Catégories
Alcool

UNE INFORMATION MUSCLÉE, ou l’impact de la consommation excessive d’alcool sur les muscles et les bénéfices de la sobriété.

Cet article du blog a pour objectif de donner des informations sur une complication de la consommation chronique d’alcool qui a la particularité d’être l’une des plus fréquente et pourtant la moins souvent diagnostiquée. 

L’alcool est un produit largement toxique pour le corps, avec plus de 60 maladies provoquées ou aggravées. Ce nombre augmente d’ailleurs progressivement car de nouvelles pathologies secondaires à l’alcool sont suspectées de temps à autre (par exemple en cancérologie, nous en reparlerons un jour).

La toxicité osseuse de l’alcool est largement documentée, de même que sa toxicité vis-à-vis des nerfs périphériques, surtout les nerfs des membres inférieurs qui sont les plus longs du corps et donc les plus fragiles. Les muscles représentent, avec les os et les nerfs, la troisième composante majeure de notre système de locomotion. Notre système de locomotion est ce qui permet le mouvement. Alors, l’alcool a-t-il un effet sur les muscles ?

L’alcool a-t-il un impact négatif sur les muscles ?

La réponse est oui et le problème est particulièrement important. Les muscles squelettiques sont ceux qui sont utilisés pour tous nos mouvements. Or on considère que l’atteinte des muscles squelettiques est très fréquente chez les malades d’alcool. Cette « myopathie » touche en effet 40 à 60 % des consommateurs chroniques. Pour comparaison, c’est 5 fois plus fréquent que la cirrhose qui est une maladie dont tout le monde a entendu parler. La myopathie alcoolique est, de loin, la plus fréquente de toutes les myopathies connues.

Une autre donnée est impressionnante : des biopsies musculaires ont été faites chez des malades d’alcool sans diagnostic de myopathie : dans près de la moitié des cas, il existait des anomalies de la structure musculaire. Donc l’atteinte des muscles une maladie très fréquente à laquelle il faudrait penser beaucoup plus souvent.

QUELLES SONT LES SIGNES DE CETTE MYOPATHIE ?

La forme la moins fréquente est la myopathie aigüe qui survient après un épisode de consommation importante, de type binge drinking par exemple. Les symptômes associent une faiblesse, une sensibilité musculaire, voire des douleurs. Les muscles touchés sont les muscles dits « proximaux », c’est-à-dire ceux qui sont proches du tronc : fessiers, cuisses, épaules. Cette myopathie n’est généralement pas diagnostiquée, car le lien n’est pas fait entre la consommation excessive d’alcool et les douleurs musculaires. Les symptômes, faiblesse musculaire, sensibilité ou douleurs musculaires, disparaissent totalement après 1 à 2 semaines d’abstinence.

La forme chronique est beaucoup plus fréquente. Elle touche aussi les muscles proximaux et se traduit par une faiblesse musculaire pouvant durer des semaines voire des mois. Les douleurs sont rares de même que l’atrophie musculaire qui est difficile à observer. Le symptôme majeur est la diminution de la force musculaire : cela entraine une diminution de la capacité à faire des exercices physiques à la fois « isotonique » (mouvements importants) et « isométrique » (contraction musculaire avec un mouvement minimal). De plus, certains patients peuvent se plaindre de troubles objectifs de la mobilité. L’alcool a aussi pour effet de diminuer la vitesse de récupération musculaire après effort. Ces effets négatifs sont dose-dépendant, c’est-à-dire que plus il y a d’alcool, plus il y a d’atteinte musculaire. 

L’effet de l’alcool sur la myopathie alcoolique est cumulatif et donc cette pathologie myopathie surviendra d’autant plus que la consommation cumulée d’alcool aura été importante.

C’est pourquoi, il s’agit d’une maladie qui va plutôt se déclarer dans la tranche d’âge 40 – 60 ans, avec une répartition équivalente entre les femmes et les hommes. Globalement on peut retenir que plus il y a eu de consommation d’alcool sur la vie et moins la masse musculaire est de bonne qualité.

