômes, faiblesse musculaire, sensibilité ou douleurs musculaires, disparaissent totalement après 1 à 2 semaines d’abstinence.

La forme chronique est beaucoup plus fréquente. Elle touche aussi les muscles proximaux et se traduit par une faiblesse musculaire pouvant durer des semaines voire des mois. Les douleurs sont rares de même que l’atrophie musculaire qui est difficile à observer. Le symptôme majeur est la diminution de la force musculaire : cela entraine une diminution de la capacité à faire des exercices physiques à la fois « isotonique » (mouvements importants) et « isométrique » (contraction musculaire avec un mouvement minimal). De plus, certains patients peuvent se plaindre de troubles objectifs de la mobilité. L’alcool a aussi pour effet de diminuer la vitesse de récupération musculaire après effort. Ces effets négatifs sont dose-dépendant, c’est-à-dire que plus il y a d’alcool, plus il y a d’atteinte musculaire. 

L’effet de l’alcool sur la myopathie alcoolique est cumulatif et donc cette pathologie myopathie surviendra d’autant plus que la consommation cumulée d’alcool aura été importante.

C’est pourquoi, il s’agit d’une maladie qui va plutôt se déclarer dans la tranche d’âge 40 – 60 ans, avec une répartition équivalente entre les femmes et les hommes. Globalement on peut retenir que plus il y a eu de consommation d’alcool sur la vie et moins la masse musculaire est de bonne qualité.

Il faut d’autant plus y penser qu’il existe d’autres complications de l’alcool, notamment une maladie alcoolique du foie. En cas d’atteinte du muscle cardiaque, pathologie nommée « cardiomyopathie », le risque d’avoir aussi une myopathie des muscles squelettique est supérieur à 80 %.

Quand il existe une myopathie chronique, des épisodes de forte consommation peuvent provoquer des poussées de myopathie aigüe. Ces épisodes se traduisent alors par des douleurs musculaires, une aggravation de la faiblesse musculaire et des urines foncées, qui traduisent l’élimination de résidus de fibres musculaires.  

CONNAIT-ON LES MECANISMES DE LA TOXICITE DE L’ALCOOL SUR LES MUSCLES ?

Tout d’abord, l’alcool consommé de façon chronique provoque une altération du statut nutritionnel (troubles nutritionnels, dénutrition), avec notamment un déficit protéique. Or, les protéines correspondent aux petites briques qui permettent de fabriquer la fibre musculaire. Donc, moins de protéines disponibles = moins de fabrication de muscle. 

Il faut aussi associer dans ce mauvais bilan nutritionnel, le déficit de certaines vitamines principalement des vitamines du groupe B et la vitamine D. 

Il y a par ailleurs une diminution dans les muscles de facteurs de croissance qui sont des produits qui stimulent la production de fibres musculaires.

Enfin, les muscles ont de plus en plus de difficultés pour consommer l’oxygène de façon optimale, l’oxygène étant un carburant essentiel de l’effort.

En permanence des cellules de notre corps meurent et sont remplacées par des nouvelles. Comme bien souvent avec l’alcool, sa consommation expose à une double peine. Nous venons de voir que la fabrication des nouvelles fibres musculaires était diminuée par plusieurs mécanismes. De plus, et c’est là la double peine, la destruction des fibres musculaires est accélérée chez les consommateurs excessifs d’alcool (liée à une inflammation chronique). 

Donc plus de destruction et moins de fabrication : cela aboutit à moins de volume et de force musculaire. 

Dans certains cas, il est possible d’observer des pertes musculaires importantes au niveau des cuisses, des fesses et des lombes, ce qui confirme bien l’atteinte des muscles qui sont proches du tronc.

EXISTE-T-IL UN TRAITEMENT PERMETTANT DE RECUPERER DE CETTE ATTEINTE MUSCULAIRE?

Actuellement, 3 mesures ont démontré leur efficacité.

La première est l’arrêt de l’alcool. C’est une bonne nouvelle, car cela signifie que les lésions qui peuvent être observées sur des biopsies musculaires sont potentiellement régressives. Une amélioration nette de la force musculaire est observée dans la première année suivant l’arrêt de l’alcool. La normalisation complète de la force musculaire est acquise après 5 ans d’abstinence. Pour ceux qui ne peuvent stopper l’alcool, une diminution importante permet aussi une amélioration, mais celle-ci sera moins complète et plus lente que chez les patients abstinents.

La deuxième mesure efficace est de veiller à avoir un apport nutritionnel équilibré apportant notamment suffisamment de protéines (les éléments constitutifs de base de la fibre musculaire) et une supplémentation vitaminique.

La troisième mesure est évidente : il faut faire des exercices physiques. Chez les patients ayant une myopathie alcoolique, comme chez les autres, l’exercice musculaire est ce qui permet la régénération et la prise de masse musculaire.  

En conclusion, la myopathie alcoolique est l’une des manifestations cliniques les plus fréquentes du trouble de l’usage de l’alcool. Elle est quasiment toujours méconnue alors qu’elle génère de nombreux effets négatifs. Cette myopathie est responsable d’une diminution de qualité de vie, mais elle reste réversible avec quelques mesures simples d’hygiène de vie. 

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LE MOIS SANS TABAC SE TERMINE, MAIS LE COMBAT CONTINUE !

Le mois sans tabac nous rappelle, si nous en avions besoin, que le tabac est très toxique pour la santé. Pour de nombreuses personnes, le mois sans tabac a été le déclencheur d’une démarche d’abstinence ou de réduction de consommation. Pour d’autres, cela a permis de réfléchir, mais pas encore de prendre la décision de se lancer. 

Voici quelques arguments supplémentaires pour vous aider à vous lancer dans la lutte contre votre tabagisme.

1°) LE TABAGISME EST TRÈS TOXIQUE SURTOUT EN CAS D’ASSOCIATION À L’ALCOOL

Le tabac est la première cause de mortalité évitable ; il s’agit donc d’un produit réellement très toxique. Mais, il faut aussi savoir que sa toxicité se potentialise avec celle de l’alcool. En d’autres termes, l’addition de ces deux produits (tabac + alcool) se traduit par une multiplication des risques (risque tabac X risque alcool). 

Cette potentialisation est démontrée pour de nombreuses complications : par exemple les maladies cardio-vasculaires (angine de poitrine, infarctus du myocarde), des maladies neurologiques (les accidents vasculaires cérébraux notamment), le risque de fibrose et de cirrhose du foie, et bien sûr pour de nombreux cancers. 

Comme exemple, et parce que ce chiffre est très spectaculaire, nous citerons l’augmentation du risque d’avoir certains cancers de la gorge en cas de consommation importante d’alcool et de tabac : ce risque peut être 150 fois plus important que celui des non-consommateurs. Cet impressionnant résultat nous permet d’introduire un autre élément important.

2°) LA TOXICICTÉ EST DOSE-DÉPENDANTE.

Cela est vrai pour les maladies cardiaques et neurologiques. De même, le risque de développer ou d’aggraver une bronchite chronique ainsi que pour le risque de faire des infections pulmonaires augmente avec les quantités fumées.

Cela signifie aussi qu’à chaque diminution de consommation tabagique, il y a un bénéfice attendu sur un problème de santé éventuellement connu, mais aussi sur tous les autres, même ceux qui ne sont pas encore déclarés.

Donc plus on fume plus on a de risque ; moins on fume et moins on a de risques.

