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Janvier Sobre, Dry January : est-ce mauvais signe si on n’a pas su en profiter ou si c’était difficile ? Comment faire ?

Commencer chaque année par un mois de janvier sobre (ou dry January) est une habitude intéressante, car cela s’accompagne de messages qui alertent la population sur les risques liés à l’alcool. Ce janvier sobre donne aussi envie à beaucoup de personnes de commencer une démarche de réduction de consommation, parfois même d’arrêt. Toutefois, ce janvier sobre peut aussi générer du stress chez ceux qui consomment trop et qui ne sont pas parvenues à se lancer. La question que l’on peut se poser dans ces conditions est la suivante : est-ce mauvais signe si on n’a pas su profiter de janvier sobre ?

Le but de ce blog est de donner des éléments de réponses à cette question.

Pour cela, il faut s’interroger sur ce qui permet de commencer une démarche alcool.

Tout d’abord, il faut que ce soit le bon moment. 

Cette chronologie favorable est parfois indépendante du patient. Les freins possibles peuvent correspondre à des problèmes d’environnement familial ou social. 

Des périodes difficiles à gérer peuvent capter notre énergie, notre détermination. Par exemple, quelques jours de vacances pendant lesquels la tentation sera forte, ou une période de rush professionnel pendant laquelle il est vraiment difficile de baisser sa consommation. Pour d’autres encore, janvier peut être un mois pendant lequel tombent des anniversaires douloureux. En d’autres termes, il est tout à possible que le mois de janvier ne soit pas trop propice à une démarche alcool.

D’autre part, il faut parfois pour se lancer ressentir un « déclic ».

Ce fameux déclic est difficile à décrire et encore plus à le partager (malheureusement). De plus, il ne se commande pas et n’arrive pas sur mesure. Toutefois, pour les patients qui le ressentent cela signifie généralement que « c’est le bon moment » et la démarche va pouvoir s’enchainer assez naturellement. À contrario, on comprend aisément que se lancer quand on ne pense pas que c’est le bon moment peut être complexe et il est possible que les chances de réussite ne soient pas optimales.

Pour les patients qui sont accompagnés par un soignant, il est aussi nécessaire que cette rencontre soit empreinte de confiance mutuelle et de compréhension. Parfois, la relation n’est pas satisfaisante, sans que ni le patient ni soignant puisse être tenu responsable. Tout simplement, le ressenti, des mots prononcés troublent la relation et font douter le patient. D’autre part, les soignants adoptent des pratiques thérapeutiques qui peuvent ne pas convenir à un patient spécifique. Celui-ci sera plus à l’aise avec d’autres modalités de soin. Cela n’est pas grave s’il est possible de le repérer et d’en tirer des enseignements. 

Il a été démontré que les soignants obtiennent leurs meilleurs résultats avec des méthodes thérapeutiques avec lesquelles ils sont à l’aise. Globalement, celles dont ils ont l’habitude et qu’ils maitrisent correctement.

Il est évident que c’est la même chose pour les patients qui vont voir leurs efforts couronnés de succès si la technique de soin utilisée est celle qui leur convient le mieux. C’est pourquoi il est essentiel que les patients participent à l’élaboration de leur projet de soin afin de mieux y adhérer. D’ailleurs, il a été montré que les patients atteignent beaucoup plus les objectifs qu’ils se fixent eux-mêmes que ceux qui sont proposés par d’autres.

Beaucoup d’autres points pourraient être discutés pour expliquer pourquoi il peut être difficile de réussir son janvier sobre et pourquoi ne pas avoir avancé ne signe pas une défaite.

Malgré tout, il est très intéressant de réfléchir (sans stress ni culpabilité) au concept du janvier sobre et d’en tirer des enseignements, y compris pour ceux qui ne sont pas lancés. Le principal enseignement est probablement celui-ci : ça veut toujours le coup d’essayer

Premièrement, parce qu’en l’absence d’essai, il n’y a aucune chance de réussir. Ainsi que nous le rappelle cette citation : « Dans la vie, le seul combat qui est perdu d’avance, c’est celui que l’on ne mène pas ».

Deuxièmement, car se mettre en condition réelle de diminution ou d’arrêt d’alcool permet de mieux auto-diagnostiquer son problème et de mieux évaluer ses difficultés à avancer.  

Troisièmement, parce qu’il est normal de faire des erreurs pour progresser et qu’il est rare d’y arriver du premier coup. Nous aimons répéter aux patients que les champions olympiques qui lancent le poids ou qui sautent en longueur et en hauteur ont droit à plusieurs essais. Pourquoi les patients n’y auraient pas droit aussi ? 

Quatrièmement, car il n’y a rien à perdre à se lancer. En effet, une tentative qui n’a pas abouti ne présage pas du résultat des tentatives futures.

En conclusion, si vous n’avez pas pris le train de janvier sobre : essayer de comprendre ce qu’il vous a manqué. Que faut-il pour que des conditions plus favorables soient réunies ? Les freins qui vous ont empêchés d’avancer sont-ils si puissants que ça ? Quand surviendra votre prochaine « fenêtre de lancement » ? En d’autres termes, quand réussirez-vous à rendre le contexte favorable à votre démarche ? 

Si vous ne trouvez pas de réponse satisfaisante : alors stoppez la réflexion et rentrez dans l’action. Préparez-vous pour un Mars sobre ou un Avril sobre, pourquoi pas ? Ne donnez pas trop la parole à votre intelligence qui trouve toujours d’excellentes excuses pour vous permettre de ne pas progresser. Tout cela est résumé dans la citation suivante qui s’adapte particulièrement bien aux problèmes d’addiction : « Notre esprit sait très bien où nous devons aller, mais notre intelligence fait tout pour nous en empêcher ».

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UNE INFORMATION MUSCLÉE, ou l’impact de la consommation excessive d’alcool sur les muscles et les bénéfices de la sobriété.

Cet article du blog a pour objectif de donner des informations sur une complication de la consommation chronique d’alcool qui a la particularité d’être l’une des plus fréquente et pourtant la moins souvent diagnostiquée. 

L’alcool est un produit largement toxique pour le corps, avec plus de 60 maladies provoquées ou aggravées. Ce nombre augmente d’ailleurs progressivement car de nouvelles pathologies secondaires à l’alcool sont suspectées de temps à autre (par exemple en cancérologie, nous en reparlerons un jour).

La toxicité osseuse de l’alcool est largement documentée, de même que sa toxicité vis-à-vis des nerfs périphériques, surtout les nerfs des membres inférieurs qui sont les plus longs du corps et donc les plus fragiles. Les muscles représentent, avec les os et les nerfs, la troisième composante majeure de notre système de locomotion. Notre système de locomotion est ce qui permet le mouvement. Alors, l’alcool a-t-il un effet sur les muscles ?

L’alcool a-t-il un impact négatif sur les muscles ?

La réponse est oui et le problème est particulièrement important. Les muscles squelettiques sont ceux qui sont utilisés pour tous nos mouvements. Or on considère que l’atteinte des muscles squelettiques est très fréquente chez les malades d’alcool. Cette « myopathie » touche en effet 40 à 60 % des consommateurs chroniques. Pour comparaison, c’est 5 fois plus fréquent que la cirrhose qui est une maladie dont tout le monde a entendu parler. La myopathie alcoolique est, de loin, la plus fréquente de toutes les myopathies connues.

Une autre donnée est impressionnante : des biopsies musculaires ont été faites chez des malades d’alcool sans diagnostic de myopathie : dans près de la moitié des cas, il existait des anomalies de la structure musculaire. Donc l’atteinte des muscles une maladie très fréquente à laquelle il faudrait penser beaucoup plus souvent.

QUELLES SONT LES SIGNES DE CETTE MYOPATHIE ?

La forme la moins fréquente est la myopathie aigüe qui survient après un épisode de consommation importante, de type binge drinking par exemple. Les symptômes associent une faiblesse, une sensibilité musculaire, voire des douleurs. Les muscles touchés sont les muscles dits « proximaux », c’est-à-dire ceux qui sont proches du tronc : fessiers, cuisses, épaules. Cette myopathie n’est généralement pas diagnostiquée, car le lien n’est pas fait entre la consommation excessive d’alcool et les douleurs musculaires. Les symptômes, faiblesse musculaire, sensibilité ou douleurs musculaires, disparaissent totalement après 1 à 2 semaines d’abstinence.