Il faut d’autant plus y penser qu’il existe d’autres complications de l’alcool, notamment une maladie alcoolique du foie. En cas d’atteinte du muscle cardiaque, pathologie nommée « cardiomyopathie », le risque d’avoir aussi une myopathie des muscles squelettique est supérieur à 80 %.

Quand il existe une myopathie chronique, des épisodes de forte consommation peuvent provoquer des poussées de myopathie aigüe. Ces épisodes se traduisent alors par des douleurs musculaires, une aggravation de la faiblesse musculaire et des urines foncées, qui traduisent l’élimination de résidus de fibres musculaires.  

CONNAIT-ON LES MECANISMES DE LA TOXICITE DE L’ALCOOL SUR LES MUSCLES ?

Tout d’abord, l’alcool consommé de façon chronique provoque une altération du statut nutritionnel (troubles nutritionnels, dénutrition), avec notamment un déficit protéique. Or, les protéines correspondent aux petites briques qui permettent de fabriquer la fibre musculaire. Donc, moins de protéines disponibles = moins de fabrication de muscle. 

Il faut aussi associer dans ce mauvais bilan nutritionnel, le déficit de certaines vitamines principalement des vitamines du groupe B et la vitamine D. 

Il y a par ailleurs une diminution dans les muscles de facteurs de croissance qui sont des produits qui stimulent la production de fibres musculaires.

Enfin, les muscles ont de plus en plus de difficultés pour consommer l’oxygène de façon optimale, l’oxygène étant un carburant essentiel de l’effort.

En permanence des cellules de notre corps meurent et sont remplacées par des nouvelles. Comme bien souvent avec l’alcool, sa consommation expose à une double peine. Nous venons de voir que la fabrication des nouvelles fibres musculaires était diminuée par plusieurs mécanismes. De plus, et c’est là la double peine, la destruction des fibres musculaires est accélérée chez les consommateurs excessifs d’alcool (liée à une inflammation chronique). 

Donc plus de destruction et moins de fabrication : cela aboutit à moins de volume et de force musculaire. 

Dans certains cas, il est possible d’observer des pertes musculaires importantes au niveau des cuisses, des fesses et des lombes, ce qui confirme bien l’atteinte des muscles qui sont proches du tronc.

EXISTE-T-IL UN TRAITEMENT PERMETTANT DE RECUPERER DE CETTE ATTEINTE MUSCULAIRE?

Actuellement, 3 mesures ont démontré leur efficacité.

La première est l’arrêt de l’alcool. C’est une bonne nouvelle, car cela signifie que les lésions qui peuvent être observées sur des biopsies musculaires sont potentiellement régressives. Une amélioration nette de la force musculaire est observée dans la première année suivant l’arrêt de l’alcool. La normalisation complète de la force musculaire est acquise après 5 ans d’abstinence. Pour ceux qui ne peuvent stopper l’alcool, une diminution importante permet aussi une amélioration, mais celle-ci sera moins complète et plus lente que chez les patients abstinents.

La deuxième mesure efficace est de veiller à avoir un apport nutritionnel équilibré apportant notamment suffisamment de protéines (les éléments constitutifs de base de la fibre musculaire) et une supplémentation vitaminique.

La troisième mesure est évidente : il faut faire des exercices physiques. Chez les patients ayant une myopathie alcoolique, comme chez les autres, l’exercice musculaire est ce qui permet la régénération et la prise de masse musculaire.  

En conclusion, la myopathie alcoolique est l’une des manifestations cliniques les plus fréquentes du trouble de l’usage de l’alcool. Elle est quasiment toujours méconnue alors qu’elle génère de nombreux effets négatifs. Cette myopathie est responsable d’une diminution de qualité de vie, mais elle reste réversible avec quelques mesures simples d’hygiène de vie. 

Catégories
Alcool

ABSTINENCE ET RECHUTE : LES DÉFINITIONS SONT-ELLES SI ÉVIDENTES ?