3°) LA RÉDUCTION DE CONSOMMATION EST INTÉRESSANTE POUR CEUX QUI NE SONT PAS ENCORE PRÊT À L’ARRÊT

Ce message est très important, car il est parfois extrêmement difficile d’arrêter de fumer, voire même d’envisager d’arrêter de fumer. Dans ces conditions, il est bénéfique pour la santé de commencer rapidement par réduire sa consommation. L’arrêt viendra peut-être dans un second temps.

De toute façon, l’effet positif de cette réduction de consommation sera perceptible sur de nombreux organes et maladies. C’est donc très rentable, d’autant que de nombreux problèmes liés au tabac sont sous-diagnostiqués. Pourtant, pas encore de symptôme ne veut pas dire, pas de maladie débutante.

Par exemple, 75 % des bronchites chroniques tabagiques ne sont pas diagnostiquées, alors qu’il existe déjà des atteintes de la fonction respiratoire. Entre parenthèses, consultez votre médecin si vous souffrez au moins 2 mois par an de toux et de crachats (surtout matinaux), et ce, pendant au moins 2 ans de suite.

Cette réduction va aussi permettre une réduction du tabagisme passif

La fumée qui est inhalée et que l’on souffle ensuite est appelée « fumée primaire ». La fumée qui provient de la combustion naturelle de la cigarette qui se consume dans le cendrier est appelée fumée secondaire.

Cette fumée secondaire est celle qui est la plus toxique car elle contient beaucoup plus de particules très fines qui pénètrent plus profondément dans le système bronchique. D’ailleurs intuitivement, on le sent bien : c’est elle qui pique les yeux et irrite le nez. Cette fumée secondaire est la principale responsable du tabagisme passif et provoque donc toutes les complications du tabac, incluant le décès. 

Les risques majeurs du tabagisme passif chez l’enfant et le nourrisson peuvent se traduire par un accouchement prématuré, la mort subite du nourrisson, des otites récidivantes, ainsi que des crises d’asthmes et des infections respiratoires.

Évidemment les fumeurs souffrent aussi du tabagisme passif, provenant de leurs propres cigarettes ou de celles d’autrui.

Sachant cela, on peut se demander si fumer à la fenêtre, alors que la fumée rentre généralement à l’intérieur, est une précaution suffisante pour protéger son entourage ?

Là encore, vive l’abstinence ou au moins une réduction de consommation.

4°) LES BÉNÉFICES DE L’ARRÊT SONT RAPIDES

Et cela est vrai quel que soit l’âge de l’arrêt du tabac. Bien sûr, plus l’arrêt est précoce et plus on a de bénéfices. Cela est aussi lié au fait que la toxicité du tabac est dose-dépendante.

Dans le tableau qui suit, vous verrez que les premiers bénéfices se font ressentir dès les premières heures. Parfois il est difficile de les percevoir en raison de l’état de manque. Toutefois, celui-ci peut être largement compensé par l’apport de substitution nicotinique. Bien substituer, on se sent donc mieux dès le premier jour d’arrêt !!! 

8 heures à 72 heures après la dernière cigarette
La quantité de monoxyde de carbone dans le sang diminue puis se normalise.
Le risque d’infarctus diminue déjà +++
Les poumons commencent à éliminer le mucus et les résidus de fumée.
Le goût et l’odorat s’améliorent.
Respirer devient plus facile, les bronches commencent à se relâcher. 

2 semaines à 3 mois après la dernière cigarette
La toux et la fatigue diminuent.
On récupère du souffle. 
On marche plus facilement. 

1 à 9 mois après la dernière cigarette
Les cils bronchiques repoussent. 
On est de moins en moins essoufflé. 

1 an après la dernière cigarette
Le risque d’infarctus du myocarde diminue de moitié. 
Le risque d’accident vasculaire cérébral rejoint celui du non-fumeur. 

5 ans après la dernière cigarette
Le risque de cancer du poumon diminue presque de moitié. 

10 à 15 ans après la dernière cigarette         
L’espérance de vie redevient identique à celle des personnes n’ayant jamais fumé (si arrêt non tardif).

POUR CONCLURE : 

L’addiction à la nicotine est très forte, les sujets fumeurs sont souvent en souffrance et près de la moitiéd’entre eux souhaitent arrêter. Lancez-vous ! il existe de nombreux traitements qui diminuent les envies et qui permettent au moins une réduction significative. Parmi ces traitements les timbres, les pastilles, les gommes à la nicotine. Une pastille contient l’équivalent nicotinique d’une cigarette, donc préférez les premières pour un effet à peu près équivalent aux secondes. 

Ce qui freine souvent les fumeurs, c’est la fausse croyance que ce n’est pas possible pour eux d’arrêter. Dans ce cas, essayer de diminuer dans un premier temps, vous diminuerez les risques pour votre santé.

Parfois, c’est l’identité de fumeur que nous nous sommes attribués et que nous renvoient aussi les autres qui nous empêche d’avancer. Dans ce cas, il ne faut pas hésiter à changer d’identité pour devenir « UN DÉFUMEUR OU UNE DÉFUMEUSE ».

Enfin, il faut signaler le résultat très encourageant d’une étude effectuée sur près de 7000 fumeurs : l’arrêt du tabac rend HEUREUX. En effet les patients qui avaient stoppé devenaient plus heureux que ceux qui continuaient à fumer. N’est-ce pas un excellent argument pour s’y mettre sans plus tarder ? 

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ALCOOL ET VIOLENCE : BEAUCOUP D’EFFORTS RESTENT À FAIRE

Les violences physiques infligées aux femmes vivant en couple représentent un problème de santé publique majeur puisque des prévalences se situant entre 25 et 45 % des femmes selon les pays. Ces chiffres alarmants ont justifié la recherche de facteurs de risques expliquant la survenue de ces violences.

Il y en a plusieurs, notamment :

  • Des antécédents familiaux qui font entrer les rapports violents dans un mode relationnel « normal » ou du moins habituel.
  • Les personnalités avec un égocentrisme excessif ce qui traduit souvent une mauvaise estime de soi ce qui rend plus facile la violence que l’argumentation. 
  • La personnalité « perverse narcissique » représente probablement la forme ultime de cet égocentrisme avec la disparition de toute reconnaissance à l’autre d’avoir de la valeur et le droit au respect.
  • Les personnalités immatures qui souffrent d’une faible estime de soi et d’une intolérance importante à la frustration.
  • Les personnalités impulsives.
  • Les sujets « rigides » qui ont une faible capacité d’adaptation.
  • Certaines addictions, notamment la consommation excessive d’alcool.  

Inutile de préciser qu’il ne s’agit là que de facteurs de risque et que, heureusement, la présence de ceux-ci ne s’accompagne pas obligatoirement d’un passage à l’acte violent.

Nous allons nous concentrer sur le facteur de risque alcool qui semble jouer un rôle majeur. Ainsi, lorsque l’on étudie les histoires de victimes de violence, il y a souvent des consommations excessives chez les partenaires violents, qui sont souvent des hommes dans la plupart des études. 

Une augmentation identique du risque d’être victime de violence est mise en évidence dans ces différents travaux après consommation d’alcool et/ou de drogues illicites. En d’autres termes,

la prise d’alcool ou de drogue chez les femmes les rend plus susceptibles de subir des violences physiques ou sexuelles. Ainsi, il a été montré que la majorité des viols observés chez les étudiantes américaines survenait chez des jeunes femmes ayant bu suffisamment d’alcool pour être dans une situation de grande vulnérabilité. 