La forme chronique est beaucoup plus fréquente. Elle touche aussi les muscles proximaux et se traduit par une faiblesse musculaire pouvant durer des semaines voire des mois. Les douleurs sont rares de même que l’atrophie musculaire qui est difficile à observer. Le symptôme majeur est la diminution de la force musculaire : cela entraine une diminution de la capacité à faire des exercices physiques à la fois « isotonique » (mouvements importants) et « isométrique » (contraction musculaire avec un mouvement minimal). De plus, certains patients peuvent se plaindre de troubles objectifs de la mobilité. L’alcool a aussi pour effet de diminuer la vitesse de récupération musculaire après effort. Ces effets négatifs sont dose-dépendant, c’est-à-dire que plus il y a d’alcool, plus il y a d’atteinte musculaire. 

L’effet de l’alcool sur la myopathie alcoolique est cumulatif et donc cette pathologie myopathie surviendra d’autant plus que la consommation cumulée d’alcool aura été importante.

C’est pourquoi, il s’agit d’une maladie qui va plutôt se déclarer dans la tranche d’âge 40 – 60 ans, avec une répartition équivalente entre les femmes et les hommes. Globalement on peut retenir que plus il y a eu de consommation d’alcool sur la vie et moins la masse musculaire est de bonne qualité.

Il faut d’autant plus y penser qu’il existe d’autres complications de l’alcool, notamment une maladie alcoolique du foie. En cas d’atteinte du muscle cardiaque, pathologie nommée « cardiomyopathie », le risque d’avoir aussi une myopathie des muscles squelettique est supérieur à 80 %.

Quand il existe une myopathie chronique, des épisodes de forte consommation peuvent provoquer des poussées de myopathie aigüe. Ces épisodes se traduisent alors par des douleurs musculaires, une aggravation de la faiblesse musculaire et des urines foncées, qui traduisent l’élimination de résidus de fibres musculaires.  

CONNAIT-ON LES MECANISMES DE LA TOXICITE DE L’ALCOOL SUR LES MUSCLES ?

Tout d’abord, l’alcool consommé de façon chronique provoque une altération du statut nutritionnel (troubles nutritionnels, dénutrition), avec notamment un déficit protéique. Or, les protéines correspondent aux petites briques qui permettent de fabriquer la fibre musculaire. Donc, moins de protéines disponibles = moins de fabrication de muscle. 

Il faut aussi associer dans ce mauvais bilan nutritionnel, le déficit de certaines vitamines principalement des vitamines du groupe B et la vitamine D. 

Il y a par ailleurs une diminution dans les muscles de facteurs de croissance qui sont des produits qui stimulent la production de fibres musculaires.

Enfin, les muscles ont de plus en plus de difficultés pour consommer l’oxygène de façon optimale, l’oxygène étant un carburant essentiel de l’effort.

En permanence des cellules de notre corps meurent et sont remplacées par des nouvelles. Comme bien souvent avec l’alcool, sa consommation expose à une double peine. Nous venons de voir que la fabrication des nouvelles fibres musculaires était diminuée par plusieurs mécanismes. De plus, et c’est là la double peine, la destruction des fibres musculaires est accélérée chez les consommateurs excessifs d’alcool (liée à une inflammation chronique). 

Donc plus de destruction et moins de fabrication : cela aboutit à moins de volume et de force musculaire. 

Dans certains cas, il est possible d’observer des pertes musculaires importantes au niveau des cuisses, des fesses et des lombes, ce qui confirme bien l’atteinte des muscles qui sont proches du tronc.

EXISTE-T-IL UN TRAITEMENT PERMETTANT DE RECUPERER DE CETTE ATTEINTE MUSCULAIRE?

Actuellement, 3 mesures ont démontré leur efficacité.

La première est l’arrêt de l’alcool. C’est une bonne nouvelle, car cela signifie que les lésions qui peuvent être observées sur des biopsies musculaires sont potentiellement régressives. Une amélioration nette de la force musculaire est observée dans la première année suivant l’arrêt de l’alcool. La normalisation complète de la force musculaire est acquise après 5 ans d’abstinence. Pour ceux qui ne peuvent stopper l’alcool, une diminution importante permet aussi une amélioration, mais celle-ci sera moins complète et plus lente que chez les patients abstinents.

La deuxième mesure efficace est de veiller à avoir un apport nutritionnel équilibré apportant notamment suffisamment de protéines (les éléments constitutifs de base de la fibre musculaire) et une supplémentation vitaminique.

La troisième mesure est évidente : il faut faire des exercices physiques. Chez les patients ayant une myopathie alcoolique, comme chez les autres, l’exercice musculaire est ce qui permet la régénération et la prise de masse musculaire.  

En conclusion, la myopathie alcoolique est l’une des manifestations cliniques les plus fréquentes du trouble de l’usage de l’alcool. Elle est quasiment toujours méconnue alors qu’elle génère de nombreux effets négatifs. Cette myopathie est responsable d’une diminution de qualité de vie, mais elle reste réversible avec quelques mesures simples d’hygiène de vie. 

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L’ALCOOL APRÈS JANVIER SOBRE

Commencer chaque année par un mois de janvier sobre est une habitude intéressante, car cela s’accompagne de messages qui alertent la population sur les risques liés à l’alcool. Ce janvier sobre donne aussi envie à beaucoup de personnes de commencer une démarche de réduction de consommation, parfois même d’arrêt.

Toutefois, ce janvier sobre peut aussi générer du stress chez ceux qui consomment trop et qui ne sont pas parvenues à se lancer. La question que l’on peut se poser dans ces conditions est la suivante : est-ce mauvais signe si on n’a pas su profiter de janvier sobre ?

Le but de ce blog est de donner des éléments de réponses à cette question.

Pour cela, il faut s’interroger sur ce qui permet de commencer une démarche alcool.

Tout d’abord, il faut que ce soit le bon moment. 

Cette chronologie favorable est parfois indépendante du patient. Les freins possibles peuvent correspondre à des problèmes d’environnement familial ou social. 

Des périodes difficiles à gérer peuvent capter notre énergie, notre détermination. Par exemple, quelques jours de vacances pendant lesquels la tentation sera forte, ou une période de rush professionnel pendant laquelle il est vraiment difficile de baisser sa consommation. Pour d’autres encore, janvier peut être un mois pendant lequel tombent des anniversaires douloureux. En d’autres termes, il est tout à possible que le mois de janvier ne soit pas trop propice à une démarche alcool.

D’autre part, il faut parfois ressentir un « déclic » pour se lancer.

Ce fameux déclic est difficile à décrire et encore plus à le partager (malheureusement). De plus, il ne se commande pas et n’arrive pas sur mesure. Toutefois, pour les patients qui le ressentent cela signifie généralement que « c’est le bon moment » et la démarche va pouvoir s’enchainer assez naturellement. À contrario, on comprend aisément que se lancer quand on ne pense pas que c’est le bon moment peut être complexe et il est possible que les chances de réussite ne soient pas optimales.

Pour les patients qui sont accompagnés par un soignant, il est aussi nécessaire que cette rencontre soit empreinte de confiance mutuelle et de compréhension. Parfois, la relation n’est pas satisfaisante, sans que ni le patient ni soignant puisse être tenu responsable. Tout simplement, le ressenti, des mots prononcés troublent la relation et font douter le patient. D’autre part, les soignants adoptent des pratiques thérapeutiques qui peuvent ne pas convenir à un patient spécifique. Celui-ci sera plus à l’aise avec d’autres modalités de soin. Cela n’est pas grave s’il est possible de le repérer et d’en tirer des enseignements. 

Il a été démontré que les soignants obtiennent leurs meilleurs résultats avec des méthodes thérapeutiques avec lesquelles ils sont à l’aise. Globalement, celles dont ils ont l’habitude et qu’ils maitrisent correctement.

Il est évident que c’est la même chose pour les patients qui vont voir leurs efforts couronnés de succès si la technique de soin utilisée est celle qui leur convient le mieux. C’est pourquoi il est essentiel que les patients participent à l’élaboration de leur projet de soin afin de mieux y adhérer. D’ailleurs, il a été montré que les patients atteignent beaucoup plus les objectifs qu’ils se fixent eux-mêmes que ceux qui sont proposés par d’autres.