Chez certains malades ayant un trouble de l’usage sévère, ou une dépendance (selon le type de questionnaire utilisé), le contrôle de la consommation n’est pas possible au long cours. Dans ce cas, l’option de soin à choisir est l’abstinence.

Ce concept paraît très simple : il faut être à zéro alcool. Il y a une maxime des alcooliques anonymes qui permet aux patients de bien comprendre cette idée : « 1 verre, c’est trop et 1000, ce n’est pas assez ». Et il est vrai que les rechutes commencent par un premier verre. Donc, pour les patients qui visent l’abstinence, l’idéal est de ne pas consommer du tout. Plus le temps passe et moins il y a d’envie, moins il y a la « réflexe » de boire en réponse à une émotion particulière. De plus, le temps permet aussi de perdre le « goût » de l’alcool et de le remplacer par une sorte d’écœurement. Très souvent, l’odeur même de l’alcool devient très désagréable. Donc, pour tous ceux qui réussissent à ne pas boire : BRAVO, NE CHANGEZ RIEN ! 

L’inconvénient de ce concept du zéro absolu, c’est que la reprise d’un seul verre semble signer l’échec pour les patients. Cela se traduit par du découragement et parfois l’idée qu’ils n’y arriveront jamais. Avant de poursuivre, il est essentiel d’insister sur le fait que ce texte n’a pas pour objectif de promouvoir des consommations épisodiques chez des malades qui souhaitent être abstinent, mais de leur permettre de comprendre au mieux ces épisodes.   

Voyons donc quelles informations, tirées des dernières connaissances scientifiques, peuvent être utiles aux patients qui veulent être abstinent et qui ont fait un écart. Chez ces patients dépendant à l’alcool, le concept de la rechute est essentiel à discuter, car celle-ci est malheureusement fréquente. Par exemple, après une première tentative d’arrêt d’alcool ou de tabac, les taux de rechute à 12 mois sont globalement supérieurs à 80 %. Cela explique la définition de la maladie alcoolique qui est décrite une « maladie chronique récidivante ». Il faut donc comprendre ce qu’est la rechute et comment la prévenir. Surtout il est essentiel que les patients sachent se remettre au combat en cas de rechute, car les chances de succès vont augmenter avec le temps.

DÉFINITION DE LA RECHUTE

Dans un premier temps, il faut savoir exactement de quoi on parle et pour cela définir le mot « rechute ». La réponse semble évidente, mais aussi bizarre que cela puisse paraître, il n’y a pas de définition claire et unique de la rechute. Spontanément, on se dit que la rechute est tout simplement définie par un événement incontestable : la re-consommation.

Selon le dictionnaire Littré, la rechute correspond à « la réapparition d’une maladie pendant ou après la convalescence ». Il s’agit donc d’un retour vers une condition initiale indésirable. De nombreux addictologues considèrent aussi que la rechute correspond plus à un processus dynamique qu’à une simple reprise d’un verre. Cela confirme que le trouble de l’usage de l’alcool a une évolution variable caractérisée par des périodes de rémission et de rechute. 

Deux remarques :

         Évoquer la rechute comme s’incluant dans le processus évolutif qui va vers la guérison permet de la dédramatiser (combien de malades expliquent que c’était leur « dernière » chance !). Bien sûr, re-consommer n’est pas conseillé et donne du stress aux patients. Mais cela en signe pas la fin définitive de tout espoir. 

De plus, pour de nombreux patients il faut expérimenter plusieurs rechutes avant d’atteindre à leur objectif. Dire que la maladie alcoolique est une maladie récidivante ne signifie pas que les « rechutes » ne s’arrêtent pas un jour.