En plus de l’augmentation du nombre de cas, la consommation excessive d’alcool est associée à plus de chronicité des actes de violence c’est-à-dire de répétition. La consommation excessive d’alcool favorise aussi les passages à l’acte plus violents se traduisant par des blessures plus sévères chez les victimes.

DES OBSERVATIONS CLINIQUES PERMETTENT D’ÉLARGIR CE PROPOS

Une jeune femme de 30 ans, qui ne boit que de façon très occasionnelle, mais avec des épisodes de perte de contrôle. Elle confie qu’elle se sent coupable car elle fait preuve lors de ces épisodes de violences verbales, et souvent physiques vis à vis de son conjoint : lancement d’objets au visage et coups violents. Les forces de l’ordre ont déjà dû intervenir. La consommation ponctuelle escessive d’alcool favorise le fait d’être auteur de violences.

Une jeune femme de 21 ans ayant un problème d’alcool, blonde et frêle explique, qu’elle a parfois des accès de violence au volant. Le dernier épisode : un jeune homme lui fait un geste déplacé (avec le majeur…) ; elle se lance alors à sa poursuite. Le jeune homme commence à paniquer, pensant peut-être qu’elle est armée ou vraiment dérangée. La course poursuite commencée en campagne se poursuit en ville. Après avoir risqué plusieurs accidents, la jeune fille s’arrête et se sent désespérée de ce qu’elle vient de faire.

Un homme suivi pour un problème d’alcool, qui mesure plus d’1 mètre 90, pèse aux alentours de 110 kg et est très très musclé, vient en consultation avec des bleus et un œil noir. En état d’ivresse, il a été agressé par 3 hommes qui se sont visiblement acharnés sur lui.

Ces exemples confirment ce qui est bien connu, c’est-à-dire que les auteurs et victimes de violences liées à la consommation de produits psycho-actifs, notamment d’alcool, sont présent dans les deux sexes sans distinction socio-culturelle.

DE NOMBREUSES ÉTUDES ont évalué la relation entre acte de violence et alcool et il apparaît donc clairement qu’une consommation excessive est souvent présente en amont de l’acte de violence du côté de l’agresseur, ou de la victime, voire des deux. 

Pour autant, il n’existe quasiment pas d’étude permettant de savoir qu’elle est la proportion de patients consultants dans un service d’addictologie (et donc souffrant d’une consommation excessive) qui a été victime ou auteur d’actes de violence.

C’est ce que nous avons recherché en proposant un questionnaire anonyme à tous les consultants venant en consultation dans 7 unités d’addictologie de la région Occitanie, quel que soit leur sexe et le motif de consultation (alcool, tabac, drogue, dépendance comportementale. Les différents types de violence étaient considérés : violence physique, psychologique, verbales ou sexuelle.

CETTE PREMIÈRE ÉTUDE PILOTE A DONNÉ DES RÉSULTATS TRÈS INTÉRESSANTS

La première étude que nous effectuée avait pour but de savoir si ce type de recherche avait de l’intérêt dans nos structures. En effet, on pense parfois qu’un problème est particulièrement prioritaire alors qu’il ne concerne que très peu de patients. De plus, il n’y avait pas de recherche de ce type déjà effectué en France (et rien d’intéressant au niveau mondial) qui pouvait nous orienter. Nous ne donnerons que quelques résultats dans ce texte pour éviter d’être roboratif (trop de résultats tue…). Des données complémentaires viendront dans un prochain blog.

Nous avons proposé notre questionnaire à 474 consultants sur 7 sites différents se trouvant dans les 3 villes suivantes (Béziers, Montpellier, Nîmes), ce qui augmente les chances d’être représentatif. Les patients étaient déjà venus une fois en consultation ; nous ne souhaitions pas que la première rencontre qu’ils fassent dans les unités impliquées commence par un questionnaire sur la violence. 

PREMIER RESULTAT 

Le pourcentage de consultants qui ont accepté de répondre à ce questionnaire anonyme (qui est assez long) est de 91 %.

Ce résultat nous donne plusieurs informations. Tout d’abord cela confirme la motivation, toujours observée, des malades addicts à participer à des enquêtes, des études, susceptibles d’améliorer la connaissance de cette pathologie et sa prise en charge. Par ailleurs, ce taux de réponse important nous permet de tirer conclusions assez fiables. Enfin, cela suggère fortement que la violence est un problème considéré comme important par les patients.

DEUXIÈME RÉSULTAT

56 % des patients ayant répondu considèrent être, au moins occasionnellement, impactés par la violence. 

Si on englobe aussi les « rares cas » de violence, c’est-à-dire des épisodes ponctuels en plus des cas de violence réguliers, c’est alors 75 % des consultants qui ont répondu qu’ils se considèrent comme impactés par la violence.

L’équipe de recherche pensait que le pourcentage de réponse positive à cette question serait important. Elle n’envisageait toutefois pas des chiffres aussi élevés, même si le questionnaire utilisé englobe tous types de violences (physiques, psychologiques, sexuelles, verbales). La question que l’on peut se poser alors est de savoir si ce taux de violence est lié aux addictions. Pour les consultants, les violences subies ou commises sont, au moins occasionnellement, en lien avec les addictions dans plus de 40 % des cas.

TROISIÈME RÉSULTAT

52 % des patients souhaiteraient pouvoir bénéficier d’une aide autour de la violence si un soignant spécialisé dans cette thématique pouvait les recevoir. 

POUR CONCLURE

Les consultants en addictologie sont fréquemment victimes ou auteurs de violence. Ils font le lien entre ces actes de violence et les consommations de produits chez eux ou chez leurs proches. 

Il faut donc former des soignants à cette thématique et mettre en œuvre des consultations dédiées pour pouvoir répondre à cette demande qui concerne 30 % environ de l’ensemble des consultants ayant participé à cette étude préliminaire.

Il faut aussi poursuivre les recherches sur cette thématique et l’étudier sur un plus grand nombre de patients et avec une méthodologie affinée va être bientôt réalisée par l’Addictopôle Occitanie, avec comme premier objectif d’inclure 4000 consultants. D’autres résultats de l’étude préliminaire seront donnés dans un prochain blog.

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Bientôt des avancées dans le traitement du binge drinking !

Nous avons déjà évoqué le binge drinking dans un précédent blog, cette modalité de consommation intense, explosive qui se produit sur une durée courte. Il existe plusieurs définitions, mais on peut retenir que cela correspond chez l’homme et la femme à des consommation supérieures ou égales à respectivement 7 et 6 verres d’alcool, et cela pendant un intervalle de moins de 2 heures. 

Le fait de consommer de cette manière favorise la survenue de taux d’alcool très important dans la circulation sanguine ce qui augmente significativement le risque de toxicité. En effet, et il est toujours bon de le rappeler, la toxicité de l’alcool est dose-dépendante. Donc, plus il y en a et plus c’est toxique.

Ce mode de consommation est donc toxique, mais il est vraiment préoccupant chez les adolescents et les adultes jeunes. En effet, ces consommations excessives favorisent les risques d’accidents de la voie publique et la survenue d’un état de vulnérabilité. Cette vulnérabilité peut se traduire par des violences subies, qu’elles soient physiques ou sexuelles. Il ne faut pas oublier que la consommation excessive d’alcool augmente le risque d’être victime de violence, mais aussi auteur de violence, notamment sexuelle. Profitons de ce texte pour rappeler que l’alcool est la première drogue du violeur très loin devant les benzodiazépines ou le GHB.