Beaucoup d’autres points pourraient être discutés pour expliquer pourquoi il peut être difficile de réussir son janvier sobre et pourquoi ne pas avoir avancé ne signe pas une défaite.

Malgré tout, il est très intéressant de réfléchir (sans stress ni culpabilité) au concept du janvier sobre et d’en tirer des enseignements, y compris pour ceux qui ne sont pas lancés. Le principal enseignement est probablement celui-ci : ça vaut toujours le coup d’essayer

Premièrement, parce qu’en l’absence d’essai, il n’y a aucune chance de réussir. Ainsi que nous le rappelle cette citation : « Dans la vie, le seul combat qui est perdu d’avance, c’est celui que l’on ne mène pas ».

Deuxièmement, car se mettre en condition réelle de diminution ou d’arrêt d’alcool permet de mieux auto-diagnostiquer son problème et de mieux évaluer ses difficultés à avancer.  

Troisièmement, parce qu’il est normal de faire des erreurs pour progresser et qu’il est rare d’y arriver du premier coup. Nous aimons répéter aux patients que les champions olympiques qui lancent le poids ou qui sautent en longueur et en hauteur ont droit à plusieurs essais. Pourquoi les patients n’y auraient pas droit aussi ? 

Quatrièmement, car il n’y a rien à perdre à se lancer. En effet, une tentative qui n’a pas abouti ne présage pas du résultat des tentatives futures.

En conclusion, si vous n’avez pas pris le train de janvier sobre : essayer de comprendre ce qu’il vous a manqué. Que faut-il pour que des conditions plus favorables soient réunies ? Les freins qui vous ont empêchés d’avancer sont-ils si puissants que ça ? Quand surviendra votre prochaine « fenêtre de lancement » ? En d’autres termes, quand réussirez-vous à rendre le contexte favorable à votre démarche ? 

Si vous ne trouvez pas de réponse satisfaisante : alors stoppez la réflexion et rentrez dans l’action. Préparez-vous pour un Mars sobre ou un Avril sobre, pourquoi pas ? Ne donnez pas trop la parole à votre intelligence qui trouve toujours d’excellentes excuses pour vous permettre de ne pas progresser. Tout cela est résumé dans la citation suivante qui s’adapte particulièrement bien aux problèmes d’addiction : « Notre esprit sait très bien où nous devons aller, mais notre intelligence fait tout pour nous en empêcher ».

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ALCOOL ET VIOLENCE : BEAUCOUP D’EFFORTS RESTENT À FAIRE

Les violences physiques infligées aux femmes vivant en couple représentent un problème de santé publique majeur puisque des prévalences se situant entre 25 et 45 % des femmes selon les pays. Ces chiffres alarmants ont justifié la recherche de facteurs de risques expliquant la survenue de ces violences.

Il y en a plusieurs, notamment :

  • Des antécédents familiaux qui font entrer les rapports violents dans un mode relationnel « normal » ou du moins habituel.
  • Les personnalités avec un égocentrisme excessif ce qui traduit souvent une mauvaise estime de soi ce qui rend plus facile la violence que l’argumentation. 
  • La personnalité « perverse narcissique » représente probablement la forme ultime de cet égocentrisme avec la disparition de toute reconnaissance à l’autre d’avoir de la valeur et le droit au respect.
  • Les personnalités immatures qui souffrent d’une faible estime de soi et d’une intolérance importante à la frustration.
  • Les personnalités impulsives.
  • Les sujets « rigides » qui ont une faible capacité d’adaptation.
  • Certaines addictions, notamment la consommation excessive d’alcool.  

Inutile de préciser qu’il ne s’agit là que de facteurs de risque et que, heureusement, la présence de ceux-ci ne s’accompagne pas obligatoirement d’un passage à l’acte violent.

Nous allons nous concentrer sur le facteur de risque alcool qui semble jouer un rôle majeur. Ainsi, lorsque l’on étudie les histoires de victimes de violence, il y a souvent des consommations excessives chez les partenaires violents, qui sont souvent des hommes dans la plupart des études. 

Une augmentation identique du risque d’être victime de violence est mise en évidence dans ces différents travaux après consommation d’alcool et/ou de drogues illicites. En d’autres termes,

la prise d’alcool ou de drogue chez les femmes les rend plus susceptibles de subir des violences physiques ou sexuelles. Ainsi, il a été montré que la majorité des viols observés chez les étudiantes américaines survenait chez des jeunes femmes ayant bu suffisamment d’alcool pour être dans une situation de grande vulnérabilité. 

En plus de l’augmentation du nombre de cas, la consommation excessive d’alcool est associée à plus de chronicité des actes de violence c’est-à-dire de répétition. La consommation excessive d’alcool favorise aussi les passages à l’acte plus violents se traduisant par des blessures plus sévères chez les victimes.

DES OBSERVATIONS CLINIQUES PERMETTENT D’ÉLARGIR CE PROPOS

Une jeune femme de 30 ans, qui ne boit que de façon très occasionnelle, mais avec des épisodes de perte de contrôle. Elle confie qu’elle se sent coupable car elle fait preuve lors de ces épisodes de violences verbales, et souvent physiques vis à vis de son conjoint : lancement d’objets au visage et coups violents. Les forces de l’ordre ont déjà dû intervenir. La consommation ponctuelle escessive d’alcool favorise le fait d’être auteur de violences.

Une jeune femme de 21 ans ayant un problème d’alcool, blonde et frêle explique, qu’elle a parfois des accès de violence au volant. Le dernier épisode : un jeune homme lui fait un geste déplacé (avec le majeur…) ; elle se lance alors à sa poursuite. Le jeune homme commence à paniquer, pensant peut-être qu’elle est armée ou vraiment dérangée. La course poursuite commencée en campagne se poursuit en ville. Après avoir risqué plusieurs accidents, la jeune fille s’arrête et se sent désespérée de ce qu’elle vient de faire.

Un homme suivi pour un problème d’alcool, qui mesure plus d’1 mètre 90, pèse aux alentours de 110 kg et est très très musclé, vient en consultation avec des bleus et un œil noir. En état d’ivresse, il a été agressé par 3 hommes qui se sont visiblement acharnés sur lui.

Ces exemples confirment ce qui est bien connu, c’est-à-dire que les auteurs et victimes de violences liées à la consommation de produits psycho-actifs, notamment d’alcool, sont présent dans les deux sexes sans distinction socio-culturelle.

DE NOMBREUSES ÉTUDES ont évalué la relation entre acte de violence et alcool et il apparaît donc clairement qu’une consommation excessive est souvent présente en amont de l’acte de violence du côté de l’agresseur, ou de la victime, voire des deux. 

Pour autant, il n’existe quasiment pas d’étude permettant de savoir qu’elle est la proportion de patients consultants dans un service d’addictologie (et donc souffrant d’une consommation excessive) qui a été victime ou auteur d’actes de violence.

C’est ce que nous avons recherché en proposant un questionnaire anonyme à tous les consultants venant en consultation dans 7 unités d’addictologie de la région Occitanie, quel que soit leur sexe et le motif de consultation (alcool, tabac, drogue, dépendance comportementale. Les différents types de violence étaient considérés : violence physique, psychologique, verbales ou sexuelle.

CETTE PREMIÈRE ÉTUDE PILOTE A DONNÉ DES RÉSULTATS TRÈS INTÉRESSANTS

La première étude que nous effectuée avait pour but de savoir si ce type de recherche avait de l’intérêt dans nos structures. En effet, on pense parfois qu’un problème est particulièrement prioritaire alors qu’il ne concerne que très peu de patients. De plus, il n’y avait pas de recherche de ce type déjà effectué en France (et rien d’intéressant au niveau mondial) qui pouvait nous orienter. Nous ne donnerons que quelques résultats dans ce texte pour éviter d’être roboratif (trop de résultats tue…). Des données complémentaires viendront dans un prochain blog.

Nous avons proposé notre questionnaire à 474 consultants sur 7 sites différents se trouvant dans les 3 villes suivantes (Béziers, Montpellier, Nîmes), ce qui augmente les chances d’être représentatif. Les patients étaient déjà venus une fois en consultation ; nous ne souhaitions pas que la première rencontre qu’ils fassent dans les unités impliquées commence par un questionnaire sur la violence. 

PREMIER RESULTAT 

Le pourcentage de consultants qui ont accepté de répondre à ce questionnaire anonyme (qui est assez long) est de 91 %.