Quelles sont les données les plus récentes de la littérature scientifique ? Des auteurs ont cherché quelles étaient les différentes définitions de la rechute (à l’alcool) dans les études publiées récemment.  À partir de 139 études sélectionnées car étant de bonne qualité, voilà les résultats qu’ils nous proposent : 

  • Dans une cinquantaine d’étude (38 % des études exactement), la rechute était définie par l’existence d’une re-consommation, quelle qu’elle soit (donc à partie de 1 verre). 
  • Pour les autres équipes d’addictologues qui ont fait des études dans ce champ, la définition de la rechute était différente. Il y avait rechute chez les patients qui avaient consommé (cela ressemble à un poème de Prévert) :  
  • Au moins 2 verres
  • Au moins 4 verres
  • Au moins 6 verres en 1 seule occasion
  • Au moins 3 jours de suite
  • Au moins 7 jours de suite
  • Au moins 5 verres dans la journée ou au moins 5 jours dans 1 semaine
  • Au moins 4 verres chez une femme / 6 chez un homme
  • De façon identique à leur consommation initiale 
  • Comme auparavant et avaient eu des complications physiques ou psychologiques

Cela démontre qu’il existe des définitions très différentes bien sûr, mais aussi que l’interprétation de la rechute n’est probablement pas aussi simple que nous l’aurions pensé de première intention.  

Il est peut-être possible d’harmoniser ces réponses qui sont si différentes en introduisant une nouvelle donnée. 

NOTION DE « RELAPSE » ET DE « LAPSE »

Certains auteurs anglo-saxons distinguent deux façons de re-consommer de l’alcool. Ils parlent de « relapse » et de « lapse ». « Relapse » correspond à la réapparition d’une utilisation problématique de l’alcool, après une période d’amélioration : c’est notre notion classique de rechute. « Lapse » est typiquement définie comme une prise unique, ou une re-consommation très discrète : cela correspond à ce que nous nommons parfois « simple dérapage », « glissade » ou « coup de canif dans le contrat ».

Certains auteurs sont parfois allés plus loin dans la précision. Voici une illustration qui n’a valeur que d’exemple. Ces auteurs testaient un médicament qui était susceptible d’augmenter le nombre de jours d’abstinence sur une période donnée. Pour eux, l’abstinence correspondait à une consommation nulle (0 alcool) ; la rechute (relapse) était définie par une reprise d’alcool de plus de 4 verres par jour ou de plus de 14 verres dans la semaine ; le dérapage (lapse) était défini par toute consommation qui se situait entre les deux.

QUEL EST L’INTÉRÊT D’ERGOTER SUR LES DÉFINITIONS ?

Cette discussion est très importante, car l’expérience montre qu’un petit dérapage, ça peut arriver et ça peut se récupérer. Il est indispensable que les patients abstinents qui ont fait un écart ne le considère pas comme un échec irréversible, un retour au point de départ. 

Bien sûr, ce n’est pas souhaitable. Toutefois, si cela survient, l’urgence est de contacter son médecin, ou tout autre aide possible le plus vite pour immédiatement revenir à une consommation nulle. C’est beaucoup plus facile après avoir bu quelques verres qu’après une retour importante sur plusieurs semaines. 

De plus, après un petit dérapage, c’est souvent facile de revenir à l’abstinence. C’était un message très important à délivrer.

Catégories
Alcool

CRAVING

Un lecteur du blog souhaitait que nous parlions de craving. Il s’agit d’un terme qui a acquis une forte audience depuis quelques années. 

CONCEPT COMPLEXE

Pour autant, le craving est un concept complexe qui ne fait pas consensus auprès des spécialistes. Il existe plusieurs théories essayant d’expliquer le craving et plusieurs définitions selon le modèle théorique retenu. Malgré cela, tout le monde est d’accord pour affirmer que le craving est fondamental car au cœur de l’addiction.

Pour avancer, essayer de définir ce que peut être le craving. Le mot anglais crave pourrait se traduire par « avoir un besoin maladif » (Dictionnaire Robert et Collins), ce qui donne déjà une première idée.

Un épisode de craving correspond à ressentir une forte envie, un besoin violent difficilement voire non contrôlable. Le craving fait volontiers suite à une stimulation évoquant la consommation, qu’elle soit visuelle, olfactive ou environnementale. Par exemple, voir un acteur consommer dans un feuilleton policier (et ils le font vraiment trop souvent !) peut générer une envie très violente d’alcool. Voir ses collègues fumer une cigarette pendant la pause alors qu’on essaie d’arrêter de fumer provoque aussi volontiers une envie très violente de re-consommer. Beaucoup de personnes ont vécues ce type d’épisode, en sachant bien sûr qu’il s’agit d’une expérience intime et qu’il y a donc des nuances inter-individuelles.