Il existe aussi bien sûr des risques de toxicité aiguë sur certains organes dont le cœur et le cerveau. Le cerveau est un organe qui continue à se développer longtemps dans la vie et qui n’atteint sa maturité qu’à l’âge de 25 ans environ. De plus, les dernières zones qui vont atteindre la maturité sont situées dans la région frontale. Elles correspondent aux zones de prises de décision, celles qui nous aident par exemple à gérer notre alimentation et à éviter de manger trop de gâteaux ou de sucreries. 

On comprend donc aisément pourquoi on peut plus facilement prendre de mauvaises décisions quand on est jeune (il n’est pas nécessaire de faire beaucoup d’efforts de mémoire pour trouver des exemples chez chacun d’entre nous). 

Le fait d’avoir du binge drinking de façon précoce favorise par ailleurs la survenue de dépendance à l’alcool plus tard avec toutes les conséquences négatives chroniques.

Enfin (bien sur ces informations ne sont pas exhaustives), le binge drinking chez les jeunes favorisent le risque de développer des troubles cognitifs, notamment des troubles des fonctions suivantes : capacités de mémorisation, de concentration et d’apprentissage. Ces troubles sont gênants pour tout le monde, mais prennent un relief particulier chez les étudiants, puisqu’il s’agit de cerveaux jeunes (donc fragiles) qui doivent acquérir chaque jour de nouvelles connaissances (donc être opérationnels). Par ailleurs, les troubles cognitifs ne sont pas visibles initialement, et donc sont volontiers négligés.

L’ensemble de ces données incite à imaginer des soins spécifiques « anti binge drinking » pour les jeunes et bien sûr, pour les moins jeunes. Concernant les étudiants, il existe des actions menées par les pairs (autres étudiants qui se mobilisent contre l’alcool) qui donnent des résultats intéressants. Cela reste toutefois insuffisant et nous avons souhaité proposer une aide supplémentaire grâce à une application médicale, ce type d’outil étant bien adapté aux jeunes consommateurs.

Nous avons déjà créé une application médicale qui a pour objectif d’aider les consommateurs réguliers excessifs à diminuer leur consommation (App MyDéfi). Le programme de soins de MyDéfi, dans sa forme actuelle, n’est pas spécifique de la problématique du binge-drinking.

Afin de pouvoir développer et évaluer un programme binge-drinking, nous avons participé à un concours organisé par l’Institut de Recherche en Santé Publique (IReSP).

Notre projet a été sélectionné, ce qui démontre son intérêt. Cela va nous permettre, non seulement de créer un programme spécifique, mais encore de le tester dans la « vraie vie » sur un échantillon d’étudiants. 

Ce projet collaboratif très ambitieux est porté par plusieurs partenaires : une équipe INSERM de l’Université de Picardie Jules Verne, l’équipe d’Addictologie clinique du CHU de Nîmes, une équipe de recherche en Neuropsychologie de l’Université Paul Valéry Montpellier 3 et des développeurs.

Actuellement, il n’existe pas d’application médicale fonctionnelle dans cette indication et c’est pourquoi, voir ce projet sélectionné par l’IReSP nous semble être une nouvelle très importante. Cela va nous permettre d’atteindre les objectifs fixés durant la période d’étude de 2ans. Nous communiquerons au fur et à mesure les avancées de ce projet novateur qui pourrait à terme amener un nouvel outil d’aide pour de nombreux consommateurs. 

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ABSTINENCE ET RECHUTE : LES DÉFINITIONS SONT-ELLES SI ÉVIDENTES ?

Chez certains malades ayant un trouble de l’usage sévère, ou une dépendance (selon le type de questionnaire utilisé), le contrôle de la consommation n’est pas possible au long cours. Dans ce cas, l’option de soin à choisir est l’abstinence.

Ce concept paraît très simple : il faut être à zéro alcool. Il y a une maxime des alcooliques anonymes qui permet aux patients de bien comprendre cette idée : « 1 verre, c’est trop et 1000, ce n’est pas assez ». Et il est vrai que les rechutes commencent par un premier verre. Donc, pour les patients qui visent l’abstinence, l’idéal est de ne pas consommer du tout. Plus le temps passe et moins il y a d’envie, moins il y a la « réflexe » de boire en réponse à une émotion particulière. De plus, le temps permet aussi de perdre le « goût » de l’alcool et de le remplacer par une sorte d’écœurement. Très souvent, l’odeur même de l’alcool devient très désagréable. Donc, pour tous ceux qui réussissent à ne pas boire : BRAVO, NE CHANGEZ RIEN ! 

L’inconvénient de ce concept du zéro absolu, c’est que la reprise d’un seul verre semble signer l’échec pour les patients. Cela se traduit par du découragement et parfois l’idée qu’ils n’y arriveront jamais. Avant de poursuivre, il est essentiel d’insister sur le fait que ce texte n’a pas pour objectif de promouvoir des consommations épisodiques chez des malades qui souhaitent être abstinent, mais de leur permettre de comprendre au mieux ces épisodes.   

Voyons donc quelles informations, tirées des dernières connaissances scientifiques, peuvent être utiles aux patients qui veulent être abstinent et qui ont fait un écart. Chez ces patients dépendant à l’alcool, le concept de la rechute est essentiel à discuter, car celle-ci est malheureusement fréquente. Par exemple, après une première tentative d’arrêt d’alcool ou de tabac, les taux de rechute à 12 mois sont globalement supérieurs à 80 %. Cela explique la définition de la maladie alcoolique qui est décrite une « maladie chronique récidivante ». Il faut donc comprendre ce qu’est la rechute et comment la prévenir. Surtout il est essentiel que les patients sachent se remettre au combat en cas de rechute, car les chances de succès vont augmenter avec le temps.

DÉFINITION DE LA RECHUTE

Dans un premier temps, il faut savoir exactement de quoi on parle et pour cela définir le mot « rechute ». La réponse semble évidente, mais aussi bizarre que cela puisse paraître, il n’y a pas de définition claire et unique de la rechute. Spontanément, on se dit que la rechute est tout simplement définie par un événement incontestable : la re-consommation.

Selon le dictionnaire Littré, la rechute correspond à « la réapparition d’une maladie pendant ou après la convalescence ». Il s’agit donc d’un retour vers une condition initiale indésirable. De nombreux addictologues considèrent aussi que la rechute correspond plus à un processus dynamique qu’à une simple reprise d’un verre. Cela confirme que le trouble de l’usage de l’alcool a une évolution variable caractérisée par des périodes de rémission et de rechute. 

Deux remarques :

         Évoquer la rechute comme s’incluant dans le processus évolutif qui va vers la guérison permet de la dédramatiser (combien de malades expliquent que c’était leur « dernière » chance !). Bien sûr, re-consommer n’est pas conseillé et donne du stress aux patients. Mais cela en signe pas la fin définitive de tout espoir. 

De plus, pour de nombreux patients il faut expérimenter plusieurs rechutes avant d’atteindre à leur objectif. Dire que la maladie alcoolique est une maladie récidivante ne signifie pas que les « rechutes » ne s’arrêtent pas un jour.