Ce résultat nous donne plusieurs informations. Tout d’abord cela confirme la motivation, toujours observée, des malades addicts à participer à des enquêtes, des études, susceptibles d’améliorer la connaissance de cette pathologie et sa prise en charge. Par ailleurs, ce taux de réponse important nous permet de tirer conclusions assez fiables. Enfin, cela suggère fortement que la violence est un problème considéré comme important par les patients.

DEUXIÈME RÉSULTAT

56 % des patients ayant répondu considèrent être, au moins occasionnellement, impactés par la violence. 

Si on englobe aussi les « rares cas » de violence, c’est-à-dire des épisodes ponctuels en plus des cas de violence réguliers, c’est alors 75 % des consultants qui ont répondu qu’ils se considèrent comme impactés par la violence.

L’équipe de recherche pensait que le pourcentage de réponse positive à cette question serait important. Elle n’envisageait toutefois pas des chiffres aussi élevés, même si le questionnaire utilisé englobe tous types de violences (physiques, psychologiques, sexuelles, verbales). La question que l’on peut se poser alors est de savoir si ce taux de violence est lié aux addictions. Pour les consultants, les violences subies ou commises sont, au moins occasionnellement, en lien avec les addictions dans plus de 40 % des cas.

TROISIÈME RÉSULTAT

52 % des patients souhaiteraient pouvoir bénéficier d’une aide autour de la violence si un soignant spécialisé dans cette thématique pouvait les recevoir. 

POUR CONCLURE

Les consultants en addictologie sont fréquemment victimes ou auteurs de violence. Ils font le lien entre ces actes de violence et les consommations de produits chez eux ou chez leurs proches. 

Il faut donc former des soignants à cette thématique et mettre en œuvre des consultations dédiées pour pouvoir répondre à cette demande qui concerne 30 % environ de l’ensemble des consultants ayant participé à cette étude préliminaire.

Il faut aussi poursuivre les recherches sur cette thématique et l’étudier sur un plus grand nombre de patients et avec une méthodologie affinée va être bientôt réalisée par l’Addictopôle Occitanie, avec comme premier objectif d’inclure 4000 consultants. D’autres résultats de l’étude préliminaire seront donnés dans un prochain blog.

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ABSTINENCE ET RECHUTE : LES DÉFINITIONS SONT-ELLES SI ÉVIDENTES ?

Chez certains malades ayant un trouble de l’usage sévère, ou une dépendance (selon le type de questionnaire utilisé), le contrôle de la consommation n’est pas possible au long cours. Dans ce cas, l’option de soin à choisir est l’abstinence.

Ce concept paraît très simple : il faut être à zéro alcool. Il y a une maxime des alcooliques anonymes qui permet aux patients de bien comprendre cette idée : « 1 verre, c’est trop et 1000, ce n’est pas assez ». Et il est vrai que les rechutes commencent par un premier verre. Donc, pour les patients qui visent l’abstinence, l’idéal est de ne pas consommer du tout. Plus le temps passe et moins il y a d’envie, moins il y a la « réflexe » de boire en réponse à une émotion particulière. De plus, le temps permet aussi de perdre le « goût » de l’alcool et de le remplacer par une sorte d’écœurement. Très souvent, l’odeur même de l’alcool devient très désagréable. Donc, pour tous ceux qui réussissent à ne pas boire : BRAVO, NE CHANGEZ RIEN ! 

L’inconvénient de ce concept du zéro absolu, c’est que la reprise d’un seul verre semble signer l’échec pour les patients. Cela se traduit par du découragement et parfois l’idée qu’ils n’y arriveront jamais. Avant de poursuivre, il est essentiel d’insister sur le fait que ce texte n’a pas pour objectif de promouvoir des consommations épisodiques chez des malades qui souhaitent être abstinent, mais de leur permettre de comprendre au mieux ces épisodes.   

Voyons donc quelles informations, tirées des dernières connaissances scientifiques, peuvent être utiles aux patients qui veulent être abstinent et qui ont fait un écart. Chez ces patients dépendant à l’alcool, le concept de la rechute est essentiel à discuter, car celle-ci est malheureusement fréquente. Par exemple, après une première tentative d’arrêt d’alcool ou de tabac, les taux de rechute à 12 mois sont globalement supérieurs à 80 %. Cela explique la définition de la maladie alcoolique qui est décrite une « maladie chronique récidivante ». Il faut donc comprendre ce qu’est la rechute et comment la prévenir. Surtout il est essentiel que les patients sachent se remettre au combat en cas de rechute, car les chances de succès vont augmenter avec le temps.

DÉFINITION DE LA RECHUTE

Dans un premier temps, il faut savoir exactement de quoi on parle et pour cela définir le mot « rechute ». La réponse semble évidente, mais aussi bizarre que cela puisse paraître, il n’y a pas de définition claire et unique de la rechute. Spontanément, on se dit que la rechute est tout simplement définie par un événement incontestable : la re-consommation.

Selon le dictionnaire Littré, la rechute correspond à « la réapparition d’une maladie pendant ou après la convalescence ». Il s’agit donc d’un retour vers une condition initiale indésirable. De nombreux addictologues considèrent aussi que la rechute correspond plus à un processus dynamique qu’à une simple reprise d’un verre. Cela confirme que le trouble de l’usage de l’alcool a une évolution variable caractérisée par des périodes de rémission et de rechute. 

Deux remarques :

         Évoquer la rechute comme s’incluant dans le processus évolutif qui va vers la guérison permet de la dédramatiser (combien de malades expliquent que c’était leur « dernière » chance !). Bien sûr, re-consommer n’est pas conseillé et donne du stress aux patients. Mais cela en signe pas la fin définitive de tout espoir. 

De plus, pour de nombreux patients il faut expérimenter plusieurs rechutes avant d’atteindre à leur objectif. Dire que la maladie alcoolique est une maladie récidivante ne signifie pas que les « rechutes » ne s’arrêtent pas un jour.

Quelles sont les données les plus récentes de la littérature scientifique ? Des auteurs ont cherché quelles étaient les différentes définitions de la rechute (à l’alcool) dans les études publiées récemment.  À partir de 139 études sélectionnées car étant de bonne qualité, voilà les résultats qu’ils nous proposent : 

  • Dans une cinquantaine d’étude (38 % des études exactement), la rechute était définie par l’existence d’une re-consommation, quelle qu’elle soit (donc à partie de 1 verre). 
  • Pour les autres équipes d’addictologues qui ont fait des études dans ce champ, la définition de la rechute était différente. Il y avait rechute chez les patients qui avaient consommé (cela ressemble à un poème de Prévert) :  
  • Au moins 2 verres
  • Au moins 4 verres
  • Au moins 6 verres en 1 seule occasion
  • Au moins 3 jours de suite
  • Au moins 7 jours de suite
  • Au moins 5 verres dans la journée ou au moins 5 jours dans 1 semaine
  • Au moins 4 verres chez une femme / 6 chez un homme
  • De façon identique à leur consommation initiale 
  • Comme auparavant et avaient eu des complications physiques ou psychologiques

Cela démontre qu’il existe des définitions très différentes bien sûr, mais aussi que l’interprétation de la rechute n’est probablement pas aussi simple que nous l’aurions pensé de première intention.  

Il est peut-être possible d’harmoniser ces réponses qui sont si différentes en introduisant une nouvelle donnée. 

NOTION DE « RELAPSE » ET DE « LAPSE »

Certains auteurs anglo-saxons distinguent deux façons de re-consommer de l’alcool. Ils parlent de « relapse » et de « lapse ». « Relapse » correspond à la réapparition d’une utilisation problématique de l’alcool, après une période d’amélioration : c’est notre notion classique de rechute. « Lapse » est typiquement définie comme une prise unique, ou une re-consommation très discrète : cela correspond à ce que nous nommons parfois « simple dérapage », « glissade » ou « coup de canif dans le contrat ».

Certains auteurs sont parfois allés plus loin dans la précision. Voici une illustration qui n’a valeur que d’exemple. Ces auteurs testaient un médicament qui était susceptible d’augmenter le nombre de jours d’abstinence sur une période donnée. Pour eux, l’abstinence correspondait à une consommation nulle (0 alcool) ; la rechute (relapse) était définie par une reprise d’alcool de plus de 4 verres par jour ou de plus de 14 verres dans la semaine ; le dérapage (lapse) était défini par toute consommation qui se situait entre les deux.