Mais le craving a aussi une caractéristique très importante, c’est qu’il peut survenir n’importe quand, à distance de toute consommation et sans aucune cause favorisante visible. Cette imprévisibilité est souvent très déstabilisante pour les patients qui souffrent de cette envie violente, parfois douloureuse, sans l’avoir « méritée » et en dehors de toute logique.

La question la plus importante est en fait : comment les consommateurs peuvent utiliser ce concept de craving pour avancer ?

Premièrement, le craving est lié à la dépendance. Même s’il ne faut jamais dire dire « jamais » en médecine, on peut considérer que si on ressent du craving (cette envie violente, ce besoin irrépressible, survenant volontiers en dehors de tout contexte), cela veut dire que l’on est dépendant. A partir de là, il faut se mobiliser contre sa maladie en utilisant toutes les ressources disponibles (intervenants spécialisés, associations…). Le craving peut être vu de façon positive comme un signal d’alerte qui doit permettre de se mobiliser de façon précoce contre sa maladie.

Deuxièmement, en plus de cet apport diagnostic, le craving peut être un indicateur d’évolution de sa maladie alcoolique. L’augmentation du craving signant son aggravation, la diminution de celui-ci indiquant une amélioration. 

Par exemple, on peut ressentir moins d’épisodes d’envies violentes dans la journée, ou ces épisodes peuvent durer moins longtemps. Ce sont là des éléments importants soulignant une évolution dans la bonne direction.

Catégories
Alcool

ALCOOL ET SOMMEIL – Épisode 1

GÉNÉRALITÉS

Pour parler clairement de troubles du sommeil, il convient tout d’abord de définir ce qu’est un sommeil de bonne qualité. Il y a une réponse simple qui permet une première auto-évaluation : votre sommeil est de bonne qualité s’il vous permet d’être en forme la journée. Si au contraire vous êtes tout le temps fatigué, avec des bâillements et l’envie (voire le besoin) de faire des siestes, il est probable que vous sommeil est insuffisant en qualité et/ou en quantité.

Il est important de savoir que notre sommeil est génétiquement programmé ; c’est à dire que nous sommes ou des petits ou des gros dormeurs indépendamment de notre volonté. Cela étant dit, il faut respecter son sommeil (dormir le temps nécessaire) sous peine de ressentir une fatigue chronique. 

Les troubles du sommeil sont fréquents dans la population générale, et beaucoup plus fréquents chez les personnes ayant une consommation excessive d’alcool (40 à 70 % des personnes dans cette situation). Souvent ces troubles sont aussi liés au fait que nous négligeons des conseils basiques d’hygiène du sommeil (voir épisode 3).

Les troubles du sommeil favorisent la consommation d’alcool. En effet, lorsque l’on souffre d’insomnie, on essaie toutes sortes de stratégies (médicamenteuses ou pas) pour tenter de retrouver un sommeil de qualité. Parmi ces stratégies, certains essaient l’alcool qui permet, dans un premier temps, de favoriser l’endormissement. 

Cela est vrai même chez les plus jeunes puisqu’il a été observé que des troubles sévères du sommeil chez des très jeunes enfants favorisait les prises d’alcool excessives à l’adolescence. 

Il s’agit toutefois d’un mauvais calcul car rapidement, l’alcool aggrave tous les types de troubles de sommeil : difficultés d’endormissement, diminution du temps de sommeil, réveils nocturnes et diminution de l’efficacité du sommeil (c’est-à-dire son effet réparateur).

Pourtant, une majorité de personnes pensent que l’alcool favorise l’endormissement alors que lorsque cela est étudié dans des conditions expérimentales strictes, les résultats mesurés montrent l’inverse.