Quelles sont les données les plus récentes de la littérature scientifique ? Des auteurs ont cherché quelles étaient les différentes définitions de la rechute (à l’alcool) dans les études publiées récemment.  À partir de 139 études sélectionnées car étant de bonne qualité, voilà les résultats qu’ils nous proposent : 

  • Dans une cinquantaine d’étude (38 % des études exactement), la rechute était définie par l’existence d’une re-consommation, quelle qu’elle soit (donc à partie de 1 verre). 
  • Pour les autres équipes d’addictologues qui ont fait des études dans ce champ, la définition de la rechute était différente. Il y avait rechute chez les patients qui avaient consommé (cela ressemble à un poème de Prévert) :  
  • Au moins 2 verres
  • Au moins 4 verres
  • Au moins 6 verres en 1 seule occasion
  • Au moins 3 jours de suite
  • Au moins 7 jours de suite
  • Au moins 5 verres dans la journée ou au moins 5 jours dans 1 semaine
  • Au moins 4 verres chez une femme / 6 chez un homme
  • De façon identique à leur consommation initiale 
  • Comme auparavant et avaient eu des complications physiques ou psychologiques

Cela démontre qu’il existe des définitions très différentes bien sûr, mais aussi que l’interprétation de la rechute n’est probablement pas aussi simple que nous l’aurions pensé de première intention.  

Il est peut-être possible d’harmoniser ces réponses qui sont si différentes en introduisant une nouvelle donnée. 

NOTION DE « RELAPSE » ET DE « LAPSE »

Certains auteurs anglo-saxons distinguent deux façons de re-consommer de l’alcool. Ils parlent de « relapse » et de « lapse ». « Relapse » correspond à la réapparition d’une utilisation problématique de l’alcool, après une période d’amélioration : c’est notre notion classique de rechute. « Lapse » est typiquement définie comme une prise unique, ou une re-consommation très discrète : cela correspond à ce que nous nommons parfois « simple dérapage », « glissade » ou « coup de canif dans le contrat ».

Certains auteurs sont parfois allés plus loin dans la précision. Voici une illustration qui n’a valeur que d’exemple. Ces auteurs testaient un médicament qui était susceptible d’augmenter le nombre de jours d’abstinence sur une période donnée. Pour eux, l’abstinence correspondait à une consommation nulle (0 alcool) ; la rechute (relapse) était définie par une reprise d’alcool de plus de 4 verres par jour ou de plus de 14 verres dans la semaine ; le dérapage (lapse) était défini par toute consommation qui se situait entre les deux.

QUEL EST L’INTÉRÊT D’ERGOTER SUR LES DÉFINITIONS ?

Cette discussion est très importante, car l’expérience montre qu’un petit dérapage, ça peut arriver et ça peut se récupérer. Il est indispensable que les patients abstinents qui ont fait un écart ne le considère pas comme un échec irréversible, un retour au point de départ. 

Bien sûr, ce n’est pas souhaitable. Toutefois, si cela survient, l’urgence est de contacter son médecin, ou tout autre aide possible le plus vite pour immédiatement revenir à une consommation nulle. C’est beaucoup plus facile après avoir bu quelques verres qu’après une retour importante sur plusieurs semaines. 

De plus, après un petit dérapage, c’est souvent facile de revenir à l’abstinence. C’était un message très important à délivrer.

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AGE ET ALCOOL, QUAND Y’A UN OS…

Est ce qu’il faut faire plus attention à sa consommation d’alcool quand on vieillit, et pourquoi ?

Il est bien démontré que la consommation excessive d’alcool est responsable de nombreux effets secondaires, en particulier de la survenue ou de l’aggravation d’au moins 60 maladies. Toutefois, tout le monde n’est pas touché de la même façon car il existe une grande variabilité individuelle quant à la sensibilité à ce produit. Parmi les facteurs de fragilité, nous avons déjà évoqué le sur-risque féminin.

Qu’en est-il du facteur âge ? Faut-il faire plus attention à sa consommation d’alcool quand on vieillit, et pourquoi ?

Pour commencer, il faut insister sur le fait qu’il existe dans les pays occidentaux une augmentation de consommation d’alcool chez les personnes les plus âgées, en particulier en ce qui concerne le binge drinking. Cette augmentation est visible dans la tranche d’âge 50-64 ans, mais aussi chez les 65 ans et plus. Ces observations sont confirmées par le fait que le nombre de personnes abstinentes après 50 ans diminue au fil du temps.

Ces données sont inquiétantes dans la mesure où une consommation excessive d’alcool est un contributeur majeur de mortalité, chez les sujets les plus âgés tout particulièrement. Toutefois, la mortalité ne représente qu’une partie de la problématique.  En effet, en cas de maladie grave (et c’est incontestablement le cas de l’alcool), il est important de considérer les années de vie « perdues » hors décès, c’est-à-dire les années pendant lesquelles la maladie ou un handicap altèrent très profondément la qualité de vie.

Il existe un critère mesurant cela, qui correspond au nombre cumulé d’années perdues en raison d’une mauvaise santé, d’un handicap ou d’une mort précoce : l’acronyme anglais est le « DALY ». 

L’alcool, et cela n’étonnera personne, est une cause majeure d’années de vie perdues selon la définition donnée précédemment, et les seniors ne sont pas épargnés : sur-risque de complications médicales graves, de fatigue chronique, de traumatismes et d’handicaps. L’âge avancé est un facteur de risque d’effets toxiques de l’alcool. 

POURQUOI SOMMES-NOUS PLUS SENSIBLES A L’ALCOOL EN VIEILLISSANT ? 

Tout d’abord, parce que l’alcool est métabolisé (c’est-à-dire dégradé) plus lentement à mesure que l’on vieillit. On considère par exemple, que le foie, qui est le principal organe du métabolisme de l’alcool, commence à vieillir significativement dès l’âge de 45 – 50 ans.   

De plus, le corps qui vieillit contient moins d’eau, ce qui modifie la diffusion de l’alcool dans les organes et les tissus. Comme l’alcool se disperse moins dans l’organisme, cela se traduit par des ALCOOLÉMIES PLUS ÉLEVÉES pour des consommations équivalentes. Cela veut dire que pour une même quantité d’alcool consommée, la concentration d’alcool dans le sang va être plus élevée et est donc plus toxique.

Donc, à partir d’un certain âge (impossible de déterminer une limite nette, mais très probablement dès la quatrième décennie), pour une même consommation d’alcool, il y a plus d’alcool circulant dans le corps et pendant plus longtemps.

Comme si cela ne suffisait pas, les médicaments sont contre-indiqués avec la consommation d’alcool alors même que les traitements médicamenteux sont plus fréquemment prescrits aux âges avancés. 

Tous ces facteurs augmentent bien sûr le risque de complications chez les sujets d’âge mûr. 

Parmi tous les effets négatifs possibles, nous parlerons aujourd’hui des complications osseuses.

Lorsque l’on vieillit, la résistance de notre squelette diminue lentement en raison de la survenue d’une ostéoporose. Il s’agit d’une maladie diffuse du squelette qui correspond à une diminution de la densité osseuse et à des altérations de la microarchitecture de nos os. Les os deviennent plus fragiles et se cassent plus facilement. Bien sûr, les os qui supportent le plus de charge et de contraintes sont les plus à risque : notamment le col du fémur. 

Essayez de deviner quel facteur de risque majeur d’ostéoporose justifierait d’être systématiquement dépisté et pour lequel il faudrait probablement intensifier la prévention ?

C’est bien sûr la consommation excessive d’alcool. L’alcool est un facteur aggravant formellement démontré et serait la cause de 20 à 30 % des ostéoporoses masculines. La ménopause favorise l’ostéoporose et les femmes doivent donc être encore plus vigilantes à leur consommation d’alcool après la ménopause. 