QUEL EST L’INTÉRÊT D’ERGOTER SUR LES DÉFINITIONS ?

Cette discussion est très importante, car l’expérience montre qu’un petit dérapage, ça peut arriver et ça peut se récupérer. Il est indispensable que les patients abstinents qui ont fait un écart ne le considère pas comme un échec irréversible, un retour au point de départ. 

Bien sûr, ce n’est pas souhaitable. Toutefois, si cela survient, l’urgence est de contacter son médecin, ou tout autre aide possible le plus vite pour immédiatement revenir à une consommation nulle. C’est beaucoup plus facile après avoir bu quelques verres qu’après une retour importante sur plusieurs semaines. 

De plus, après un petit dérapage, c’est souvent facile de revenir à l’abstinence. C’était un message très important à délivrer.

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AGE ET ALCOOL, QUAND Y’A UN OS…

Est ce qu’il faut faire plus attention à sa consommation d’alcool quand on vieillit, et pourquoi ?

Il est bien démontré que la consommation excessive d’alcool est responsable de nombreux effets secondaires, en particulier de la survenue ou de l’aggravation d’au moins 60 maladies. Toutefois, tout le monde n’est pas touché de la même façon car il existe une grande variabilité individuelle quant à la sensibilité à ce produit. Parmi les facteurs de fragilité, nous avons déjà évoqué le sur-risque féminin.

Qu’en est-il du facteur âge ? Faut-il faire plus attention à sa consommation d’alcool quand on vieillit, et pourquoi ?

Pour commencer, il faut insister sur le fait qu’il existe dans les pays occidentaux une augmentation de consommation d’alcool chez les personnes les plus âgées, en particulier en ce qui concerne le binge drinking. Cette augmentation est visible dans la tranche d’âge 50-64 ans, mais aussi chez les 65 ans et plus. Ces observations sont confirmées par le fait que le nombre de personnes abstinentes après 50 ans diminue au fil du temps.

Ces données sont inquiétantes dans la mesure où une consommation excessive d’alcool est un contributeur majeur de mortalité, chez les sujets les plus âgés tout particulièrement. Toutefois, la mortalité ne représente qu’une partie de la problématique.  En effet, en cas de maladie grave (et c’est incontestablement le cas de l’alcool), il est important de considérer les années de vie « perdues » hors décès, c’est-à-dire les années pendant lesquelles la maladie ou un handicap altèrent très profondément la qualité de vie.

Il existe un critère mesurant cela, qui correspond au nombre cumulé d’années perdues en raison d’une mauvaise santé, d’un handicap ou d’une mort précoce : l’acronyme anglais est le « DALY ». 

L’alcool, et cela n’étonnera personne, est une cause majeure d’années de vie perdues selon la définition donnée précédemment, et les seniors ne sont pas épargnés : sur-risque de complications médicales graves, de fatigue chronique, de traumatismes et d’handicaps. L’âge avancé est un facteur de risque d’effets toxiques de l’alcool. 

POURQUOI SOMMES-NOUS PLUS SENSIBLES A L’ALCOOL EN VIEILLISSANT ? 

Tout d’abord, parce que l’alcool est métabolisé (c’est-à-dire dégradé) plus lentement à mesure que l’on vieillit. On considère par exemple, que le foie, qui est le principal organe du métabolisme de l’alcool, commence à vieillir significativement dès l’âge de 45 – 50 ans.   

De plus, le corps qui vieillit contient moins d’eau, ce qui modifie la diffusion de l’alcool dans les organes et les tissus. Comme l’alcool se disperse moins dans l’organisme, cela se traduit par des ALCOOLÉMIES PLUS ÉLEVÉES pour des consommations équivalentes. Cela veut dire que pour une même quantité d’alcool consommée, la concentration d’alcool dans le sang va être plus élevée et est donc plus toxique.

Donc, à partir d’un certain âge (impossible de déterminer une limite nette, mais très probablement dès la quatrième décennie), pour une même consommation d’alcool, il y a plus d’alcool circulant dans le corps et pendant plus longtemps.

Comme si cela ne suffisait pas, les médicaments sont contre-indiqués avec la consommation d’alcool alors même que les traitements médicamenteux sont plus fréquemment prescrits aux âges avancés. 

Tous ces facteurs augmentent bien sûr le risque de complications chez les sujets d’âge mûr. 

Parmi tous les effets négatifs possibles, nous parlerons aujourd’hui des complications osseuses.

Lorsque l’on vieillit, la résistance de notre squelette diminue lentement en raison de la survenue d’une ostéoporose. Il s’agit d’une maladie diffuse du squelette qui correspond à une diminution de la densité osseuse et à des altérations de la microarchitecture de nos os. Les os deviennent plus fragiles et se cassent plus facilement. Bien sûr, les os qui supportent le plus de charge et de contraintes sont les plus à risque : notamment le col du fémur. 

Essayez de deviner quel facteur de risque majeur d’ostéoporose justifierait d’être systématiquement dépisté et pour lequel il faudrait probablement intensifier la prévention ?

C’est bien sûr la consommation excessive d’alcool. L’alcool est un facteur aggravant formellement démontré et serait la cause de 20 à 30 % des ostéoporoses masculines. La ménopause favorise l’ostéoporose et les femmes doivent donc être encore plus vigilantes à leur consommation d’alcool après la ménopause. 

Par ailleurs, La consommation d’alcool favorise les troubles de l’équilibre et les chutes chez les seniors. Donc, nous voyons que l’alcool est moins bien épuré avec l’âge et qu’il persiste plus longtemps dans le corps. Il favorise la fragilité osseuse et les chutes. 

Pour l’ensemble de ces raisons, le risque de fracture est beaucoup plus élevé chez ses seniors qui consomment. 

Malheureusement, la chaine des complications ne s’arrête pas là. 

En effet, la consolidation d’une fracture dépend de la vitalité osseuse et la microcirculation sanguine. Or cette dernière est altérée par l’alcool et la consommation de tabac. Il faut aussi, si une chirurgie a été nécessaire, que les tissus mous autour de l’intervention puissent cicatriser rapidement et que la cicatrice ne s’infecte pas. 

Or, là encore, il est démontré de façon incontestable que la consommation d’alcool ralenti les cicatrisations et augmente les risques infectieux locaux (autour de la cicatrice) ou généraux (par exemple une septicémie ou une pneumonie).

Enfin, la consommation chronique d’alcool augmente après chirurgie la durée de séjour en Unité de Soin Intensif et donc tous les risques liés à ce type d’hospitalisation très « lourde ».

CONCLUSION

Donc, pour conclure, l’alcool est un facteur de risque de fragilité osseuse, de chute et de fracture. Ceci est surtout vrai chez les seniors. De plus, en cas de fracture, les capacités de guérison sont diminuées avec des risques importants de complications pendant le traitement et de séquelles plus fréquentes. Comme toujours avec l’alcool, a plupart de ces risques sont augmentés par le tabagisme.

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LES LOISIRS DOIVENT ÊTRE UNE PRIORITÉ !!

La période très particulière que nous traversons, avec tout d’abord un confinement puis plusieurs couvre-feux, a été très difficile pour l’ensemble de la population. 

Certains d’entre nous semblent avoir encore plus souffert de cette situation : ce sont en particulier les personnes seules, celles qui avaient des troubles psychiatriques et les personnes dépendantes à une substance. En effet, durant les 12-13 derniers mois, de nombreux patients addicts ont augmenté leur consommation, voire ont rechuté s’ils étaient abstinents.

Lorsque l’on interroge ces patients sur les causes de ce sursaut de consommation ou de rechute, l’un des mots qui revient le plus souvent est l’ennui. Bien sûr, la situation actuelle est très particulière mais l’ennui est un facteur de consommation majeur qui mérite d’être discuté en détail. 

1°) L’ennui comme facteur de risque de consommation

En consultation, l’ennui ou une sensation de vide, est fréquemment décrit par les patients comme facteur de consommation. C’est vrai pour l’alcool, mais c’est aussi démontré pour d’autres dépendances, comme par exemple le jeu pathologique. Pour « passer le temps », des personnes jouent et rapidement ne « voient plus le temps passer ». De la même façon, l’ennui peut favoriser l’utilisation excessive des réseaux sociaux ou les achats compulsifs sur internet.