Avec trop d’alcool, le temps total de sommeil efficace est aussi diminué avec une altération de l’architecture du sommeil ; il y a moins de cycles du sommeil de bonne qualité, avec moins d’épisodes de sommeil paradoxal et moins de d’épisodes de rêve. 

Les troubles du sommeil provoquent aussi de nombreuses complications :

  • Une fatigue chronique
  • Une altération des performances intellectuelles : problèmes de mémoire et de concentration 
  • Une diminution de la motivation à faire des choses et de l’envie d’entreprendre
  • D’éventuelles difficultés relationnelles avec souvent une forte irritabilité
  • Une augmentation des risques d’accidents ménager, d’accidents professionnels et de la voie publique
  • Un risque accru de souffrir de dépression

Enfin, les troubles du sommeil ont un retentissement sur notre corps et nos organes et cela se traduit par des risques accrus de certaines maladies (par exemple l’hypertension artérielle et l’obésité) et une diminution de l’espérance de vie de quelques années en cas de troubles prolongés.

Une fois que ces points négatifs sont posés, il faut préciser que ces troubles sont réversibles, en totalité ou partiellement avec une diminution de consommation d’alcool et en s’aidant des conseils d’hygiène du sommeil proposés par les sociétés savantes (voir alcool et sommeil – épisode 3).  

Catégories
Alcool Femmes

FEMMES, À ÉGALITÉ FACE À L’ALCOOL ?

Femme et alcool – épisode 1

On entend régulièrement dire que les femmes sont plus sensibles à l’alcool que les hommes. Ce qui voudrait dire qu’à quantité égale bue, il y aurait plus de toxicité pour une femme, ce qui semble paradoxal alors même que certaines normes de consommation sont identiques pour les 2 sexes (voir normes de Santé Publique France dans la page d’entrée).  

Est-ce une forme de stigmatisation de l’alcoolisme féminin lié à des représentations sociales d’un autre temps ou cela correspond-il à une réalité scientifique incontestable ? Il existe des éléments de réponses qui nous permettent de nous faire une idée plus claire sur l’existence ou non d’une différence de vulnérabilité féminine.

Il s’agit d’une question d’autant plus d’actualité que la différence de consommation entre les deux sexes tend à diminuer. Une différence nette de consommation n’existe que dans certains pays dans lesquels l’accès aux drogues (même légales) est plus difficile pour les femmes que pour les hommes. De plus l’écart femme homme a quasiment disparu chez les adolescents.

Pourtant, l’entrée dans le soin alcoologique reste plus compliqué chez les femmes avec souvent la peur d’être stigmatisée comme femme et/ou comme mère. C’est pourquoi, il est indispensable d’apporter des informations objectives pour permettre aux femmes consommatrices d’être renseignées au mieux et d’avancer.

FEMMES ET METABOLISME 

Tout d’abord, il est bien démontré que l’alcool circulant dans le sang dépend du poids corporel. Or, les poids moyen des femmes étant en moyenne plus bas, pour une consommation équivalente, les pics d’alcoolémies seront plus élevés chez les femmes avec comme conséquence une quantité d’alcool plus importante qui diffusera dans différents tissus. 

D’autre part, à poids corporel équivalent, une femme et un homme n’auront pas la même répartition d’eau (un peu moins) et de graisse (un peu plus) dans le corps. Cela signifie qu’à même dose d’alcool par unité de poids, les pics d’alcoolémies seront plus importants chez une femme que chez un homme.  

Troisième point métabolique à aborder. Il existe dans l’estomac des enzymes qui métabolisent l’alcool, ce qui permet de réduire la quantité absorbée. La concentration en enzyme est moins importante que dans le foie, mais joue néanmoins un rôle non négligeable. Or, ce premier métabolisme gastrique est plus efficace chez les hommes car ils ont plus de concentration d’enzymes. En d’autres termes, cela concourt aussi à provoquer des intoxications plus sévères chez les femmes à quantités consommées équivalentes. Enfin, pour clore ce chapitre, chez les femmes qui consomment de l’alcool de façon chronique, ce premier métabolisme est encore plus altéré et ne joue plus qu’un rôle minime dans l’épuration de l’alcool. 