Par ailleurs, La consommation d’alcool favorise les troubles de l’équilibre et les chutes chez les seniors. Donc, nous voyons que l’alcool est moins bien épuré avec l’âge et qu’il persiste plus longtemps dans le corps. Il favorise la fragilité osseuse et les chutes. 

Pour l’ensemble de ces raisons, le risque de fracture est beaucoup plus élevé chez ses seniors qui consomment. 

Malheureusement, la chaine des complications ne s’arrête pas là. 

En effet, la consolidation d’une fracture dépend de la vitalité osseuse et la microcirculation sanguine. Or cette dernière est altérée par l’alcool et la consommation de tabac. Il faut aussi, si une chirurgie a été nécessaire, que les tissus mous autour de l’intervention puissent cicatriser rapidement et que la cicatrice ne s’infecte pas. 

Or, là encore, il est démontré de façon incontestable que la consommation d’alcool ralenti les cicatrisations et augmente les risques infectieux locaux (autour de la cicatrice) ou généraux (par exemple une septicémie ou une pneumonie).

Enfin, la consommation chronique d’alcool augmente après chirurgie la durée de séjour en Unité de Soin Intensif et donc tous les risques liés à ce type d’hospitalisation très « lourde ».

CONCLUSION

Donc, pour conclure, l’alcool est un facteur de risque de fragilité osseuse, de chute et de fracture. Ceci est surtout vrai chez les seniors. De plus, en cas de fracture, les capacités de guérison sont diminuées avec des risques importants de complications pendant le traitement et de séquelles plus fréquentes. Comme toujours avec l’alcool, a plupart de ces risques sont augmentés par le tabagisme.

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FRENCH PARADOX : L’ALCOOL EST-IL VRAIMENT UN PROTECTEUR VASCULAIRE ?

Quel était ce nouveau « paradoxe français » pointé du doigt par des scientifiques Anglo-Saxons ? En effet, il a quelques décennies est apparu un nouveau concept, nommé le « French Paradox ». 

Certains chercheurs se sont aperçus que les français avaient un taux de mortalité cardio-vasculaires moins important que les américains, alors qu’ils n’avaient pas moins de risques vasculaires. Ils n’étaient pas plus sportifs, ils n’étaient pas moins hypertendus, ils n’avaient pas moins de diabète, ni de surpoids. Même nos taux de cholestérol (en imaginant qu’il s’agisse d’un marqueur intéressant de risque vasculaire) n’étaient pas plus élevés.

Comment, dans ces conditions, expliquer que les français mourraient moins de complications cardio-vasculaires ?

L’idée qui s’est initialement imposée était que notre consommation de vin avait un effet de protection vasculaire qui expliquait notre bonne santé cardio-vasculaire. Il y a eu alors de nombreuses études pour tenter de savoir si c’était l’alcool lui-même ou le vin de façon spécifique qui permettait d’expliquer ce bon résultat. Les viticulteurs californiens se sont pris à rêver : ils voulaient que figure sur les bouteilles une mention de l’effet protecteur vasculaire du vin. Le produit de leur vigne serait quasiment devenu un médicament naturel. 

Dans un second temps, cet enthousiasme a été tempéré. 

La protection vasculaire a été rapportée au régime dit crétois : c’est-à-dire riche en huile d’olive, avec une consommation importante de poisson, et de fruits et légumes. Qu’est devenu l’effet bénéfique du vin dans tout ça ?

Il persiste dans de nombreux travaux, même si ces résultats restent contestés. Récemment, une étude à l’échelle mondiale a amené des résultats confirmant qu’une consommation modeste d’alcool par jour (aux alentours de 1 à 2 verres) avait un effet positif sur la mortalité cardiaque. Ces résultats ne tiennent pas compte du type d’alcool consommé et l’effet noté se semble pas uniquement associé au vin. 

Il faut donc insister sur le fait que cet effet « bénéfique », s’il existe, ne survient que pour des consommations très modestes. Au-dessus d’une quantité très faible, l’alcool est un produit qui non seulement n’est pas un protecteur vasculaire, mais au contraire un produit qui favorise la survenue de maladies vasculairesEt cette partie du message passe souvent inaperçue.

Voici quelques données complémentaires permettant de mieux comprendre cet effet:

Les atteintes coronaires

Les artères coronaires sont les artères qui permettent d’irriguer le muscle cardiaque. Quand elles se bouchent, même partiellement, il y a moins de sang et donc d’oxygène qui arrive au cœur. Ce défaut d’oxygène peut est responsable de douleurs cardiaques lorsque l’on fait des efforts. A un stade supplémentaire, il peut survenir une nécrose d’une portion du muscle cardiaque : c’est l’infarctus du myocarde. Devant ces maladies, on pense d’emblée à l’effet toxique du tabac. Mais en fait, l’alcool est un facteur de risque majeur, auquel on ne pense pas forcément.

Les accidents vasculaires cérébraux (AVC)

Là encore, la survenue d’un AVC est volontiers associée à une consommation de tabac, ce qui n’est bien sûr n’est jamais faux, mais qui pourrait être incomplet. Regardons ce que nous dit la littérature scientifique. 

Il est clairement démontré que la consommation d’alcool augmente à la fois le risque de saignement vasculaire dans le cerveau (AVC dit « hémorragique ») mais aussi de thrombose vasculaire (vaisseau bouché = thrombose vasculaire = AVC « ischémique »). Les risques augmentent pour ces deux problèmes à partir de consommations de respectivement 1 verre/jour pour le premier type et de 4 verres/jour pour le second. 

Des résultats provenant de 26 études qui ont évalué les facteurs de risques potentiels d’AVC permettent d’aller plus loin. Dans la plupart de ces études, il y avait 2 facteurs de risques qui étaient mis en lumière : une infection juste avant l’épisode et une consommation excessive d’alcool

Les limites des consommations d’alcool à risque étaient la suivante :

  • Plus de 4 verres dans les dernières 24 h précédent l’accident vasculaire
  • Plus de 15 verres dans la semaine précédent l’épisode vasculaire 

Devant ces résultats, la société américaine s’occupant de ces accidents vasculaires cérébraux a proposé aux personnes qui ont déjà fait un épisode de pas boire plus de 2 verres / jour chez l’homme et pas plus d’1 verre / jour chez la femme pour ne pas rechuter. 

Les troubles de l’érection chez les hommes 

L’érection est un mécanisme vasculaire et donc, elle est aussi perturbée par une consommation excessive d’alcool. Les mécanismes et les recommandations sont donc les mêmes que pour les maladies cardio- et neuro-vasculaire.

Hypertension artérielle

La consommation excessive d’alcool augmente les 2 chiffres de la tension artérielle, celui du haut (la tension artérielle systolique) et celui du bas (tension artérielle diastolique) : par exemple 135/85, que l’on exprime d’ailleurs volontiers par 13/8,5. 

Il s’agit d’une complication particulièrement importante, car l’HTA est l’une des premières causes de mortalité dans les pays développés. Chaque augmentation du chiffre de la tension artérielle (du haut ou du bas) augmente le risque de maladie lié à cette HTA (incluant malheureusement le risque de décès). 

Comme pour les autres effets vasculaires, l’effet toxique de l’alcool est dose-dépendant : plus consommation d’alcool augmente et plus les chiffres tensionnels augmentent et donc plus les risques de complications augmentent.