L’alcool est volontiers utilisé comme stratégie anti-ennui car il permet de « remplir des vides » dans la journée. Pour ceux qui ne travaillent pas, où pendant les jours de repos, faire durer l’apéritif peut aider à passer le temps. De même, les après-midis peuvent être longues et les rythmer par la consommation d’une bière de temps à autre aide à les remplir. Cette stratégie devient rapidement dangereuse avec le risque d’être secondairement dépassé par sa consommation.

Une sensation de vide peut s’emparer de nous, après le travail, si nous n’avons pas d’autre activité à faire au retour à la maison qu’à attendre le repas du soir. D’un point de vue addictologique, ce sont quelques heures potentiellement dangereuses pendant lesquelles on s’ennuie mais sans avoir non plus envie d’être actif.

Il est essentiel pour les patients de trouver des activités alternatives à la prise d’alcool ou à d’autres dépendances pendant ces moments à risque. C’est pourquoi, une place importante dans les consultations d’addictologie est dédiée à l’occupation du temps libre, aux loisirs, à la découverte de nouvelles activités.

2°) L’ennui est aussi un facteur important de rechute

Un deuxième point à discuter est l’ennui qui est généré par l’arrêt de la consommation. Parmi les critères de dépendance à l’alcool, il y en a un qui se rapporte à notre propos : « beaucoup de temps est consacré à la fourniture en produit psychoactif, à la consommation de ce produit et au temps nécessaire pour récupérer de cette consommation ».

Si on additionne ces trois temps (se fournir, consommer et le temps de récupération), cela peut rapidement faire plusieurs heures par jour. Par exemple, 1 heure et demi d’apéritif midi et soir et une petite sieste d’une heure pour récupérer et nous sommes déjà à 4 heures consacrées par jour à l’alcool. 

Or, lorsque les patients arrêtent de boire, ils vont retrouver beaucoup de temps de libre et il va falloir remplir ce temps, ce qui n’est pas toujours facile. En effet, décider de faire des activités quand on n’y est plus habitué, demande de faire de gros efforts et surtout d’avoir de l’imagination. 

Que faire ? Où ? Comment ? Avec qui ? Il s’agit de questions difficiles à résoudre. Cela est évidemment encore plus vrai dans la période que nous traversons, mais c’était déjà très difficile avant. Beaucoup de patients nouvellement abstinents se plaignent de s’ennuyer, de ne pas savoir quoi faire. En fait, il y a de très nombreuses activités qui pourraient les intéresser, mais il faut qu’elles soient disponibles près de chez soi. Parfois, il faut aussi pouvoir se les payer, ce qui peut être un facteur limitant.

Dans de nombreux services d’addictologie, on demande aux patients hospitalisés de penser à ce qu’ils aimeraient avoir comme loisir après leur hospitalisation. Ce n’est pas une question en l’air, mais un véritable exercice auquel il faut réfléchir. Lorsque l’on arrête l’alcool, il faut prévoir des activités alternatives qui vont remplir le temps laissé libre.

3°) Quelles activités alternatives ?

Comment faut-il y réfléchir ? le meilleur moyen de répondre à cette question est de montrer, à partir d’un contre-exemple, ce qui ne faut pas faire. Lors d’un groupe de parole, un patient à qui nous avions demandé s’il avait des activités de loisirs nous a répondu : « je n’ai que des loisirs, je suis à la retraite ».

Nous lui avons demander de détailler. Il nous a répondu : 

« Le matin, je m’occupe de ma belle-mère n’est plus autonome et ensuite de mon chien qui est malade depuis quelques temps». 

Très bien, et l’après-midi ?

« Je donne des cours d’informatiques gratuitement à des jeunes en difficultés ».

Et le soir ?

« Je m’occupe de la maison, ma femme est fatiguée ».

Cherchez l’erreur !

Nous voyons souvent ce genre de personnalité dans les consultations d’addictologie. Ce sont des personnes qui ont des tâches très lourdes à accomplir au quotidien, qui sont souvent généreuses, tournées vers les autres mais qui se négligent. Le meilleur moyen pour elles d’obtenir une petite récompense est donc de consommer un peu (ou beaucoup) d’alcool, ou de jouer en ligne ou d’aller gratter des tickets (rarement gagnant comme on peut s’en douter) au tabac du coin.

Pour limiter les risques de dépendance ou pour pouvoir s’en débarrasser, il est important d’avoir des loisirs, voire des passions qui nous procurent de la « récompense ». Nous parlons ici de récompense en sens neurobiologique du terme, c’est-à-dire qui entrent en compétition avec les « récompenses » amenées par des addictions. C’est essentiel de mettre en concurrence la récompense alcool et la récompense liée à des activités que l’on aime faire. Il faut rechercher du plaisir, et ne pas penser à la performance. 

Il est bien, si possible, d’avoir des activités de groupe. C’est entraînant et cela permet de faire des rencontres sociales. Il faut évidemment choisir des activités sans relation avec l’alcool, sans troisième mi-temps ni fêtes régulières. Que nous disent les patients ? Un atelier peinture ; du jardinage ; un groupe de marche ; des balades ; du jogging ; des mandalas ; des sorties ornithologiques ; de la lecture ; etc.

Vous avez un choix quasi-illimité. Bons loisirs… 

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La confiance en soi

Les questions que l’on se pose face aux addictions sont souvent les mêmes que face à d’autres difficultés dans la vie, notamment : 

  1. Pourquoi ai-je ce problème ?
  2. Pourquoi je n’y arrive pas à m’en sortir ?
  3. Pourquoi les autres y parviennent mieux que moi ?
  4. Comment pourrais-je faire pour le résoudre ?

1°) Pourquoi ai-je ce problème ?

Concernant la première question, il n’y a parfois pas de réponse unique. Nous avons déjà parlé de l’impact de la génétique et de l’environnement. Mais il existe d’autres facteurs favorisants la survenue d’une dépendance : l’âge de début de la prise de produits ; certains traits de personnalité ; l’existence de troubles psychiatriques associés (par exemple l’anxiété, la dépression) ; les épreuves que nous vivons et bien d’autres facteurs individuels.

Ces facteurs concourent au développement de certains réseaux qui fonctionnent « trop bien » dans notre cerveau, c’est-à-dire qui réagissent de façon trop importante à différents produits, dont l’alcool.

2°) Pourquoi je n’y arrive pas à m’en sortir ?

La deuxième question devrait être formulée d’une autre façon. Elle devrait plutôt être : pourquoi je ne suis pas parvenu à m’en sortir « JUSQU’ICI». Ce n’est pas la même chose. En effet, ce qui est dit ici, c’est comment puis-je trouver des moyens, des techniques qui me permettent de m’en sortir, alors que la première version signifie : pourquoi suis-je condamné à ne pas m’en sortir. C’est totalement différent

Bien sûr, il faut du temps, parfois des années pour arrêter un produit ou pour réussir à en réguler la consommation. C’est pourquoi le fait de ne pas y être parvenu jusqu’ à présent ne signifie que cela est impossible, simplement que ça n’a pas encore été réalisé.

Il est indispensable de conserver l’espoir et l’envie d’y parvenir. Ce n’est bien souvent qu’une affaire de temps. Il faut un moment propice (qui se traduit parfois par un déclic) et les outils adaptés (soignants, groupes de pairs, blogs, etc…).

3°) À la question « pourquoi les autres y arrivent mieux que moi ? », la réponse est claire. Ils ont autant de difficultés. Chacun fait face comme il peut. Et celui qui semble y parvenir assez facilement en est peut-être à plusieurs années d’effort. Par ailleurs, vous pouvez rencontrer quelqu’un qui a réussi à stopper l’alcool assez facilement, mais qui ne parvient pas à arrêter de fumer alors qu’il souffre déjà de troubles respiratoires. Ne soyons donc pas toujours convaincu que les autres y arrivent mieux que nous, la plupart du temps, c’est faux.

4°) Comment pourrais-je faire pour le résoudre ?

La question la plus importante est plutôt : « comment puis-je faire pour avancer ». Il s’agit d’une question centrale qui a été largement étudiée par plusieurs équipes et la réponse la plus fréquemment rapportée est la suivante : il faut avoir confiance en soi. C’est généralement ce qui fait la différence entre ceux qui obtiennent des bons résultats et les autres.