FEMMES ET SYSTÈME DE RÉCOMPENSE

L’alcool, comme le tabac ou d’autres drogues, de même que certains comportements addictifs (tels que le jeu pathologique) agit sur notre circuit de la récompense et du plaisir. La stimulation de ce circuit est produite par la dopamine qui est, du coup, souvent qualifiée « d’hormone du plaisir ». Or, il existe de plus en plus de données qui suggèrent que l’action de la dopamine est modulée par des hormones ovariennes, notamment les estrogènes.

C’est une explication possible permettant de comprendre pourquoi les femmes ont tendance à progresser plus vite du début de la consommation jusqu’aux consommations excessives d’alcool et vers des problèmes liés à ces substances.

De même cela pourrait expliquer pourquoi certaines femmes ont des taux de rechutes très importants après avoir fait une démarche alcool. 

CONCLUSION

Pour conclure, il y a donc plusieurs arguments pour affirmer de façon claire qu’il existe une susceptibilité supérieure à l’alcool chez les femmes par comparaison aux hommes. On sait de plus qu’il existe pour nous plus de barrières spécifiques d’entrée dans le soin ; perception d’une stigmatisation plus importante, responsabilités de mère, faible support familial dans bien des cas. Tournons cette information à notre avantage et suivons l’adage suivant : 

PLUS À RISQUE DOIT SE TRADUIRE PAR PLUS DE VIGILANCE

Enfin, certaines des réponses données dans ce texte ne sont pas seulement vraie pour l’alcool, mais aussi pour d’autres produits psycho-actifs (tels que la cocaïne) : ce sera le sujet d’autres textes. Je reviendrai aussi sur d’autres spécificités concernant l’alcool et les femmes qu’il faut connaître pour gérer au mieux sa consommation.

Catégories
Alcool

Alcool, quelles sont les doses à risque ?

LES SEUILS DE CONSOMMATION À RISQUE :

Il n’est pas possible actuellement de se prononcer de façon formelle sur les doses qui sont sans « aucun risque » pour la santé.

Depuis des années, la Société Française d’Alcoologie (SFA) recommande de ne pas dépasser une consommation moyenne de 3 verres / jour chez l’homme et de 2 verres / jour chez la femme.

Des limites un plus basses ont été récemment proposées par Santé Publique France : ne pas consommer plus de deux verres standard par jour ; avoir des jours sans consommation dans une semaine ; ne pas consommer plus de dix verres standard par semaine

En résumé:

« Pour votre santé, l’alcool,
c’est maximum deux verres par jour et pas tous les jours. »

Ces limites représentent les seuils de faible toxicité de l’alcool, c’est à dire la consommation inférieure ou égale à ces quantités ne donne pas de risque de surmortalité. 

Catégories
Alcool

La consommation d’alcool est-elle moins toxique lors des vacances d’été ?

L’été est une période pendant laquelle il y a plus d’occasions de faire la fête, et c’est tant mieux. Il fait plus chaud, les journées durent plus longtemps, et nous avons envie d’en profiter. De plus tout le monde boit autour de nous, et cela influence notre consommation (en l’augmentant) et notre perception des risques encourus (en les diminuant). Ce n’est donc pas étonnant que nous ayons tendance à baisser la garde pendant cette période. 

Pourtant, l’alcool n’est pas moins toxique parce que c’est l’été ou parce qu’il est consommé dans un contexte festif. Dans ce sens, l’été pourrait au contraire être une période à risque, en particulier pour les consommations irrégulières mais massives. Il existe de plus en plus d’études qui démontrent qu’une consommation irrégulière, mais massive, est un mode de consommation particulièrement toxique. Lorsque l’on a beaucoup bu d’un coup, cela a agressé le corps et le fait de « calmer le jeu » pendant quelques jours n’efface pas la toxicité de cet excès : on ne « nettoie pas » pas ce qui a été fait.