Il faut insister sur le fait que l’ensemble de ces effets est réversible avec l’arrêt de l’alcool. En d’autres termes, c’est toujours rentable d’agir !

Chez les jeunes

Les atteintes vasculaires touchent plutôt les sujets d’âge moyen ou les séniors. Toutefois, l’augmentation du binge drinking (qui est une consommation importante d’alcool dans un temps court) va amener la survenue de nouveaux risques chez les sujets jeunes. Ainsi, cela peut provoquer l’apparition de calcifications des artères coronaires des sujets jeunes, ce qui est un marqueur d’atteinte vasculaire chronique. De plus, ces consommations peuvent provoquer la survenue d’AVC chez des sujets jeunes, ce qui est normalement très inhabituel. D’ailleurs, chez les moins de 40 ans, 1 accident ischémique sur 5 est lié à l’alcool, ce qui est loin d’être négligeable.

POUR RÉSUMER

Une consommation d’alcool très modérée d’alcool pourrait avoir un effet bénéfique sur le risque de maladies vasculaires (c’est le french paradox). Toutefois, cet effet n’est observé que pour des consommations très basses et cela ne permet pas de conclure que l’alcool est un « protecteur vasculaire ». 

En effet, dès que les consommations augmentent, elles se traduisent par une AUGMENTATION du risque de maladies cardiovasculaires, neurovasculaires, d’HTA et de troubles de l’érection.

Ces risques sont dose-dépendant et diminuent, voire peuvent disparaître en cas d’arrêt d’alcool. Cette réversibilité doit être un encouragement à changer rapidement de comportement chez ceux qui consomment trop. 

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Vous reprendrez bien un petit sucre ?

La maladie alcoolique est classiquement décrite comme une maladie chronique, récidivante dont le traitement est l’abstinence. Or, après le sevrage alcoolique, certains patients rapportent une attraction pour des aliments au goût très sucré. Ils en sont d’autant plus étonnés qu’ils n’avaient pas de telles envies pour les produits sucrés auparavant. Par exemple, un homme de 45 ans déclarait 2 mois après avoir stoppé l’alcool, qu’il avait toujours un paquet de bonbons dans sa voiture, alors qu’il n’en mangeait pas auparavant.

Plusieurs études ont montré que l’ingestion de produits très sucrés provoquait des réactions neurochimiques dans le cerveau tout à fait comparable à ce qui est observé après la consommation d’une drogue. D’autre part, lors d’expériences menées chez le rat, il est apparu que le sucre générait chez ces rongeurs un besoin plus puissant que la cocaïne. Il n’est donc pas incohérent de penser qu’il pourrait exister un lien entre ces deux types de produits, qui tous les deux empruntent le circuit de la récompense dans le cerveau.

D’ailleurs, les personnes ayant une dépendance à l’alcool ou à une autre drogue ont plus d’attrait pour les produits très sucrés que les personnes non dépendantes.

À l’inverse, il semble aussi que les personnes qui ont des consommations importantes de sucre et de produits sucrés sont plus à risque de souffrir d’un mésusage de substances psychoactives (c’est-à-dire l’alcool, le tabac ou toute autre drogue illégale). 

Notez bien qu’il s’agit d’études sur de nombreux patients et que cela n’est pas vrai pour tout le monde. Il s’agit toutefois, c’est une information intéressante à connaître.

Après le sevrage, il pourrait y avoir donc un transfert de « dépendance » entre l’alcool et l’alimentation, en particulier les aliments sucrés. Ceci expliquerait la survenue de certains troubles du comportement alimentaire chez certains personnes. Lors du sevrage d’un produit, des épisodes de pertes de contrôle alimentaire peuvent survenir, parfois sous la forme de « binge-eating » (voir l’article binge-drinking). Pour d’autres, la nourriture peut être utilisée comme « substitution » ou pour réguler l’humeur, les émotions ou le stress.

Donc un transfert de l’alcool vers la nourriture semble possible, mais la fréquence de ce phénomène reste mal connue. Des médecins allemands ont montré que chez les patients qui avaient stoppé ou diminué leur consommation d’alcool, près de 80 % augmentaient  leur consommation de tabac, de café, de chocolat ou de produits sucrés. Cela ne nous informe pas spécifiquement sur la consommation de produits sucrés car leurs prises sont évaluées sans faire la diffférencier de plusieurs autres substances, dont le café. 

Une autre étude amène plus d’éléments de réponse. Cette étude a été effectuée chez des malades hospitalisés 6 semaines pour faire un sevrage alcool et une « post-cure » afin de consolider ce sevrage. Ces patients avaient un accès libre aux produits sucrés grâce aux provisions que leur famille leur amenait et à la possibilité d’acheter au point presse de l’hôpital divers gourmandises. Divers paramètres concernant une appétence pour les produits sucrés ont été mesurés à plusieurs reprises et les résultats sont particulièrement intéressants.

1°) Il apparaît que le craving pour l’alcool diminue tout au long de l’hospitalisation. A l’opposé, le craving pour les produits sucrés (gateaux, barres chocolatées, sodas, etc…) augmente pendant la même période. 

« Le craving est un terme importé des États-Unis, venant du verbe « to crave » qui signifie « avoir terriblement besoin », « avoir très envie », « être avide de ». Le craving convoque donc le désir, la pulsion, le besoin, l’envie, toujours doublé d’un caractère irrépressible et irrésistible. »

https://www.maad-digital.fr/en-bref/le-craving-symptome-de-laddiction

2°) Les deux courbes se croisent comme s’il y avait un transfert d’envie de l’alcool vers le sucre. Nous ne parlons pas de dépendance car l’existence d’une dépendance au sucre chez l’homme reste contestée (même si on vraiment l’impression que certaines personnes en souffrent. 

3°) Par ailleurs, chez les malades qui ont une augmentation de leurs envies de sucre, il y a une constitution de réserve de produits sucrés dans les chambres que l’on ne trouve pas chez les patients qui n’ont pas d’augmentation d’envie.

4°) Enfin, ce sont ces malades qui ont des envies de sucre et qui font des réserves qui prennent du poids à l’issue de l’hospitalisation ; les autres patients ayant un poids stable voire une perte pondérale.  

Est-ce que cette nouvelle appétence au sucre survient de façon rare après un sevrage alcoolique ? 

Non, elle a été observée chez 40 % des patients. Il s’agit donc d’un effet secondaire qui est très fréquent. 

Ainsi, les patients qui font des sevrages alcool doivent savoir qu’il s’agit d’un effet possible. Ils peuvent ressentir le besoin de manger divers produits très riches en sucre. Il y a alors le risque de se constituer un petit garde-manger dans lequel il sera facile de piocher à toute heure de la journée. C’est dans ces cas particuliers, mais pas si rares, qu’il peut y avoir une prise de poids après arrêt de l’alcool.  

Il faut préciser que dans la grande majorité des cas, il s’agit d’un transfert d’envie qui est transitoire et que donc, les patients ne sont pas condamnés à augmenter leur consommation de produits sucrés au long cours. Généralement, ces envies s’effondrent après quelque mois.

Les résultats de cette étude sont-ils surprenants ? Non, pour deux principales raisons.

  • Tout d’abord, il a été possible d’obtenir des résultats comparables chez des rats. Ceci confirme bien que le transfert de craving d’un produit psycho-actif (ici l’alcool) vers le sucre en général est une réalité et non une bizarrerie liée à des patients très atypiques
  • Deuxièmement, ce transfert de craving est bien connu chez les personnes qui arrêtent de fumer et qui souvent compensent l’absence de tabac par bonbons et gâteaux.