LA CONFIANCE EN SOI EST ESSENTIELLE :

Pour se lancer. Commencer une démarche addictologique paraît souvent très dur : c’est faire face à une montagne qui semble vraiment difficile à gravir. Il est indispensable d’avoir confiance en soi pour oser commencer. On voit là une différence générale entre un esprit français et un esprit américain. Ces derniers se disent : si d’autres l’ont fait, je vais y arriver. Notre tendance habituelle est plutôt de douter de nous. Pour se lancer, pensons au fameux « yes, we can ! ».

Lorsque la décision d’avancer a été prise, il y a encore de nombreuses difficultés à vaincre. C’est dur d’arrêter l’alcool, il y a des envies, des moments de doute. Si on repense à la montagne, on est tenté de se demander si on n’en a pas choisi une bien trop haute ou difficile. Les questions qu’il faut se poser alors sont les suivantes : Ai-je déjà réussi des choses difficiles ? Combien de fois me suis-je trouvé devant des difficultés que j’ai réussi à vaincre ? 

Il vous faut chercher dans vos souvenirs d’études, de pratiques sportives, de travail. Avec le recul, cela paraît souvent assez simple, mais sur le moment, c’était très compliqué et cela vous paraissait insurmontable. Apprendre le code et passer le permis de conduire. Tout le monde dira que c’est assez simple, mais quand on y était, cela nous paraissait vraiment très compliqué. 

Nous avons tous des exemples de ce type en tête et il faut se les remémorer et se souvenir des efforts que nous avons su faire alors. On s’est dit : c’est vraiment dur, mais je vais y arriver car les autres l’ont déjà fait.

C’est en regardant ce qu’on a réussi que l’on arrive à augmenter sa confiance en soi.

La rechute. Une troisième situation qui se présente régulièrement est une rechute, ou du moins un dérapage. Beaucoup de patients sont désespérés par ces épisodes et se disent : je suis condamné à ne pas réussir. 

Mais avez-vous toujours tout réussi au premier essai ? Ce serait étonnant. Nous avançons tous en tâtonnant, en multipliant les réussites et les échecs.

Un basketteur a livré un jour ses statistiques. Il les a résumées de la façon suivante : « j’ai raté 9000 tirs dans ma carrière, j’ai perdu presque 300 matchs. 26 fois on m’a fait confiance pour prendre le tir la victoire et j’ai raté ».

Vu sous cet angle, cela ne semble pas très bon. En fait, il s’agit de Mickael Jordan, un des plus grands basketteurs de l’histoire. Il concluait ainsi : « j’ai échoué encore et encore et encore dans ma vie. Et c’est pourquoi j’ai réussi ».

Inutile de parler après Mickael Jordan !!

Pour résumer sous la forme d’un petit tableau :

Pour se lancerJe suis capable de le faire
Pour tenir quand c’est difficileJ’ai déjà réussi des choses aussi difficiles
Pour continuer lorsqu’il y a un dérapage ou une rechuteJe n’ai pas toujours réussi du premier coup, mais je suis capable de rebondir
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Parlons du tabac et particulièrement du tabagisme associé à une consommation excessive d’alcool ou à l’alcoolo-dépendance. Que pouvez-vous faire si vous êtes concerné ?

L’objectif de cet article est de parler du tabagisme, et plus particulièrement du tabagisme associé à la consommation excessive d’alcool. Il n’est pas possible de réfléchir au problème d’alcool sans avoir en tête le tabac. 

L’un des premiers arguments vient d’une étude américaine effectuée dans les années 80. Des chercheurs ont observé les causes de mortalité de patients alcoolo-dépendants neuf ans après un sevrage alcool. Ces auteurs ont montré un nombre important de décès chez les patients qui reconsommaient régulièrement de l’alcool. Mais plus important, la première cause de mortalité chez ces patients était le tabagisme. Dans cette étude concernant des malades alcoolo-dépendants, le tabac tuait plus que l’alcool !

Cette étude a été très importante, car à l’époque, les patients étaient suivis dans des unités différentes pour les problèmes d’alcool, de tabac ou de drogue. L’Addictologie et l’organisation de l’accompagnement au sein d’unités d’Addictologie telles qu’on les connait aujourd’hui n’existaient pas encore.  Ainsi, il était habituel de dire aux patients : « l’urgence pour votre foie est d’arrêter l’alcool ; pour le tabac vous verrez plus tard ». C’était une très mauvaise réponse, et nous savons maintenant que l’approche thérapeutique doit être globale, choisie en collaboration avec les patients en fonction de leurs demandes et besoins.

Pourquoi faut-il s’intéresser au tabac ? 

Si l’alcool est la deuxième cause de mortalité évitable, c’est parce que le tabac est la première cause de mortalité évitable. Il ne faut pas l’oublier, d’autant que la consommation de tabac est particulièrement fréquente chez les malades alcoolo-dépendants. En effet, 80 à 90 % des patients hospitalisés pour sevrage alcoolique fument, alors que le tabagisme dans la population générale est plutôt aux alentours de 30 %.

Donc, ne serait-ce qu’en raison de la plus grande fréquence du tabagisme, les malades d’alcool ont presque 3 fois plus de risque de faire des complications liées au tabac que les personnes qui n’ont pas de maladie d’alcool.

Par ailleurs, lorsque l’on additionne la consommation d’alcool et de tabac, les risques d’effets secondaires et de survenue de maladies ne s’additionnent pas mais se multiplient. En d’autres termes, cela signifie que l’association de l’alcool et du tabac a une toxicité beaucoup plus importante que la simple somme des toxicités de chacun de ces produits consommés séparément. Comme il s’agit d’un point très important, mais long à décrire, nous pourrons le développer plus précisément dans un autre texte, si certains d’entre vous sont intéressés.

Les risques d’une consommation mixte alcool et tabac sont doses-dépendants. Cela signifie que les risques augmentent donc avec les quantités doses consommées. Cela signifie que si l’on ne se sent pas capable d’arrêter de fumer immédiatement, il faut dans un premier essayer de diminuer sa consommation. C’est le même message que pour les consommations excessives d’alcool.

Pour ces deux produits : le moins, c’est le mieux. 

Comment faire ? Par exemple en évitant les « cigarettes-reflexes » que l’on fume simplement parce qu’elles sont disponibles. Bien sûr, lorsqu’il y a en permanence un cendrier sur la table, un paquet de cigarettes sorti avec un briquet à côté, cela stimule l’envie d’en allumer une. Il est arrivé à tous les fumeurs de penser : « pourquoi ai-je allumé cette cigarette, je n’en avais pas vraiment envie ». A l’opposé, lorsque l’on est occupé, sans paquet de cigarettes à portée de main, il est plus facile de moins fumer. 

De plus, si certaines cigarettes sont agréables, d’autres ne le sont nettement moins et il est donc possible de ne pas les allumer. C’est très rentable parce que cela représente un nombre important de cigarettes chaque jour. 

Pour vous aider, vous pouvez aussi utiliser la technique des 5 minutes. En quoi cela consiste ? Lorsque vous avez envie de fumer une cigarette, regardez votre montre ou mettez en route le minuteur de votre portable pour une durée de 5 minutes. Et l’allumez pas de cigarette avant la fin de ces 5 minutes. A la place, trouvez une occupation, et vous verrez que l’envie de fumer va parfois vous quitter. Cela vous permettra de rester une demi-heure ou peut-être une heure de plus sans fumer. C’est en accumulant ces petits efforts qu’il est possible de diminuer sa consommation. 

De plus, il existe pour le tabac une substitution nicotinique qui peut être une aide très précieuse. L’objectif de cette substitution est d’apporter de la nicotine en quantité suffisamment importante pour saturer les récepteurs nicotiniques du cerveau, c’est-à-dire les sites de fixation de la nicotine. 

Lorsque ces récepteurs sont suffisamment saturés, la nicotine provenant de la cigarette ne trouve plus de récepteur libre, ou très peu, et cela se traduit par une absence d’effet de cette nicotine amenée par la cigarette. Il n’y a donc quasiment plus de plaisir. Il ne reste que le goût de la cigarette qui est plutôt mauvais, même pour les fumeurs actifs, et une irritation de la gorge. 

Comme la nicotine est la molécule qui génère la dépendance au tabac, la substitution nicotinique permet donc d’éviter le manque et « tue » le plaisir de fumer. 