L’été est aussi une période où il y a plus de tentation de boire en dehors des repas, ce qui augmente l’absorption de l’alcool dans le corps et donc sa nocivité.

Il existe une autre façon d’imaginer la prise d’alcool pendant les vacances : c’est l’intérêt de contrôler sa consommation. Cela permet de mieux profiter de ses soirées entre amis, et de rester au mieux jusqu’au bout de la fête. Par ailleurs, c’est très agréable d’être en forme le lendemain, dès le réveil. On peut aussi considérer que l’été est la bonne saison pour avoir plus d’activité physique, pour améliorer son teint et sa santé. C’est un moment pendant lequel on veut se sentir plus jeune et plus en forme. Nous pourrions donc en profiter pour nous occuper de nous, notamment de nos habitudes de boisson et d’alimentation. Enfin, il n’est pas inutile de rappeler que l’alcool n’est pas une boisson efficace pour se désaltérer.

En résumé, cet été buvez beaucoup d’eau, peu d’alcool et faites des activités physiques.

Catégories
Alcool

Pas de dépendance à l’alcool, pas de problème ?

On parle volontiers de dépendance, d’addiction, de consommation excessive ou à risque, voire de troubles de l’usage. Il est important de ne pas faire de confusion entre ces termes, car cela pourrait favoriser des comportements inadaptés, et cela de manière involontaire.

Dans ce texte, nous parlerons de la différence qui existe entre « être dépendant » et avoir une « consommation excessive ».

La dépendance correspond à des mécanismes neurobiologiques, c’est à dire à la réponse de plusieurs zones de notre cerveau à la prise d’alcool. Avoir une dépendance, c’est avoir des circuits cérébraux qui fonctionnent trop bien, qui sont trop réactifs à l’alcool. Ainsi, consommer fait persister, voire augmente les envies d’alcool au lieu de les éteindre. Cela se traduit par des symptômes spécifiques (il en faut au moins 3 pour parler de dépendance, selon les critères OMS).

On peut résumer les symptômes de dépendance de la façon suivante :

  1. Désir puissant pour l’alcool
  2. Difficultés pour contrôler sa consommation
  3. Syndrome de sevrage à la l’arrêt, parfois simplement à la diminution de la consommation (par exemple : irritation, nervosité, sueurs, tremblements)
  4. Besoin d’augmenter les doses pour obtenir l’effet désiré
  5. Abandon d’autres sources d’intérêt ou de plaisir au profit de l’alcool, et augmentation du temps passé à consommer ou à récupérer de sa consommation
  6. Poursuite de la consommation bien que celle-ci soit manifestement nocive (c’est à dire que le consommateur en ait conscience)

Donc, la dépendance correspond à une accroche puissante du produit, avec une incapacité ou des difficultés importantes de s’en séparer. Il s’agit d’un trouble grave, puisque l’individu devient prisonnier de sa consommation. 

Ce serait toutefois une erreur grossière de considérer que du coup, lorsqu’il n’y a pas de dépendance, il n’y a pas de gravité. En effet, la toxicité de l’alcool est dose-dépendante, et des personnes non dépendantes peuvent avoir plusieurs types de maladies graves liées à l’alcool. Par exemple, il a été montré dans une étude scientifique que la moitié des malades avec une cirrhose (du foie) grave ne répondaient pas à la définition de la dépendance.

Donc, la consommation d’alcool peut être toxique, même chez des personnes qui ne sont pas dépendantes ou qui ne sont jamais saoules. Le fait de n’être jamais saoul doit d’ailleurs être considéré comme un inconvénient, car cela signifie qu’il n’y a pas de sonnette d’alarme indiquant que nous avons trop bu. Du coup, « mieux on encaisse » et plus on est à risque de développer des complications liées à l’alcool.

Donc, la dépendance désigne un trouble du comportement dont il est utile de parler avec un soignant, mais elle ne préjuge pas de la quantité consommée. 

Il est indispensable de surveiller aussi les quantités consommées car ce sont elles qui impliquent les risques de complications sociales, physiques et psychologiques.