Pour conclure.

Si vous consommez trop d’alcool et que vous arrêtez de boire, vous pouvez ressenti des envies très fortes de produits sucrés. C’est très fréquent et généralement transitoire. Donc, soyez rassurés. Mais restez quand même vigilant afin de ne pas prendre de mauvaises habitudes qui pourraient, au long cours, nuire à votre santé.

Repérer les envies de sucré permet aussi d’essayer d’autres « procédés auto-calmants » (prendre le temps d’aller faire un tour, respirer lentement et profondément, parler à un ami , faire quelque chose d’agréable). L’envie de sucré peut être en quelque sorte un « signal » du besoin de réconfort, d’apaisement ou même du besoin de se défouler. Et si, il y a consommation de sucré, le faire en conscience, lentement donnera plus rapidement lieu à une satisfaction. 

Le sucre, c’est sympa, mais en quantité contrôlée.  

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MIEUX CONNAITRE LE BINGE DRINKING ET COMMENT S’EN PROTÉGER

Il n’y a pas si longtemps, on évoquait en France les consommations de type « anglo-saxonne » ou d’Europe du nord. Il s’agissait de personnes qui ne consommaient que peu, voire pas d’alcool en semaine, mais qui le week-end venu, buvaient de très grosses quantités. 

Lorsque l’on voyageait, en Amérique du nord ou en Angleterre, on avait la surprise (à l’époque c’était surprenant pour un français) de voir des jeunes gens ivres, tituber en hurlant dans les rues, alors que leur comportement était très policé le reste de la semaine. Dans certains pays du nord, des tournées de bus et cars étaient régulièrement organisées pour permettre à ces jeunes gens de rentrer chez eux sans prendre leur véhicule.

Ce mode de consommation s’est depuis développé en France, et il est souvent désigné sous le terme de « binge drinking ». Ce terme décrit des consommations excessives, « explosives », survenant dans une durée de temps limitée.

DÉFINITION

Comme souvent en alcoologie, il est très difficile de se reposer sur des normes quantitatives bien définies et faisant l’unanimité. Des limites différentes sont proposées par des groupes de recherche et des sociétés savantes. La Société Française d’Alcoologie a choisi d’adopter des limites qui sont aussi celles de l’Institut Américain sur l’Abus d’Alcool et l’Alcoolisme ce qui donne une grande légitimité à cette définition.

La limite proposée est donc la suivante : le binge drinking est défini chez l’homme et la femme par des consommation supérieures ou égales à respectivement 7 verres et 6 verres d’alcool, et cela pendant un intervalle de moins de 2 heures. 

Pour information, on définit aussi des épisodes de binge drinking à « haute intensité » ou « extrêmes » qui correspondent à des doses 2 à 3 fois importantes que celles citées plus haut, pendant le même intervalle de temps. Il s’agit de véritables « bitures express » ayant généralement cours chez les adolescents et parfois sous forme de concours. Il existe d’ailleurs de nouvelles applications de défi de consommation excessive, ce qui est une incitation particulièrement toxique.

POURQUOI IL EST IMPORTANT DE PARLER DE CE TYPE DE CONSOMMATION ?

C’est important d’en parler en particulier à cause de la durée de temps très courte qui caractérise ce type de consommation. Cela signifie que les consommateurs ont des taux d’alcool circulants qui peuvent être très élevés avec un risque de toxicité particulièrement important.

Cette toxicité peut se manifester par des complications à court terme. On pense naturellement aux risques d’accident de la voie publique qui sont une grande cause de mortalité chez les adultes jeunes. Il existe aussi des risques d’agression et les consommateurs se mettent dans un état de vulnérabilité favorisant des relations sexuelles non-consenties, voire des violences sexuelles. De plus, ces consommations survenant volontiers chez les jeunes, les épisodes de binge drinking peuvent favoriser de moins bons résultats scolaires et universitaires.

Il faut aussi citer d’autres risques, moins connus mais tout aussi préoccupants. Parmi ceux-ci, il y a des risques cardio-vasculaires. En effet, les épisodes d’alcoolisation massive peuvent provoquer des troubles du rythme cardiaque voire même un arrêt cardiaque. Ces morts subites liées à l’alcool restent peu connues mais vont survenir d’autant plus volontiers chez des personnes ne consommant pas régulièrement et donc n’ayant pas développé de tolérance à l’alcool. D’autres organes peuvent être touchés, tel que le foie. Par exemple, l’hépatite alcoolique aiguë survient principalement chez des personnes qui associent des consommations massives et un déficit alimentaire.

Le cerveau est aussi un organe très sensible au binge drinking, avec des risques de toxicité cérébrale et à terme de troubles des fonctions supérieures : mémoire, concentration, apprentissage. L’existence des trous noirs le lendemain de consommations excessives est un bon signe de consommation excessive potentiellement toxique pour le cerveau et doit alerter le consommateur. Il ne s’agit que de quelques exemples permettant d’illustrer les risques possibles du binge drinking, sans volonté d’être exhaustif. 

Enfin, il faut signaler que les épisodes répétés de binge drinking augmentent le risque de développer à distance une dépendance à l’alcool.

QUE PEUT-ON PROPOSER EN PRATIQUE ?

Bine entendu, l’idéal c’est de boire des quantités d’alcool modérées, voire pour les patients dépendants de rester abstinent. Toutefois, il peut survenir des occasions, où le contexte et l’ambiance peuvent inciter à consommer de façon importante.

1°) Dans ces situations, il faut se souvenir, qu’à consommation équivalente, la toxicité est moindre si on l’étale dans le temps. On laisse le temps à l’organisme de métaboliser une partie de ce que l’on boit et cela permet d’avoir des taux d’alcool circulant dans le corps moins important. Pour mémoire, il faut au moins 1 heure pour éliminer un verre d’alcool. 

2°) Deuxième conseil : il faut s’alimenter. Manger des aliments gras ou sucrés permet de diminuer l’absorption de l’alcool. Il y aura donc moins d’alcool circulant dans le sang et donc moins de toxicité potentielle.

Il ne faut pas oublier que l’alcool est un produit très calorique. Un épisode de binge drinking amène rapidement plus de 500 Kcal. Donc une consommation excessive dans un intervalle de temps court va correspondre à l’apport calorique d’un repas ce qui est un repas moyen de beaucoup de gens. L’alcool peut donc couper la faim, ce qui risque donc d’augmenter sa toxicité.

3°) Attention à l’association d’alcool aux boissons pétillantes : ces dernières favorisent l’absorption de l’alcool. Donc attention aux mélanges alcool-soda et des vins pétillants à jeûn.

4°) Ne pas croire que sous prétexte que l’on ne boira pas le lendemain et le surlendemain, cela va nettoyer ce qui s’est passé et que du coup, le bilan toxique sera nul. Quand on a des consommations importantes en un délai court, cela se traduit par un risque de toxicité important. Bien sûr, cela reste toujours intéressant d’avoir des jours sans alcool, mais si le mal est fait, cela ne l’effacera pas. 

5°) Enfin, est-il encore nécessaire de dire que l’alcool n’est pas une bonne boisson hydratante, et qu’il faut donc toujours intercaler des verres d’eau entre des boissons alcoolisées. C’est important pour s’hydrater et c’est un bon moyen de limiter son envie de boire.

Voilà quelques conseils simples qui peuvent aider à passer sans dommage la plus risquée des soirées.