C’est pourquoi, les tabacologues considèrent qu’il faut augmenter la substitution nicotinique tant que les patients ont des envies de fumer. Une fois ces envies disparues, il est beaucoup plus facile de jouer sur les habitudes, les automatismes et les mauvais réflexes (cela reste quand même un gros travail).

Il existe plusieurs moyens d’être substitué en nicotine : principalement les patches, les gommes, les pastilles et la cigarette électronique (e-cigarette). Pour être complet, il existe aussi un médicament qui va se fixer aussi sur les récepteurs nicotiniques, la Varénicline. Là encore, la prise de ce traitement va se traduire par une disparition du « plaisir » de fumer, et le sevrage va donc être possible avec peu d’impression de manque. Nous nous permettons de citer ce traitement parce qu’il est actuellement le seul disponible avec ce mode de fonctionnement et que cette information ne correspond donc pas à de la publicité préférentielle.

Enfin, il faut insister sur le fait qu’il est tout à fait possible de faire un sevrage mixte alcool et tabac. D’ailleurs de nombreux patients le réclament, et contrairement à l’idée que l’on pourrait avoir, les freins viennent plutôt de soignants qui n’en ont pas l’habitude.

Pourtant, il est souvent plus facile d’arrêter les deux produits, car l’un appelle l’autre : plus d’envie de fumer lorsque l’on boit un verre d’alcool et plus d’envie de boire lorsque l’on fume. Du coup, la double abstinence offre plus de sécurité et diminue le risque de rechute pour chacun des deux produits. 

Cependant n’oubliez pas que si l’on ne se sent pas capable d’arrêter de fumer immédiatement, il est toujours possible d’essayer de diminuer sa consommation. C’est toujours mieux pour votre santé.

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GÉNÉTIQUE ET ALCOOL: EST CE DU GÈNE OU DE L’ENVIRONNEMENT ?

Il existe fréquemment des « concentrations  familiales » de consommation de produits psychoactifs, ce que l’on nomme parfois des généalogies à risque. Ainsi, des patients disent volontiers en consultation : « chez nous, on boit de père en fils ». 

Il est intéressant de savoir à quoi cela peut correspondre. Existe-t-il réellement d’une prédisposition génétique à la consommation d’alcool, ou s’agit-il simplement d’un mimétisme familial et/ou culturel. En d’autres termes, le comportement de ces patients est-il favorisé par l’environnement ou dicté par le patrimoine génétique.  

De nombreuses études génétiques ont été réalisées, en particulier concernant l’alcool, et il nous a semblé intéressant d’en rapporter quelques résultats. Tout d’abord, il est essentiel de préciser que ces études (et donc leurs résultats) ne concernent pas la consommation d’alcool en elle-même, mais le risque de DÉPENDANCE à l’alcool.

Trois résultats importants méritent d’être discutés

PREMIER RESULTAT : LE RISQUE DE DEPENDANCE AUGMENTE CHEZ LES FILS DE PERES DEPENDANTS

Pour avoir une idée de l’amplitude de ce risque, voici quelques chiffres :

Chez les hommes n’ayant pas de dépendance à l’alcool, la descendance masculine a 2 à 5 % de risque de développer une dépendance à l’alcool (selon les études).

Chez les hommes ayant une dépendance à l’alcool, la descendance masculine a 10 à 25 % de risque de développer une dépendance à l’alcool (selon les études).

Pour résumer simplement ces données, on dit généralement que le risque de dépendance chez un homme est MULTIPLIÉ PAR 5 si son père a été dépendant, par rapport à un père que ne l’aurait pas été. Pour les puristes des statistiques, il s’agit d’un abus de langage, mais cela a l’intérêt d’être clair et facile à comprendre. 

Les résultats chez les femmes sont moins importants, l’impact de la dépendance chez les parents semblant moins important que pour les hommes.

DEUXIEME RESULTAT : C’EST LA GENETIQUE ET NON L’ENVIRONNEMENT

Les résultats précédents ne démontrent pas une origine génétique, puisque le développement de la dépendance pourrait aussi être la résultante d’un mimétisme inconscient chez les enfants, en particulier les garçons qui imiteraient les habitudes de leurs pères. 

Pour faire la différence entre ces facteurs de risque génétiques ou liés à l’environnement, différents cas de figure ont été évalués. Des études effectuées chez des enfants adoptés permettent de comparer la survenue de dépendance chez des personnes en fonction du statut de dépendance ou non à l’alcool de leurs parents génétiques et adoptifs.

Par exemple, des enfants nés de parents dépendants à l’alcool mais adoptés et élevés dans une famille sans dépendance ont été comparés à des d’enfants nés de parents sans dépendance mais adoptés et élevés dans une famille avec dépendance à l’alcool.

Les résultats sont tout-à-fait clairs : c’est la dépendance des parents génétiques qui pèse le plus dans le risque de développer une dépendance plus tard. Il faut à nouveau d’insister sur le fait que cela ne concerne que la dépendance et non l’ensemble des consommations d’alcool, et donc une minorité de consommateur. Vous savez maintenant que la toxicité de l’alcool est dose-dépendante (relié donc aux quantités d’alcool consommées) et que des personnes non dépendantes peuvent développer des maladies graves liées à l’alcool. Ainsi, il a été montré dans une étude scientifique que la moitié des malades avec une cirrhose (du foie) grave ne répondaient pas à la définition de la dépendance.https://mydefi.life/2020/08/09/pas-de-dependance-a-lalcool-pas-de-probleme/

Pour revenir à la dépendance, l’influence des parents adoptifs va surtout avoir un retentissement sur l’âge de début de consommation d’alcool. Les premières consommations surviendront plus jeune s’il y a des habitudes de consommation chez ces parents adoptifs.         

De plus, ce risque n’explique pas seul l’évolution vers une dépendance. Celle-ci sera aussi influencée par des facteurs associés tels l’environnement culturel, les relations et amis, ainsi que type de produit psycho-actifs ou drogue habituellement consommé (cannabis, ou autres produits)

D’autre part, cette part génétique correspond à un risque accru et non pas à un élément définitivement inscrit en nous, comme la taille ou la couleur des yeux.  

TROISIEME RESULTAT : CE N’EST PAS UNE FATALITE

Le terme « génétique » évoque de prime abord des caractères définitivement fixés, comme la couleur des yeux, la forme des oreilles, la taille, etc… Mais la génétique conditionne aussi notre équipement en récepteurs cérébraux, en synthèse de neuro-médiateurs ou d’enzymes. Et c’est de cela dont il est question lorsque nous parlons de génétique et d’alcool. Cela signifie que le circuit de la récompense situé dans notre cerveau va être plus ou moins « réactif » selon son équipement biologique qui est lui déterminé par notre patrimoine génétique.

Nous pouvons donc avoir un équipement neuro-biologique à faible ou à plus fort risque de développer une dépendance à l’alcool. MAIS, cela ne signifie pas que certains d’entre nous sont CONDAMNÉS à devenir dépendant.

Tout n’est donc pas joué avec nos gènes et nous avons tous la possibilité de nous battre contre le risque de dépendance. 

Par contre c’est intéressant d’avoir une idée de notre risque génétique, en observant le comportement de nos parents et grands-parents. Une personne qui aurait plusieurs cas de dépendance à l’alcool dans ses ascendants (et frères et sœurs) est probablement à sur-risque de développer une dépendance à l’alcool. Dans ce cas, il faut consommer avec modération et être très vigilant sur une éventuelle perte de contrôle de sa consommation. De plus, en sachant que l’on est à risque, il ne faut pas hésiter à demander de l’aide.

On voit que le risque génétique n’est plus dans ce cas une fatalité, mais au contraire un indicateur important s’inscrivant dans une optique de prévention.

De même, si vous avez développé une dépendance à l’alcool, il est important de savoir que votre descendance peut avoir un risque augmenté de dépendance. En les informant, vous leur permettez de diminuer ce risque. L’idéal est probablement de faire donner cette information par un addictologue, qui prendra le temps d’expliquer ce risque, mais aussi de dédramatiser cette annonce.

En conclusion, et pour répondre à question posée dans le titre, il existe un risque génétique clair de développer une dépendance à l’alcool. Il faut insister sur le fait qu’un risque lié à l’environnement peut coexister et s’associer au risque génétique.

Comme expliquer plus haut, il ne s’agit pas d’une fatalité. Au contraire, connaître ce risque génétique peut permettre permet d’adapter son comportement et de réduire ainsi la probabilité de développer une dépendance.